Althæa angoissait. Pendant longtemps, elle s'était imaginée diriger le monde sans avoir à se mettre en danger. Là voilà qui s'apprêtait à affronter seule une armée de dieux colériques. Poséidon était revenu trop rapidement de Lasiar pour les prévenir. Elle devrait les ralentir pour ne pas qu'ils rejoignent tout de suite la cité. Hadès, Perséphone et les guerriers de l'ombre devraient d'abord atteindre le Labyrinthe avant que les dieux ne se rappliquent.
Tricher ? Interdit. Le but n'était plus de gagner, mais de bien perdre. Si elle se montrait trop forte, comme l'avait souligné Telos, ils abandonneraient. Car à quoi bon s'engager dans un combat perdu d'avance ? Les dieux devaient se convaincre que leurs décisions venaient d'eux et non d'elle. Chacun sortirait de cet affrontement avec la certitude de sa vulnérabilité. Althæa déclencherait une bataille pour souffrir. Quel plan minable !
À l'approche du mont Olympe, l'adrénaline afflua dans son étrange petit corps. Les archères d'Artémis, déesse de la chasse, campaient sur les hauteurs de la ville. Divinités secondaires entraînées depuis l'enfance, aucun mortel ne les égalait en duel. Poséidon et ses naïades – divinités des rivières et des sources – se préparaient quant à eux près de la grande fontaine. Au centre de la ville se trouvaient Déméter et ses dryades, nymphes protectrices des forêts, tantôt arbres, tantôt femmes. Aucun ne s'apprêtait à être attaqué directement ici. Un avantage dont Althæa pourrait tirer parti. Non, il ne fallait pas. Perdre, brider ses pouvoirs, adopter la mauvaise manœuvre et se laisser blesser.
Ceux que la petite fille redouta le plus furent les combattants solitaires : Arès, dieu de la guerre insensible, Héphaïstos, le forgeron aux mille inventions, et bien sûr, Zeus, cet impitoyable lanceur de foudres. Que faire ? Comment leur signaler sa présence ? Petite, invisible, Althæa pourrait les observer des heures sans que rien ne se passe. Admiratrice de l'architecture de la ville, elle se concentra sur la discipline qu'elle maîtrisait le mieux.
En un éclair, elle atterrit au centre de la cité. Tel un puissant projectile, son arrivée provoqua un grand nuage de poussières. Paniquées, les dryades de Déméter agirent en premier. Pendant que la nouvelle de sa présence se répandait de façon alarmante, les nymphes des bois firent pousser des lianes et s'en servirent en guise d'armes.
Althæa prit le contrôle de la ville. Elle démonta les structures une à une et fit claquer des pans de murs sur ses ennemis. En utilisant des morceaux de bâtiments, elle créa des géants de pierre qui agirent sous ses ordres contre l'armée d'immortels. Au début, elle esquivait les coups. Si facile de se mettre à l'abri, quelques branches se maîtrisaient facilement. Dès que les naïades tentèrent de la noyer pendant que les archères l'assaillaient d'une pluie de flèches, les choses commencèrent à se corser.
Elle se créa un bouclier à l'aide de divers blocs de pierre. Il fonctionnait trop bien, Althæa ne put se résoudre à s'en séparer. Elle avait déjà renoncé à se téléporter, cela suffisait bien, non ? Non. Pas une seule attaque ne l'avait atteinte. Elle regretta cette pensée. D'un seul coup, ses murs boucliers se fracassèrent en mille morceaux. Héphaïstos, le dieu difforme, l'avait démoli avec son marteau de forgeron. De peur de se retrouver écrasées sous les projectiles, les dryades s'écartèrent de la zone de combat.
L'enfant préféra ne pas affronter de plein fouet l'arme d'Héphaïstos. Elle envoya les géants de pierre qu'il lui restait à ses trousses. À peine eut-elle le temps de souffler que Zeus arriva à son tour et la foudroya. Ses éclairs la frappèrent sans même rater un peu leur cible. L'énergie débordante n'affecta en rien son cœur déjà percé. « Au moins, ce coup m'a un peu chatouillée », songea-t-elle. L'instant suivant, ce fut au tour d'Arès d'attaquer. Armé, tout en armure, Althæa se retrouva désemparée par un tel attirail. Manier les armes n'avait jamais fait partie de ses préoccupations, aussi n'en avait-elle aucune à portée de main. Elle roula des yeux. Quelle idée aussi de se jeter dans une bataille sans armes !

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La Mère des Cendres
Fantasy« Je t'aime, plus que le monde entier. » Lorsque sa sœur lui avait fait cet aveu, Hadès n'imaginait pas à quel point il serait douloureux pour lui. L'instant d'après, Mythia s'effondrait dans ses bras, le laissant à la merci d'un monde où toute vie...