L'eau et le feu

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— C'est insupportable ! hurla Althæa.

Seul son esprit porta son cri en écho. Recluse dans l'espace au-dessus de la Terre, l'absence d'air ne lui permettait pas d'émettre le moindre son. Autrefois un véritable cauchemar sans fin, sa phobie du lieu décrut avec le temps. Suite à la construction de Lasiar, ses allers et retours sur la planète bleue eurent raison de sa peur, et elle apprit à apprécier le calme du vide.

— Faites face, lui conseilla Telos. Hadès et Mythia ont dévié de la trajectoire que vous aviez prévue pour eux. Ils se complaisent aux Enfers, et Ilithio se trouve encore avec eux. S'ils ne reviennent pas rapidement à Lasiar, tout échouera.

— Je sais ! pesta-t-elle. Je ne peux pas me permettre de réadapter le plan.

— Ce serait en effet prendre un risque inconsidéré, approuva mécaniquement Telos. Vous avez gaspillé beaucoup de votre temps à Lasiar.

La petite fille se prit la tête entre les mains. Sans issue. Tout recommencer ? Impossible. La montre jouait contre elle.

— Ils accompliront ce que je leur dicterai sans discuter, affirma Althæa. Je ne vois pas d'autre moyen de les replacer sur le chemin.

Althæa détourna ses yeux de la Terre. N'ayant d'autre liquide à portée de main que le propre sang qui s'écoulait de sa poitrine, elle y remplit sa coupe et but. Elle observa l'éclat du soleil, dont un simple humain n'aurait pas eu la force de soutenir la vue. Autant qu'elle put, l'enfant profita de sa condition, éblouie et charmée par la beauté de la puissante étoile.

— Il leur suffirait d'un léger éclairage, conclut Althæa.

— Un dernier avertissement si vous le permettez, s'imposa Telos. Faire un usage abusif de vos pouvoirs retirerait à tout le monde la volonté de lutter contre vous, et il n'est pas souhaitable de blesser outrageusement les dieux dans leur orgueil.

— Bien, je pense l'avoir compris, maugréa-t-elle. L'heure n'est plus aux discussions. Renvoie-moi sur Terre.

— À vos ordres.

***

Aux Enfers, assis sur un rocher, Hadès observait couler le Cocyte, fleuve des larmes. Tranquille, le courant emportait toutes les peines au loin. Près de Mythia, songeur, le dieu imagina que ses chagrins s'en allaient avec l'eau de la rivière. La jeune femme se reposait, rêveuse, la tête sur ses genoux. Sur le point de sortir de sa transe, elle remua entre ses mains, jusqu'à ce que son visage se retrouvât face au sien.

— Te revoilà, sourit-il.

— Hadès, marmonna-t-elle. Est-ce que...

— Oui ? l'incita-t-il à poursuivre.

— Je me demande, quel est ce souvenir, que tu as choisi de mettre à l'intérieur des broches en diamant des guerriers de l'ombre ?

Il leva la tête, gêné. À l'évidence, Mythia ne connaîtrait pas de pensées joyeuses avant que Lasiar ne tombât. Bientôt, juste un peu de patience. À l'abri dans le monde d'en bas, tout ceci ne serait bientôt plus qu'un rêve lointain.

— J'ai pris le pire souvenir qui soit, avoua-t-il. Un des miens, le jour de ta mort. Mais ce n'est qu'une arme illusoire, l'avertit-il. Une ombre ne peut pas plus se faire attraper par un homme que par un dieu. Les persuader est l'unique solution. Risible, non ? Pour renfermer Cronos, il nous faut simplement espérer qu'il accepte de nous suivre.

— Je m'en doutais, soupira Mythia. Je suis la seule personne qu'il écouterait, non ?

Le silence d'Hadès lui donna raison. Ne pouvait-elle pas tourner la page ? Joie, bonheur retrouvés. Pourquoi t'acharnais-tu à les éloigner avec tant de ferveur ? Profite du temps présent, petite sœur, ne pense pas à demain. Demain est loin et douloureux, ce calme ne durera pas.

La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant