Kryfos était parti. Il ne reviendrait plus, Cordelia le savait. Cet air si sombre sur son visage, si lointain, lorsqu'il l'avait quittée la dernière fois... Cachait-il un secret ? Un amour perdu ? Un passé rempli de drames et de mystères qui serait devenu trop lourd à porter ? Sûrement, ce genre de choses était possible, n'est-ce pas ? Après tout, lui n'avait-il pas profité d'elle à tout prix pour se rappeler le passé ? Lui n'avait-il pas réussi à la briser corps et âme ? Lui n'avait-il pas...
Cordelia appuya sa main contre son front et ferma les yeux avec insistance. « Sors de ma tête ! » cria-t-elle intérieurement. Elle s'assit et pleura. Plus elle essuyait ses larmes, plus ses yeux devenaient rouges. « Non », pensa-t-elle. « Il faut que j'arrête de pleurer. Lui aime bien me réconforter lorsque je suis en train de pleurer. »
Il continuait à la torturer, même sans être là. Lui hantait son esprit ; une voix lointaine et proche à la fois. Une présence, un souffle d'air chaud dans sa nuque, et ces paroles répétées en boucle comme une vérité universelle : « J'obtiens toujours ce que je désire. »
Ne pas oublier le présent. Cordelia finit d'éponger le front d'Héliodore, et trempa à nouveau son morceau de tissu dans de l'eau bien chaude. Elle en profita pour se le passer sur le visage et faire croire que le contour de ses yeux rouges était dû au tissu brûlant. « Il ne doit pas savoir pourquoi je pleure », pensa-t-elle.
Héliodore toussa et se retourna sur le côté en direction de sa nouvelle femme. Il l'observa avec ses petits yeux à moitié fermés, le teint pâle et le front mouillé de transpiration.
— Tu es triste, observa-t-il. Quelque chose ne va pas, mon amour ?
Il était si faible. Comment pourrait-elle lui avouer tout ça ?
— Non, rien, répondit Cordelia. Ce n'est rien. Et puis, nous avons d'autres soucis en tête, tu ne crois pas ? Cette maladie que tu as attrapée... Je suis certaine que nous finirons par trouver un remède. Oui, tout se passera très bien, tu verras.
Elle n'y croyait plus elle-même.
— Tu sais bien que non, contesta-t-il. J'ai entendu des rumeurs. Lorsque le médecin est venu, il m'a annoncé que mon cas avait commencé à se propager, un peu partout à Siansa. Une fièvre qui n'en finit plus, des maux de tête, des vomissements fréquents.
Héliodore fut interrompu dans sa phrase. Il se mit à tousser de plus en plus fort. Elle entendit un râle de l'intérieur de sa gorge. Portant la main à sa bouche, Héliodore s'aspergea d'une giclée de sang. Il se ternit.
— Cordelia, l'avertit-il, tu ne devrais pas rester auprès de moi comme tu le fais.
— J'insiste, assura-t-elle.
Lui ne l'avait-il pas assurée qu'aucune maladie ne l'atteindrait, qu'aucune blessure n'apparaîtrait sur sa peau douce et tendre, que la mort elle-même la fuirait aussi longtemps que cela serait son désir ? Cordelia jeta un coup d'œil à la bassine d'eau posée près du lit. Elle se vidait dangereusement.
— Je dois y aller, mon amour. Ne t'inquiète pas, je reviendrai vite. Le conduit d'eau n'est pas très loin.
— Trop de dysfonctionnements, ces derniers temps, observa-t-il entre deux nouveaux éternuements. L'eau se fait de plus en plus rare dans les conduits, même si la rivière coule aussi fort.
Cordelia s'en alla et claqua la porte en sortant. La serrure se rouillait, victime de son ancienneté. Aujourd'hui encore, elle verrait lui, elle en était certaine. Il lui suffisait juste de s'éloigner quelques instants d'Héliodore, même une heure.

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La Mère des Cendres
Fantasy« Je t'aime, plus que le monde entier. » Lorsque sa sœur lui avait fait cet aveu, Hadès n'imaginait pas à quel point il serait douloureux pour lui. L'instant d'après, Mythia s'effondrait dans ses bras, le laissant à la merci d'un monde où toute vie...