Chapitre 5 : La forge ✔

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Aujourd'hui, nous sommes à la forge.
Enfoncée dans le décor, j'observe Ivar polir une lame avec précision. Je suis loin de m'ennuyer, là, derrière lui. Mes yeux n'ont pas perdu une miette de ses soins et mon esprit enregistre chaque geste pour un jour peut-être, essayer de les refaire. Ivar assemble désormais la lame et le manche. De ma place je distingue sur celui-ci des gravures dont l'une semble être un corbeau. Ne résistant pas à ma spontanéité je m'émerveille.

-Que c'est beau !

Ivar qui avait sûrement oublié ma présence me jette un oeil avant de me faire signe d'approcher.

-J'y ai passé 8 jours et 7 nuits,se confie-t-il. Touche le manche.

Un ordre est un ordre. Portant mes doigts sur les gravures, je caresse le manche cuivré du couteau. Sous mes doigts vole le corbeau et s'épanouissent les ronces travaillés au dur labeur. En un instant Ivar saisit ma main doucement mais fermement afin de faire courir mes doigts sur l'autre partie du manche. Le contact est tel que je sens des frissons chevaucher mon dos. La scène de hier soir me revient en tête et ma main se met à trembler. Cet enfant fou pourrait me sectionner un doigt !

Par un réflexe je me dégage de l'emprise d'Ivar et ramène ma main à moi-même. Le regard du Désossé se lève mais rien ne m'est transmis.

Calme-toi Geni, il ne te fera rien et le maître forgeron n'est pas loin.

-Bien, je vais laisser la lame reposait dans l'eau, se dit-il à lui-même sans relever mon action.

Je me tourne vers le point qu'il fixe et aperçois une petite bassine posée à l'autre bout de la forge. Alors qu'Ivar s'apprête à descendre de sa chaise, je porte une main sur son épaule.

-Maître, je peux déposer la lame, me proposé-je avec volonté.

-Non, s'esclaffe aussitôt Ivar. Tu risquerais de te couper et je ne veux point encore de sang pour ma création.

-Mais cela vous éviterez de vous déplacer, me justifié-je simplement.

-Je n'ai point besoin de l'aide d'une esclave impertinente et inutile comme toi.

À la première pique je ne me suis pas sentie blessée, mais là... Comment ose-t-il me dire ça ? À croire que je l'insulte ! Tout ce que je veux c'est l'aider pour lui éviter de souffrir est-ce compliqué à comprendre ?! Laver les vêtements et remplir une cuve, je peux, mais déposer une connerie de lame dans une bassine qui se trouve à 30 pieds de moi ça m'est impossible ?!

-Si vous n'avez point besoin de mon aide pourquoi m'avoir acheté ? fais-je en mimant l'incompréhension.

-Je t'ai prise pour être mon esclave et accomplir mes ordres pas pour que tu prétendre être mon égal et m'offre ton aide par pitié.

-Vous auriez dû vous abstenir.

-Tu serais morte sans moi ! Faible comme tu es, une journée aurait suffit pour que tu trépasses. Les autres t'auraient traité à ta juste valeur et tu ne vaux rien ! crache Ivar en m'enflammant de ses yeux perfides.

-J'aurais préféré être à autrui plutôt qu'à un infirme incapable de reconnaître la misère de sa vie et lunatique !

À peine ai-je prononcé ces mots qu'Ivar me frappe au front. Le choque est tel que je m'arque alors qu'un bruit de sourd cogne mes oreilles. Une douleur commence à apparaître dans ma tête quand soudain je sens une main rude empoignait mon cou. Je suis redressée et mon regard est clouée sur le plafond. Ivar serre ma gorge tandis que mes mains tâte dans l'espoir de la lui faire lâcher.

-Maître ! m'égosillé-je avec peine.

-Ferme la esclave ! Je ne tolérerai plus d'insolence venant d'une sous être comme toi !

Comme une cage les doigts d'Ivar m'emprisonne et plus rien ne peut sortir de ma bouche que ce soit des mot ou de l'air.

-Ne vois-tu pas que tu es impuissante face au Désossé ?! rugit Ivar dans la forge. Tu es à moi ! Ta vie m'appartient j'ai payé pour ça !

Menée par mon instinct de survie j'essaye de me débattre mais mes ongles griffent juste le cuir qui recouvre sa main. La poigne devient plus furieuse et bientôt, je sens le manque d'air. Ma tête tourne quand j'entends soudain le forgeron interpeller Ivar qui cesse d'un coup de m'étrangler.

Je tombe à genoux et tente de reprendre mon souffle. Je caresse légèrement ma gorge endolorie et cette douleur vient s'ajouter à celle au front. Ma vision tangue un moment avant de se stabiliser. Mes esprits retrouvés, je sors sans regarder Ivar et me dirige à la rivière. L'eau au goût de fer passe difficilement dans ma gorge. J'aperçois mon reflet et remarque la blessure près de mon cuir chevelu et mon cou rougeâtre.

Trois jours...

Trois jours que je suis à Kattegat et je suis battue. Ça ne m'est jamais arrivé et je ne sais que faire. Fuir ? Mais où ? Je ne tiens pas à rencontrer pire que le Désossé. Me plaindre ? À qui ? Je ne suis qu'une esclave espagnole qui ne connaît personne. Les Ragnarssons ? Non, Ivar est prince et deux de ses frères ont massacré les miens . Je ne peux même pas me défendre ! Il est infirme mais plus puissant que moi en tout point ! Les larmes me montent aux yeux à cette réalisation malgré mon interdiction formelle de les laisser filer.

Il ne mérite pas mes larmes ce pauvre fou !

Il ne mérite que la mort !

La Valkyrie du DésosséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant