In my memories

[ 47 ] Sarah

Trente six jours...

Trente six jours se sont écoulés depuis  que je lui ai dit au revoir. Aujourd'hui,  je me sens prête à aller trier ses affaires. Enfin, si toute fois on est prêt pour ce genre de choses. Blaine m'a téléphoné il y a quelques jours pour savoir si je voulais récupérer des trucs dans sa chambre avant qu'il ne rende les clés de l'appart'. Il a décidé de déménager. Ce n'est pas très loin, mais ce n'est surtout pas Chicago. Je crois que tout le monde a besoin de fuir cette ville. Moi-même, j'y songe de plus en plus.

Allen le rejoindra dans quatre mois, quand il sera libéré. Il a quand même pris un peu de détention  pour la vente de la drogue. Mais il a passé un marché avec les flics. En balançant tout le réseau d'Hector, il s'est assuré la liberté. Il est incarcéré dans la prison du Conté de Cook le temps de sa peine. Heureusement, Blaine connaît du monde pour le protéger là-bas, car Hector a aussi un bon paquet d'hommes qui y sont enfermés également. En prison, ça peut très vite déraper, et il ne faut pas qu'il arrive malheur à Al aussi. Le mot a dû vite circuler dans les couloirs sur les raisons de sa présence en prison. Et la durée de sa peine étant assez courte comparé à tous les chefs d'inculpation qu'il aurait pu avoir sur le dos à dû en faire tiquer plus d'un. Allen ne voulait pas balancer. Passer pour un traître ne l'enchantait pas. Mais son frère a réussi à le convaincre que c'était la meilleure solution pour repartir de zéro ensuite. Et après tout ce que Hector a fait subir à tout le monde, c'était sûrement la meilleure alternative.

J'ai  été le voir la semaine dernière et il a l'air d'aller pas trop mal. Si on peut aller bien dans ce genre d'endroit bien-sûr. C'est lui qui est en prison et c'est lui qui me dit que tout va bien se passer. Lui qui me rassure alors que c'est moi qui suis libre. Mais je crois que positiver est dans sa nature. Peu importe les circonstances, Al ne se laisse jamais abattre. Je trouve ça très rassurant. Il a bien-sûr  hâte de sortir pour retrouver son frère à Milwaukee et prendre un nouveau départ à son tour.

Blaine a décidé d'ouvrir un garage avec Marcus son ami qui en a déjà un en ville. Il tourne assez bien pour qu'il laisse la gérance à quelqu'un d'autre. Marcus était là à l'enterrement de Noah et c'est là que j'ai fait sa connaissance. Je crois que sa mort a chamboulé beaucoup de monde. Son entourage souhaite lui aussi changer et avoir une nouvelle vie. Ce drame aura au moins permis à Blaine d'arrêter les conneries, loin d'Hector et de tous ces trafics. Il mérite lui aussi sa seconde chance après tout ce qu'il a sacrifié. Il va honorer le souhait de Noah d'être un homme meilleur en le faisant lui-même.

***

J'ai promis à Blaine de venir aujourd'hui l'aider à trier la chambre de Noah, mais assise sur le rebord de la baignoire avec mon "bâtonnet" qui affiche "deux barres", je n'arrive plus à bouger. J'attrape la boîte pour lire et relire la notice. Rien à faire, une barre c'est négatif, deux barres c'est positif.

Merde...

Je pensais que ces quelques jours de retard étaient dû à tout le stress de ces dernières semaines. Ça m'arrive souvent lorsque je suis contrariée. Mais enceinte ? Noah et moi nous sommes toujours protégés pourtant je ne comprends pas. Me revient alors en tête nos derniers ébats, lorsqu'il est sorti de l'hôpital. La seule et unique fois où on a oublié le préservatif.

Je me mets alors a pleurer, comme si je n'avais pas eu ma dose ces derniers jours. Je m'effondre, accroupi sur le carrelage de la salle de bain.

Plus tard, je décide d'envoyer un message à Blaine pour le prévenir que je ne viendrais pas aujourd'hui mais demain. Je ne me sens pas capable d'aller affronter ça maintenant.  Je sors ensuite de chez moi pour aller à un laboratoire d'analyses et faire une prise de sang. On ne sait jamais. Les tests comme ça sont souvent peu fiables. Je tente de me rassurer comme je le peux. Tout ceci ne peut pas être vrai. Ça ne doit pas être réel.

Assise sur le siège, le bras droit tendu vers l'infirmière, je détourne le regard pour ne pas voir l'aiguille pénétrer ma peau. Mes yeux se portent alors sur ma main gauche, paume vers le haut, posée  sur ma cuisse. J'observe la moitié de ce petit tatouage qui dépasse de ma manche et retiens mes larmes. Moi qui ai regretté de l'avoir fait au moment de la mort de Noah, en sachant que tous les jours de ma vie, je repenserai au fait qu'il n'est plus là. Si je suis réellement enceinte, c'est bien pire qu'un simple tatouage. Je n'ai jamais vraiment pensé au fait d'avoir des enfants. Mais ce que je sais aujourdhui, c'est que je ne suis pas prête. Je n'ai plus de boulot, et ce n'est pas enceinte que je vais en trouver un. Je ne sais même pas si je vais rester à Chicago ou repartir à Washington avec mes parents. Noah n'est plus là...

- Voilà c'est fini, dit l'infirmière. Vous aurez les résultats demain matin.

- Merci.

Le reste de la journée, je le passe avec mes écouteurs dans les oreilles, allongée dans mon lit, à écouter notre chanson. Celle de notre adolescence. Baby. Qui aurait cru que j'écouterais toujours du Justin Bieber en boucle à vingt ans ?

***

Je n'ai pas réussi à dormir plus de trente minutes d'affilées. Toujours réveillée par un heureux rêve reflètant un beau souvenir. Ou effrayée par un cauchemar où je revivais la mort de Noah. Je suis clairement à bout de nerfs et je ne trouve rien pour m'apaiser. Il n'est plus là...

De retour dans la voiture de Noah que j'ai gardé depuis sa mort, mes résultats à la main, j'ai un moment de flottement avant d'ouvrir. Mais si je veux en avoir le coeur net, rien ne sert de laisser traîner des heures.

H.C.G. intacte + sous-unité ß
> 1338 UI/L

Ça veut dire quoi ça ?

Je regarde alors en dessous pour voir dans la tableau de valeurs ce que ce chiffre signifie.

Entre cinq et six semaines d'aménorrhées !

Là, il n'y a plus de doute.

Toujours garée devant le labo, je m'effondre de plus belle. Comment je vais réussir à gérer ça ? Est-ce que je suis prête à le faire ? Est-ce que je dois  le faire ? Sans lui ?