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J'avais échafaudé tout un scénario dans ma tête et l'avais appris par coeur pour le servir aux flics à leur arrivée. Je leur aurais raconté sans pression, enfin j'aurais essayé, que j'avais été victime d'un "car jacking". J'ai même demandé à Blaine de rentrer à Chicago pour aller brûler ma caisse. Ouais carrément. J'étais prêt à sacrifier mon bébé. Je crois que j'en aurais sûrement chialé comme une gonzesse. Mais j'étais près à tout pour sauver mon cul. Si je ne suis pas crédible auprès de la police, les flics risqueraient de vouloir en savoir plus. Si jamais l'envie leur prenait de m'interroger au poste, ou pire de venir faire un tour à la maison, on aurait tous les trois été dans une merde noire. Aucun de nous trois n'a de boulot fixe, et surtout pas un seul qui soit légal. Comment sommes-nous censés se payer un quatre pièces sans job ? Enfin bref, Blaine m'a persuadé d'attendre un peu, et franchement, je pourrais lui embrasser les pieds maintenant si ça ne me faisait pas si mal de bouger. Les flics ne sont jamais venus, pour mon plus grand bonheur. Voir Sarah face à mes boulettes me rajoutait une couche supplémentaire de honte et d'angoisse. Elle a sûrement dû paniquer quand elle a vu dans l'état d'agitation extrême où je me trouvais. Franchement, je n'en menais pas large à l'idée de voir la police entrer dans ma chambre. Au moins maintenant, je peux enfin respirer et sortir de cette putain de clinique. Après quatre jours de coma et deux jours d'observation, j'ai hâte de rentrer à la maison. Mes côtes me font un mal de chien, mais heureusement, j'ai un stock phénoménale d'antalgiques et de myorelaxants ou je ne sais plus quoi. Le Docteur "Iva-truc" me shoot à mort avec d'autres médocs. Je me rassure tout seul en me disant que je plane sur ordonnance et non à cause d'Allen. N'empêche, Blaine a assumé tous les frais médicaux sans rien me demander. Il n'a d'ailleurs pas voulu me dire à combien s'élevait la note, même si je sais qu'elle a dû être sacrément salée. C'est dans ces moments-là que je me dis que j'ai de la chance qu'il n'ait pas un boulot comme tout le monde. Comment il aurait payé sinon ?Comme toujours, il prend soin de moi. Mon ange gardien, mon Superman.

Marchant difficilement jusqu'à la voiture de Blaine, je ne peux me retenir d'observer Sarah du coin de l'oeil. Sur son visage, je ne vois aucune trace de déception, aucune marque de tristesse. Et quand elle me regarde enfin, je vois juste à quel point elle m'aime dans ses yeux. Comme si elle me disait qu'elle serait toujours là, peu importe les choix débiles qu'il m'arrive de faire. Quand je vois tout ce qu'elle est prête à supporter, je me dis que je lui dois de changer. Si je ne le fais pas pour moi, il faut que je le fasse pour elle, pour continuer à voir ce même visage serein, ces mêmes yeux amoureux.

— Où tu vas comme ça ? lâche une voix dans mon dos, alors qu'on exerce une prise sur mon épaule.

Cette voix, je la connais bien, tellement bien, et je la redoute. L'espace d'un instant, j'ai oublié que la police n'était pas mon principal problème. Hector l'est bien plus.

— Hec ? dis-je tout bas en stoppant ma marche.

— Heureux de voir que tu te rappelles de moi, lance-t-il le sourire aux lèvres.

— Hec ? ajoute Blaine en arrivant droit sur nous.

— Toi tu fermes ta gueule maintenant ! Y'en a ras le cul que tu protèges ce petit con sans arrêt ! Prends ta caisse, ton frangin et la blondasse et barrez-vous !

— Hey ! Non mais ça va pas bien ? s'énerve Sarah.

J'attrape la main de Sarah et la serre fort pour l'obliger à me regarder dans les yeux. Je lui murmure ensuite de faire ce qu'il dit et de se taire.

— Je ne vais pas te laisser avec lui, chuchote-t-elle. Noah, c'est qui ce mec ?

— Un léger contre-temps avant le changement, la rassuré-je. Pars avec eux, s'il te plaît.

— Bon c'est pas un peu fini votre cirque là ? Je n'ai pas que ça à foutre ! Skully, tu ramènes ton cul et les autres vous dégagez ! Blaine, on se voit à Chicago. Je n'en n'ai pas fini avec toi non plus.

Blaine ne bronche pas et se contente de hocher la tête. Décidément, mon frère s'écrase constamment face à Hector. Il doit vraiment avoir un sale dossier sur lui pour le faire ramper comme un toutou à chaque fois. Blaine n'est pas franchement le genre à fermer sa gueule. Je me demande bien quel différent peu les relier tous les deux. Enfin bref, là tout de suite, la question que je devrais me poser c'est plutôt : "qu'est-ce que Hec a l'intention de me faire ?".

Je regarde Sarah partir avec Al et Blaine, le coeur serré, et suis ensuite Hector jusqu'à sa voiture. Il s'engouffre à l'intérieur sans perdre de temps. Je fais de même, difficilement. Me plier pour entrer dans sa caisse rabaissée me fait atrocement souffrir.

— Je suis désolé Hec, dis-je en m'asseyant.

— Désolé de quoi ? fait-il sans me regarder. Désolé d'avoir fait le mort pendant une semaine ? demande-t-il en me fixant ensuite sans vaciller. Désolé de t'être encore fait péter la gueule ? Ou désolé d'avoir laissé filer ma came ?! hurle Hector et me mitraillant de ses yeux verts. Hein Skully ? Elle est passée où ma putain de came ? Il est où mon fourgon ? Réponds sale enflure !!! cri-t-il en attrapant fermement le col de ma veste.

— Drake et Mason se sont barrés avec ça va ?! Ce n'est pas moi qui te l'ai prise !

— Mais alors ça j'en ai juste rien à branler Skully. C'était TON fourgon ! C'était à TOI d'y faire gaffe !

— Pourquoi tu me fous tout sur le dos ? Je n'pouvais rien faire contre Drake, son frère et leurs sbires ! T'as bien vu dans quel état je suis non ?! m'énervé-je.

— T'as fait ta fiotte une fois de plus, moi c'est tout ce que je vois. Une vraie merde, comme ta camée de maman, lâche-t-il l'air moqueur.

— Parle pas d'elle. Tu ne la connaissais pas. T'as pas le droit, fais-je le regard humide.

Parler d'elle me fait toujours aussi mal. Comme une plaie qui ne veut jamais cicatriser. Une blessure qui se réouvre sans cesse, qui saigne sans pouvoir s'arrêter. Jamais aucun pansement au monde ne pourra me guérir d'elle, de sa perte, de sa vie mal faite, de son parcours chaotique et de sa mort venue trop tôt. Je sais qu'elle n'était pas la mère parfaite, mais c'était la mienne. Et je maudirai à vie quiconque osera me regarder dans les yeux pour la dénigrer.

— Crois-le mon petit Skully... Je l'ai bien pratiqué ta chère petite maman. Et tu sauras que j'ai TOUS les droits. Comment tu crois que j'ai réussi à dégager les flics de l'hosto ? T'as cru sérieusement qu'ils allaient te lâcher comme ça ? Décidément, t'es vraiment con mon pauvre ami. Heureusement que j'étais là petit merdeux. Tous pourris ces flics, c'était même trop facile. Enfin bref, revenons à ce qui m'intéresse... Ma came ? Elle est où ?

Je suis encore abasourdi par ce qu'il a dit juste avant sa tirade sur la police corrompue. Ma mère ? Il connaissait ma mère ?

— Hé oh ! J't'ai posé une question ! lance-t-il en me donnant une tape derrière le crâne.

— Mason a sûrement déjà tout vendu.

— Vaudrait mieux pas pour toi Skully, dit-il en allumant le contact. Si jamais Mason a vendu ma part, tu seras mon larbin jusqu'à ce que tu crèves. Et si tu as un problème avec ça, on peut s'arranger. Tu peux crever maintenant si tu préfères. Mais qui sera là pour protéger ta chère petite bombasse blonde hein ?

— Elle ne sait rien, il ne faut pas la mêler à ça.

— Ah mais c'est trop tard, il fallait y penser avant de la baiser cette pétasse, se moque-t-il. Maintenant, ferme ta gueule et prie pour que l'autre connard n'ait pas tout vendu. Toute façon Drake et Mason sont déjà morts.

 Toute façon Drake et Mason sont déjà morts

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In my memoriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant