Fin de l'année 1090 de la cité de Lasiar, 1610 av. J.-C.
Matin.
Quelque chose de chaud, de nouveau effleura le visage de Mythia. Les premiers rayons du soleil pénétrèrent dans sa chambre à travers la fenêtre. Les nuages commençaient à peine à recouvrir le ciel, annonçant la pluie pour la fin de la journée.
Ces derniers temps, jour et nuit, Mythia souffrait d'une douleur lancinante. Au départ, elle demandait de l'aide à Kryfos. À force d'onguents et d'incantations qu'elle jugeait autrefois bien inutiles, elle avait survécu deux ans à son infection. Un miracle, sans doute, à moins que ce ne fut une malédiction. Beaucoup ne résistaient pas plus de trois semaines au mal qui la rongeait.
Voilà trois jours que sa gangrène progressait foncièrement mal, et qu'elle avait décidé de n'en parler à personne. Son combat se terminait, elle choisissait de se laisser mourir. Mythia gardait en mémoire le compte à rebours de la ville, qui arriverait à son terme en l'an mille quatre-vint onze de leur calendrier. Partir avant cette date la comblait de joie.
Elle se rappela qu'à sa naissance, tout le monde pensait l'avoir perdue. Sa mère Cassia répétait souvent qu'elle avait chassé la Mort elle-même. Aujourd'hui encore, sa théorie avait la vie dure. Mythia aurait dû mourir depuis un bon moment.
La jeune femme souleva les pans de sa chemise de nuit et réprima une grimace. Plusieurs zones de sa peau se trouvaient noircies jusqu'à sa hanche. « Bientôt, mon cœur lâchera pour de bon », en conclut-elle. Plus que la douleur, la vue de sa peau pourrie la fit flancher. Mythia s'empressa d'enrouler sa jambe dans de larges bandes de tissus.
Toutes ses recherches en vue de sortir de Lasiar n'avaient au final pas été pour elle. Maria allait vivre, voilà tout ce qui importait. Leur mère enterrerait la tristesse de son existence sous les cendres du volcan, à l'endroit même où elle avait mentalement planifié leur vie.
— Mythia, réveille-toi, il faut que je te parle !
Cassia s'enthousiasmait plus que de coutume. Le Jour des Mémoires avait encore retenu son attention. Si la date de l'événement revêtait autrefois peu d'importance, ce n'était plus le cas. Organisé peu avant la fin de l'année, cette fête marquait une page qui se tournait de bien des façons.
La jeune infirme lui ferait volontiers plaisir, elle ne subirait aucune des conséquences de cette journée. Encore vêtue de sa tenue de nuit, du discours interminable de Cassia, elle n'entendit que quelques mots se détacher des autres :
— Voudras-tu faire ça pour moi, Mythia ?
Elle répondit par un sourire.
— Oui, mère.
Cassia rit, euphorique. Mythia eut du mal à se souvenir de la dernière fois qu'elle l'avait vue ainsi, car peut-être n'y avait-il jamais eu de première fois.
Fin de matinée, peu avant le zénith.
Mythia trouvait tant bien que mal le courage de s'habiller quand Maria entra dans sa chambre. La gaieté qu'elle espérait trouver chez sa sœur avait été remplacé par une expression contrariée, rongée par l'inquiétude. Mythia eut un vague aperçu du problème lorsque Maria brisa son silence.
— Tu n'as pas l'air en état de marcher, remarqua-t-elle.
Mythia ne pouvait plus lui mentir là-dessus.
— Tu as raison. Je m'en excuse, je ne pourrai pas sortir avec toi aujourd'hui.
N'ayant pas encore revêtu son manteau, Maria remarqua les épaules décharnées de sa sœur. Sa clavicule ressortait, saillante, au-dessus de ses côtes qui se détaillaient les unes des autres. Maria détourna le regard. Son aînée l'observa en plissant ses yeux fatigués.

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La Mère des Cendres
Fantasy« Je t'aime, plus que le monde entier. » Lorsque sa sœur lui avait fait cet aveu, Hadès n'imaginait pas à quel point il serait douloureux pour lui. L'instant d'après, Mythia s'effondrait dans ses bras, le laissant à la merci d'un monde où toute vie...