L'amour possède tant de définitions diverses. Entre l'amour vrai, l'amour destructeur, l'amour éphémère, l'amour bienfaiteur, l'amour à sens unique et tellement d'autres... Il est parfois difficile de franchir le cap sans y laisser quelques plumes...
Ça fait des plombes que je regarde l'écran de mon téléphone, bloqué sur "Sarah Jane". Je sais que c'est elle qui a entré son numéro exprès pour que je m'en serve, mais c'est plus fort que moi : j'hésite. Je ne sais pas trop si j'hésite parce que j'ai peur d'avoir trop changé pour elle, ou simplement car j'angoisse qu'elle n'aime pas ce que je suis devenu. Ça me ferait chier qu'elle soit déçue de moi. En même temps, je ne suis pas obligé de tout lui dire. Si ? Non, elle n'a pas à savoir. Je ne tiens pas à griller mes chances direct.
Bon j'me lance ? J'me lance pas ? Et puis merde ! Porte un peu tes couilles Skully !
[ A : Sarah Jane Salut ma belle ! On se voit demain soir après ton boulot ? ]
Bon, il n'y a rien de bien original, mais au moins c'est fait. J'ai l'impression d'attendre des heures avant d'avoir sa réponse. Je n'aime pas cette sensation et ça me stresse. Mais je dois garder la tête froide. Ce soir, Al et moi allons rendre visite à James, le con qui doit du blé à Hec. Il vaut mieux que je me focalise là-dessus c'est certain, mais je n'arrive pas à chasser Sarah de ma tête.
- Skully ! On se casse, annonce Allen en frappant à la porte de ma chambre.
- Ouais j'arrive !
Je range mon téléphone dans la poche de mon pantalon, déçu de ne pas avoir eu la réponse que j'attendais. Je sors de ma chambre en traînant des pieds. J'en profite, j'ai bien moins mal aujourd'hui. Je n'ai rien glandé de la journée hier exprès pour me remettre d'aplomb. Après le Krak, je suis rentré, et pour la planque le soir, je suis resté assis dans la caisse donc ça devrait aller pour ce soir. Si je galère à marcher, je vais tout faire foirer, et ça n'est pas prévu au programme. De plus, maintenant que Al et moi sommes engagés auprès de Hec, nous n'avons pas le droit à l'échec, sous peine de devoir nous même lui rendre son fric. C'est mort ! Hors de question ! James va payer sa dette !
C'est donc avec un pied qui va mieux et mon Beretta coincé au niveau de mes reins que je retrouve Allen à la voiture. Il est presque minuit lorsque nous arrivons chez James. Nous décidons de patienter ensuite quelques minutes avant d'entrer, histoire de voir s'il est seul ou pas. Voyant que personne ne va et vient, nous sortons de la bagnole, c'est là que sens ma poche vibrer.
- Attends mec, dis-je à mon frère en sortant l'objet de mon pantalon.
De la bombe !
Je vois "Sarah Jane" inscrit sur l'écran. Je sens mon palpitant qui s'emballe comme un lycéen. Je me dépêche d'ouvrir son message.
[ De : Sarah Jane Plutôt en début d'après-midi si ça ne te gêne pas. Je bosse le matin au Krak mais j'ai mon autre boulot demain soir]
[ A : Sarah Jane Pas de problème, envoie moi une heure et une adresse où te récupérer ;-)]
[ De : Sarah Jane Tu te rappelles de la maison où j'étais avant de déménager ?]
[ A : Sarah Jane Ouais ]
[De : Sarah Jane Retrouve moi là-bas demain à 2H PM. Bonne nuit Super Noah]
Je remets mon portable dans ma poche tout joyeux, comme un gosse à qui on a dit "oui".
- Qu'est-ce que t'as ? demande Allen. C'est quoi cette gueule de con que tu m'fais là ?
Je dois sûrement être en train de faire ma tête d'abruti, mais je m'en carre. Je suis trop content.
- Bah j'ai rien, dis-je en riant en étant incapable de tomber le sourire. Bon on y va ? On n'va pas camper là ?
Cette brève conversation avec Sarah m'a motivé pour la soirée, enfin ce qu'il en reste. Je suis remonté à bloc !
Nous avançons dans la petite allée devant la vieille baraque de James. Il n'y a l'air d'avoir personne car sa voiture n'est même pas là. J'espère qu'il a de l'oseille chez lui. Je n'ai pas trop envie de poireauter des heures en attendant qu'il revienne. Allen regarde par la fenêtre pour vérifier l'intérieur. Il siffle un coup bref pour m'indiquer que la voie est libre. Je baisse alors la poignée de la porte d'entrée. Bien-sûr, elle est fermée à clé. Bah quoi ? J'ai le droit d'espérer non ? C'est arrivé une tonne de fois qu'on entre sans effraction. Je sors alors mon passe coincé dans mon bracelet. Je préfère l'avoir toujours sur moi, juste au cas où. De plus, il se range parfaitement dans le cuire qui orne mon poignet. La porte enfin ouverte, Al et moi nous séparons. Lui prends le couloir où il doit y avoir les chambres, alors que moi je reste dans la pièce principale. Nous fonctionnons souvent ainsi. Comme ça tout le monde sait ce qu'il a à faire sans poser de questions.
Je retourne tout sur mon passage. Le canapé est totalement désossé, le meuble télé est vidé sur le sol et même la cuisine est en vrac. En parlant du meuble télé... Qui est assez con pour laisser des photos de cul là-dedans ? James l'est apparemment. J'attrape une bonne dizaine de photos de ce mongol avec plusieurs filles, la même brune revient souvent. Sa préférée sans doute... Je me marre comme un abruti tout seul dans le salon. D'ailleurs le salon, il fait peine à voir. On croirait qu'une bombe a sauter là-dedans tellement c'est le bordel. Putain y a que dalle ! J'ai ramassé seulement 20 balles. On est bien loin des 10000 putain !
Je fonce dans le couloir pour retrouver Allen. Je le rejoins dans une pièce avec ordinateur et billard.
- Mec, y a rien ici, dis-je.
- Là non plus.
- Mais regarde ce que j'ai trouvé, dis-je en agitant les clichés cochons de James le pervers.
- Oh putain ! Merde, balance moi ça c'est dégueulasse !
- J'avoue, cette meuf n'est pas terrible, ajouté-je en regardant à nouveau.
- Je parle de lui sale con, dit Allen. Bon, on fait quoi ?
- On défonce ? demandé-je.
- On défonce.
Je ne cherche pas bien longtemps l'objet qui va m'aider à retourner la baraque. Je saisis une queue de billard posée sur la table. Al m'imite et me sourit.
- C'est parti ! lance-t-il.
Allen commence à fracasser l'ordinateur sur le bureau du coin à coups de queue de billard. Je file au salon pour faire de même. Tout y passe. Tout ce qui peut être jeté par terre est jeté par terre. Tout ce qui peut être défoncé à l'aide de ma batte improvisée est défoncé.
Dix minutes plus tard, la maison est méconnaissable. Avec ça, James va avoir les boules et ira vite fait rembourser Hec s'il ne veut pas qu'on revienne refaire la déco. Pas besoin de laisser de message, il saura très bien de qui ça vient. Espérons juste qu'il ne traîne pas sinon Hec va râler. Et qui c'est qui va prendre ? Al et Skully ! Alors merde ! James a intérêt de bouger son cul !
***
Rentré à la maison, je regarde les sms de Sarah comme un débile. Je décide ensuite d'aller sur son profil Facebook. Je bug plusieurs minutes sur ses photos comme un obsédé. Je dois sûrement avoir la tronche du pervers psychopathe de l'autre fois. Je vais ensuite dans l'onglet "À propos". Je découvre alors qu'elle bosse au Chicago Hospital. Alors c'est ça son deuxième boulot... Mais qu'est-ce qu'elle peut bien faire là-bas ? Je regarde partout sans trouver ce que je cherche. Je reste alors émerveillé sur ses photos et m'endors avec son beau visage dans la tête.
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