Négociation difficile

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Ma mère avait baissé ses lunettes au bout de son nez pour regarder par dessus sa lecture. Quand j'étais petite et qu'elle me regardais de cette manière, je trouvais que ça lui donnait un air de petite vieille... Et je le pensais toujours. La plupart du temps, cette idée me faisait sourire mais sur l'instant, j'étais plus concentrée sur le vœu que j'avais fait à l'age de cinq ans en apercevant une étoile filante: "Je souhaite que à chaque fois que je claque une fois des doigts, ma mère dise oui à tout ce que je lui demande".

Oui c'était extrêmement naïf mais depuis ce jours, à chaque fois que je lui demandais quelque chose, je claquais une fois des doigts et je priais pour que cela fonctionne... Inutile de préciser que ça ne marchait pas à tout les coups... Cette fois là y compris.

-C'est hors de question, me dit-elle après une pause de quelque secondes ce qui n'était pas - selon moi - assez pour prendre une décision.

-Mais pourquoi?! Ses parents sont d'accords eux!

J'essayais désespérément de convaincre ma mère de me laisser partir chez ma meilleure amie pendant les vacances tandis que les parents de cette dernière étaient à Calais. Louise était arrivée au lycée vendredi en m'affirmant qu'ils avaient finalement levé sa punition, n'avaient pas vu d'objection à la laisser seule à la maison et à ce que je vienne chez eux si c'était "pour réviser". Ma mère en revanche avait l'air un peu plus sceptique.

-Et bien peut-être que ses parents à elle n'ont pas peur de retrouver leur fille dans le journal un matin avec marqué en gros titre: brulée vive dans leur maison car personne n'était là pour s'occuper d'elle ou alors éventrée par un couteau sur lequel elle serait tombée par maladresse, morte étouffée par un bout de pain, électrocutée quand elle essayait simplement de remettre le courant qui avait sauté, bouffée par son chien, elle devient aveugle parce que ses deux petits perroquets avaient faim... Tu veux que je continue?

-Mais maman on a plus cinq ans c'est bon on sait s'occuper de nous. En plus on sera deux donc on a encore moins de chance que tout ce que tu viens de m'énumérer puisse nous arriver. Et en plus de tout ça, tu es juste à côté si on a un problème.

-Non non non non non. Je ne suis pas "juste à côté". Je suis presque à trente minute de route et ce n'est pas "juste à côté".

-Au pire si ça peut te rassurer il y a peut-être un ami à nous qui va venir et il est majeur. Ça augmente nos chances de survie, argumentais-je.

-Et maintenant il y a un garçon et majeur en plus de ça! Je te laisserais encore moins y aller dans ce cas.

Je commençais à trépigner sur place, ma mère avait de toute évidence décidé que c'était totalement inenvisageable.

-Mais mamaaan! Pourquoi?

-Parce que tu sais très bien ce que peuvent faire un garçon et une fille seuls. Ça ne sert à rien de lever les yeux au ciel comme ça, si tu n'insistais pas à ce point je ne t'aurais pas évoqué ce détail qui a toute son importance. Et si il est majeur c'est encore pire. Qu'est-ce qui me dit qu'il ne se ramènera pas avec une bouteille d'alcool là bas? Ou pire: de la drogue!

-Mais je le connais maman et j'ai confiance en lui...

-Et moi alors? Je le connais? demanda-t-elle en soufflant.

-Non...

-Donc toi tu as peut-être confiance mais pas moi. C'est décidé tu n'iras pas. Et pourquoi ils ne viendraient pas ici eux?

-Parce que c'est plus drôle de voir comment on s'en sort seuls... Et puis merde il est où le problème tu me fais confiance ou pas?! m'énervais-je.

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