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J'ai regardé Sarah du coin de l'œil tout le long de notre petit dej. Impossible de m'en empêcher, c'était plus fort que moi. Allen m'a d'ailleurs dit que j'avais une tête de pervers psychopathe. Remarque qui lui a valut un nouveau coup de pied sous la table. Mais comme toujours, Sarah me fascine. Peu importe l'âge que j'avais, à chaque fois que je l'ai retrouvé, c'est comme si je la découvrais pour la première fois. Comme si elle était une nouvelle personne, en étant pourtant toujours comme je l'avais quitté. Ces retrouvailles là ont été identiques aux autres  : inattendues, troublantes et fascinantes.

Alors qu'Allen nous conduit chez Marcus, mes yeux se figent longuement sur mon avant-bras droit. Mon index gauche survole chaque chiffre pour finir par caresser la fleur qui trône près de mon poignet. Geste qui fait dissoudre un peu l'encre sur mon épiderme au niveau des pétales. Je m'abstiens de continuer ce geste de peur d'effacer les précieux numéros inscrits sur ma peau. Je dois sûrement être en train de sourire comme un idiot. Mais en fait, je m'en fous. Je suis tellement content d'avoir revu Sarah. Et c'est certain qu'il faut qu'on se revoit à nouveau. Il me faut tellement plus qu'une conversation brève et sans fond. Je veux qu'elle me raconte sa vie. Qu'elle me dise comment ce sont passées ces années à Washington. Qu'elle me dise pourquoi elle est revenue. Je veux tout savoir.

Ça me fait du bien de l'avoir retrouvé, mais pas que. Ça me fait aussi un peu mal. Elle fait ressurgir tellement de bons moments, mais également tant de mauvais aussi. Elle me ramène à une époque que j'aurai voulu oublier. Entre son départ à elle qui m'avait retourné encore une fois, le décès de ma mère l'année d'après, puis mon père qui ne faisait que de s'enfoncer toujours plus bas en me laissant seul face à la vie. Une période qui a aussi signé mon nouveau départ avec ma nouvelle famille. Je me demande parfois ce que je serai devenu si j'étais resté avec mon alcoolique de père. Pas sûr que j'aurai été dans un meilleur environnement qu'aujourd'hui. Je ne pense pas que j'aurai fait de brillantes études de médecine ni un de ces trucs qui nous rend fier. Aujourd'hui, je gagne ma vie, certes, sûrement pas de la bonne manière, mais au moins, je ne compte que sur moi-même. C'est vrai qu'il m'arrive souvent de me retrouver couvert de bleus et d'éraflures, de bousiller une caisse par-ci par-là, et j'en passe. J'ai quand même honte des fois de faire certaines choses. Mais c'est ma vie désormais. Par contre, la seule chose que je refuse de faire, c'est dealer. Il m'arrive bien-sûr de me défoncer après une course pour fêter ça. Ça m'arrive bien plus après un combat pour oublier la douleur. Mais il est hors de question que je vende cette merde, et encore moins que je touche de près ou de loin à tout ce qui ne se fume pas. J'ai vu tellement de gens dépérir à cause de la cocaïne, trop de gens dépendant des pilules et de la « piqûre ». Et à cause de cette dernière, j'ai aussi perdu la seule personne qui comptait. La seule personne qui se souciait de moi. Elle était loin d'être parfaite, mais elle m'aimait et c'était tout ce qu'il me fallait. Elle pensait que ça lui rendrait la vie plus facile à supporter je suppose. Mais la dépendance nous voile l'esprit et nous éloigne du raisonnable et des gens importants. Elle ne savait plus s'arrêter. Il lui en fallait toujours plus, jusqu'au jour où il y eu le "plus" de trop. Le "plus" qui a détruit ma vie et mon avenir. J'avais beau lui dire qu'il fallait qu'elle arrête, pour son bien, et le mien aussi. Mais depuis plusieurs années, elle n'écoutait plus. Elle était là sans y être. Jusqu'au moment où elle a complètement disparue.

Arrivé chez Marcus, je suis tout excité ! Je vais enfin récupérer ma voiture préférée. Une BMW E46 troisième génération, un vrai bijou. La dernière course que j'ai faite avec, l'autre buse qui courait contre moi n'a rien trouvé de mieux que de me rentrer dans le cul à la ligne d'arrivée. Ce con a bouffé mon poing dans sa gueule pour avoir bousillé mon bébé. Pour réparer les dommages, je me suis servi. Ce guignol m'a regardé repartir avec sa caisse sans broncher. Je l'ai également laissé à Marcus pour qu'il la prépare comme il faut. Je suis sûr d'en tirer un bon prix quand elle sera prête. Ça fait un peu connard mais bon, si je n'avais pas réagi, il en aurait conclus que je suis faible. Et c'est inenvisageable ! Si je veux qu'on me respecte, je ne dois pas me faire marcher dessus. Le prochain qui compte abimer ma voiture sait à quoi s'attendre. Avec ces conneries, tout le fric que j'ai gagné pour la course est parti dans les réparations . J'ai même dû allonger un billet de plus. Alors je compte bien me rembourser en vendant sa Mitsubishi !

Arrivés devant le garage de Marcus, je sors de la voiture tout excité. Je me rue à l'intérieur sans attendre Allen. Je l'entends qui râle et qui me traite de gamin. Bah j'vois pas où est le problème, j'ai 20 ans quoi ! Qui peut se vanter d'avoir une merveille pareille à mon âge ? Bon c'est vrai, j'ai usé de mes poings pour me l'acheter. J'ai économisé presque un an l'argent que je gagnais lors des combats. Autant dire que je les ai enchaîné. Ce n'est pas avec ce que j'encaisse pour une victoire que j'aurai vite fait fortune. Vers la fin, je freinais tellement peu les combats que j'étais devenu méconnaissable. Mon corps et mon visage n'avaient pas le temps de se remettre qu'il fallait y retourner. Mais j'ai eu ma putain caisse de rêve ! Et maintenant que je l'ai, bah je veux une moto. Bah quoi ? J'ai toujours 20 piges ! Et l'avantage d'avoir une voiture maintenant, c'est que je peux m'en servir pour me faire du fric facilement sans avoir à trop m'en prendre dans la gueule. Bien-sûr, je continu toujours les combats. Ça reste de l'argent facile et un bon moyen de me défouler. Ça évite à certains de trop manger et moi d'être frustré. Et puis franchement, fracasser une tête de con et ramasser la monnaie, j'adhère complètement.

Les yeux émerveillés devant ma voiture réparée et bichonnée, je ne retiens pas mon sourire une seconde de plus.

- Putain mec tu déchires ! lancé-je à Marcus.

Ce dernier m'envoie  les clés en me faisant un clin d'oeil.

- Et ne te fais pas rentrer dans le cul ce soir ! lance-t-il. Je serai là pour m'en  assurer.

- Nan t'inquiète ! C'est moi qui vais lui rentrer dedans, dis-je en riant.

Je regarde Allen et Marcus qui font une mine déconfite. Ils ont l'air choqué par mes paroles et n'osent pas ouvrir la bouche.

- Ma parole c'que vous êtes cons ! Vous croyez vraiment que j'ai envie qu'elle refasse une séjour au garage ? Regardez-moi cette beauté. Le prochain qui la défonce, je lui grave Skully sur le cul !

 Le prochain qui la défonce, je lui grave Skully sur le cul !

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In my memoriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant