Ils sont dix. Louise, July, Emylou, Bianca et Svetlana, les filles, et puis Timéo, Ismaël, Kilian, William et Marcus, les garçons. Ils ont entre 16 et 21 ans. Ils vivent des existences tranquilles, sans rien de bien particulier pour la plupart.
Et...
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Louise dort dans son lit, confortablement installée. Elle rêve. Du haut de ses 10 ans, dans son imagination, elle brave un chef bandit, et la chaleur du désert. Elle se réveille en sursaut, transpirante sous sa couverture. Elle se lève, marche en direction de la salle de bain, afin de s'y rafraîchir. Son esprit engourdi sent une odeur étrange, elle continue de suer. Soudain, elle aperçoit de la lumière provenant du rez-de-chaussée, sans doute du salon. Elle veut prévenir sa mère, lui demander l'heure, et aussi se faire cajoler un peu. L'enfant descend donc les premières marches. La chaleur se fait de plus en plus étouffante, surnaturelle pour une nuit. Louise tourne la tête vers le salon. La lumière ne provient pas d'une lampe, comme elle l'a pensé, mais de la cheminée. Et du coin où elle se trouve, plus généralement. En fait de cheminée, c'est le tapis qui brûle à une vitesse stupéfiante. Le fauteuil crame, le canapé est déjà entièrement enflammé. La porte de la chambre de ses parents, grande ouverte, laisse entrevoir les restes de la panique qui a eu lieu ici. Louise, tremblante de peur, court vers ce qu'il reste du montant. Traversant les flammes, elle entre dans la chambre. Ce qu'elle y voit la fait vomir : ses deux parents, allongés sur le sol, entièrement brûlés, ont rendu l'âme. Ils semblent avoir voulu lutter, et, en désespoir de cause, voyant qu'il n'y avait plus rien à faire, ils se sont enlacés pour une dernière étreinte. Louise s'effondre sur le sol.
Le réveil la sortie de cet horrible songe. Elle sauta du lit, s'approcha du lavabo et passa de l'eau sur son visage. Six ans après le drame qui avait coûté la vie à ses parents, elle en rêvait encore régulièrement. Elle n'avait pas besoin de se concentrer pour savoir la suite : elle se relevait en entendant la police, et sortait de la maison en feu. Elle ne prenait pas garde aux flammes qui avaient pris possession de l'étage. Elle ne songeait pas à son doudou lapin, sans doute déjà carbonisé, ni a un quelconque objet de valeur. Elle ne songeait qu'à fuir ses lieux qui sentaient la fumée et la mort. Elle sortait par la porte arrière, arrivait directement dans la rue. Pieds nus, les vêtements en loques, elle courrait jusqu'à ce que ses jambes ne la portent plus. Alors, elle s'effondrait dans un champ.
Louise se souvenait à la perfection de chaque instant. Mais les visages manquaient, s'effaçaient, s'estompaient. Elle n'avait pas de photo de ses parents, et oubliait petit à petit les traits de leurs visages. La jeune fille secoua la tête, chassant les souvenirs, l'amertume, la tristesse. Elle avait choisi la vie, elle avait fui sa ville, perdu ses amies. Elle avait mendié, elle avait eu faim, elle avait pleuré, hurlé. Elle était tombée gravement malade. Elle s'était traînée à l'hôpital, s'était effondrée. On l'avait soignée. On avait découvert son absence de parents, d'identité, de famille. Alors le directeur de l'hôpital avait décidé de prendre en charge cette enfant. Elle avait vécu à l'hôpital, dans une chambre de malade, puisqu'on ne pouvait la loger ou l'adopter. Elle avait grandi avec les malades, les mourants, et ceux qui tentaient de les sauver. Et un jour, elle était partie faire son lycée ailleurs. Elle ne voulait plus être une charge, alors elle travaillait chaque jour chez un vieux couple. Elle avait tracé son chemin, à sa manière.