Firaï grinçait des dents. En s'avançant dans le Labyrinthe, elle redouta une trahison d'Althæa à chaque seconde. Mythia marchait fière et hautaine à l'avant. Sans crainte, elle guettait le moindre mouvement de l'ombre de Cronos. Si Firaï crut d'abord s'en faire une amie, le mépris de cette Noblienne avait mis fin à ses espoirs.
Héphaïstos et Perséphone se tenaient derrière elle, prêts à agir. Remisée en queue du groupe, la sang-mêlée se voyait mise à l'écart Les couloirs trop étroits ne lui permettaient pas de se placer aux côtés des autres. À force d'enjamber les cadavres et de respirer ce début d'odeur de putréfaction, elle se sentit défaillir. Sans le vouloir, elle repensa à Céleste, Artan et Thalia. De peur d'apercevoir le désespoir de Vitalis, Firaï ne se hasarda pas à jeter un coup d'œil derrière elle.
La jeune déesse s'interrogea. Pourquoi ces morts attristaient-elles le garde à ce point ? Après tout, il suffisait à Hadès de leur redonner un corps une fois leur mission achevée. Cet état restait temporaire. Certes, le cas de Thalia nécessiterait sans doute de creuser un peu les décombres, mais il n'y avait rien d'insurmontable là-dedans. Cette attitude ne ressemblait pas à Vitalis, lui d'habitude si ferme et dur. Croirait-il qu'Hadès ne les ramènerait pas ?
Leur groupe arriva à la salle d'entraînement.
— Je sens qu'il n'est pas loin, murmura Mythia.
À peine la morte et les deux dieux avaient-ils franchi le seuil de la salle des gardes que la porte d'entrée se referma brutalement devant Firaï et Vitalis. La sang-mêlée hurla en donnant un grand coup de pied dans le mur de kirta. Pourquoi Althæa choisissait-elle de les séparer maintenant ? Elle se tourna vers Vitalis en quête d'un conseil. Celui-ci ne réagissait pas.
— Pourquoi tu ne dis rien ? demanda-t-elle. Arrête d'être triste, il n'y a aucune raison. Hadès ramènera les autres, aide-moi plutôt à trouver une sortie.
— Tu te trompes, démentit-il.
Vitalis partit en direction d'un autre couloir qui permettrait de contourner la salle des gardes, sans ajout d'explications. Firaï suivit le guerrier fuyant.
— Explique-toi pour une fois, lui ordonna-t-elle en le rattrapant. Comment est-ce que je suis censée te comprendre si tu ne dis rien ?
Le guerrier s'arrêta.
— Je suis désolé, s'excusa-t-il. Aucun ne souhaitait entendre ce que j'avais à dire, pas même toi. Au mieux, j'étais un pleutre. Au pire, j'étais un traître.
Firaï oscilla la tête de droite à gauche, dans le flou. Vitalis lui prit la main, toucher ferme et rugueux sur une peau délicate.
— Si je t'ai fait tuer Néarque, c'est parce que j'ai été égoïste, expliqua-t-il. Et Hadès... Il ne t'a fait tuer un innocent que pour s'assurer qu'à l'avenir, tu obéirais sans réfléchir.
— Il avait sûrement ses raisons, répliqua la jeune pyromane.
— Comme nous tous, ajouta Vitalis. Ça me paraissait facile de t'accuser ce jour-là. Je ne voulais pas qu'on comprenne que je ne voulais pas attraper Cronos. J'ai fait exprès qu'on échoue à chaque fois. Rien n'était ta faute. J'espérais qu'Hadès nous laisserait nos corps un peu plus longtemps.
Horrifiée à l'idée de stagner au milieu des cadavres, Firaï incita Vitalis à continuer de parler en avançant, ce qu'ils firent.
— Les morts n'ont pas leur place parmi les vivants, expliqua le garde au tournant d'un tunnel. J'ai apprécié chaque instant de ma vie. Je l'aimais tellement que je n'ai pas hésité à dévorer des cadavres pour mourir le plus vieux possible. Chaque fois que j'avalais un morceau d'humain, j'y prenais du plaisir, parce que ce que j'avalais, ça n'était pas seulement de la viande, mais de la vie. Je m'en suis voulu pendant longtemps. Ce n'est plus le cas. Quand Hadès m'a ramené dans ce corps, ç'a été pareil. J'avais peur de perdre cette étrange existence, et le reste m'était égal.

VOUS LISEZ
La Mère des Cendres
Fantasy« Je t'aime, plus que le monde entier. » Lorsque sa sœur lui avait fait cet aveu, Hadès n'imaginait pas à quel point il serait douloureux pour lui. L'instant d'après, Mythia s'effondrait dans ses bras, le laissant à la merci d'un monde où toute vie...