Un bruit sourd me fait l'effet d'un dure réveil. Après que mes yeux se soient adaptés à la lumière du jour je perçois Ivar sur le sol et m'étire en comprenant que nous allons sortir. Mes muscles ne se sont toujours pas habitués à la dureté du sol ce qui me cause des douleurs dans l'échine. De plus à cause de ma situation d'esclave je n'ai pas le droit de me plaindre, mais bon, me plaindre à qui ? Ivar ? Il me ferait dormir sur du gravier juste pour me donner une leçon ! Quand je pense qu'il a remballé mon aide... Quelle fierté idiote et inutile ! Il est infirme, c'est logique qu'il ait besoin d'aide, il est vulnérable, faible, il ne sert à rien !
-Ôte cette grimace minable et souris Genisis, m'interpelle-t-il pendant que nous errons dans Kattegat.
Sourire... Mais sourire pour quoi ? Arh et ces gens du Nord n'ont-ils aucune de dignité ! Ils ne cessent de nous épier à mesure que nous avançons de leurs yeux rétrécis remplis de condescendance. En même temps... une esclave et un infirme... on dirait le début d'une mauvaise blague.
Arrivée à la grande maison réservée aux Ragnarssons je me dirige automatiquement dans les cuisines car même s'il proclame le contraire Ivar a besoin de moi pour le nourrir. Si j'étais un poil plus rancunière je l'aurais empoisonné. Mais le poison est l'arme des faibles, hors je cherche justement à prouver le contraire.
-Tu t'en sors avec l'infirme ? me demande soudainement Margrethe.
-A-t-il toujours été aussi capricieux et orgueilleux ?
-Quand sa mère était vivante c'était pire. Elle l'a gaté toute sa vie, maintenant il est pourri jusqu'à la moêle.
-Que lui est-il arrivé ?
-Elle est morte, lache-t-elle sans peine. De plus c'était une sorcière et elle avait prédit la mort de Ragnar et Ivar lors de leur voyage en Angleterre.
-Puis Ragnar est mort, tué par le roi Aelle qui est la raison du départ prochain de ses fils, termine Villür.
Alors Ivar ira en guerre... J'ai du mal à l'envisager sur un champ de bataille. M'enfin, je ne vais pas plaindre si quelque chose lui arrive. Sur cette résolution, je porte les plats au Désossé, essuyant les regards des garçons lors de mon passage.
-Comment était l'Espagne mon frère ? interroge Ubbe à Hvitserk.
-Magnifique. Là-bas les gens chient l'or et en fond des bâtiments. Ils ont une manière étrange de dormir cependant : ils s'alignent, chacun à quatre pattes sur un tapis, tous tournés dans la même direction.
Ce qu'il décrit n'est autre que le moment de la prière. Comment comparer cela à une sieste ?
-Si je puis me permettre, il ne s'agit pas d'une sieste mais d'une prière dirigée à Allah.
Tout de suite les yeux d'Ivar se plantent sur moi. Je n'ai fais que recadrer les propos de Hvitserk il n'y a pas de quoi s'affoler. Néanmoins, répondre à un prince n'est sûrement pas la chose la plus intelligente que j'ai fais.
-Merci de me corriger Genisis, reprend Hvitserk en me souriant agréablement sous la moue irritée d'Ivar.
Je retourne en cuisine toute fière de moi. Si son frère n'était pas intervenu, il m'aurait sûrement dardé d'une réplique cinglante mais voilà, Hvitserk est respectueux, lui.
Quelques instants plus tard, lorsqu'Ivar m'interpelle d'un signe de son verre, je pars lui le remplir.
-Très bonne ton esclave, lui lance Sigurd. Presque trop bonne pour toi.
-Ne sois pas jaloux, ne vois-tu pas qu'elle est ma récompense pour tout ce que j'ai accompli, rétorque dédaigneusement Ivar.
Il agrémente ses mots d'un sourire carnassier qui me donne des frissons dans le dos. À contrario Sigurd demeure impassible, sûrement habitué qu'Ivar affiche l'air d'un prédateur.
-Tu n'as même pas été foutu de protéger Père, objecte-t-il sur un ton encore plus insolent.
-Il a choisi sa destinée ! tonne Ivar, vraisemblablement atteint dans son point sensible. Et il m'a choisi moi pour être l'épée de sa vengeance !
-Du Valhalla, il regrette son choix.
La poigne d'Ivar sur le verre est tel qu'il explose. L'hydromel vole avant de se rependre par terre. Mais quel maladie spirituelle hante son esprit ?! Il est possédé par le malin en personne ! Agacée je m'empresse alors de pomper le liquide à l'aide du tissu tandis qu'Ivar grogne.
-Fais plus attention ! hurle-t-il... À moi/
-Je n'ai rien fait vous n'aviez pas à étreindre ce pauvre verre il ne vous a rien fait bon sang ! laché-je d'une façon peut-être trop désinvolte.
Mes paroles font rire les autres Ragnarssons mais par Ivar qui me fixe de ses deux billes bleus plein de colère. Mes sourcils se froncent involontairement renvoyant une expression rebelle vraiment inadéquate au vu de la situation.
-Tu n'as donc aucune éducation pauvre fille ! Vas donc me chercher un nouveau verre puis fais toi oublier, vas te perdre dans les fonds sans fin de Kattegat !
Je rassemble les derniers morceaux dans la main et exécute d'un mauvais pied les ordres. Il reporte sa colère sur moi alors que je n'ai rien dit ! Il n'a aucune logique, aucun honneur. Alors que je passe auprès de Margrethe pour remplir la boisson de monsieur je perçois chez elle un léger rictus amusé.
-Qu'est-ce qui te fait rire ? lui chuchoté-je.
-Toi, toi, toi et toi, me murmure-t-elle en réponse.
Moi, je ne suis pas d'humeur à rire. D'un pas lent je retourne à Ivar et pose sa boisson sur la table. C'est là que je remarque quelques morceaux de verre encastré dans la paume sanglante de sa main. Dénouant le tissu dont je me suis servie pour éponger le sol je lui la prend avant qu'elle ne m'échappe.
-Qu'est-ce qui te prend ?!
-Voyons mon frère, répond instantanément Ubbe avec un gloussement. Elle veut te prendre la main pour être plus proche de toi.
-Pour rien au monde je ne veux être proche d'Ivar ! Je le suis déjà beaucoup de trop ! rétorqué-je avec dégout.
Les Ragnarssons éclatent de rire et dans mon dos je perçois Margrethe et Villür faire de même. Inutile de préciser derechef que ce n'est pas la cas d'Ivar qui me fusille du regard.
-Je n'ai pas besoin de toi, vas-t-en !
Quelle attitude enfantine ! Il ne ressemble à rien avec sa main foutue.
-Dois-je comprendre que vous voulez assaisonner votre plat de votre sang ?
-Elle a du chien ! J'adore ça ! parvient à dire Hvitserk entre deux esclaffements.
-Il semble qu'Ivar ait trouvé quelqu'un à sa hauteur, surenchérit Ubbe.
Le concerné bat du poingt sur la table ce qui les interrompt tous. Immédiatement la bonne humeur générale est remplacée par une tension pesante. Ivar passe sa tête par dessus son épaule mais ne me regarde point.
-Disparaîs si tu ne veux pas que j'arrose ma viande de ton sang après t'avoir égorgé. Disparaîs !
J'obtempère immédiatement. Je ne souhaite pas rester plus en sa présence aussi. N'a-t-il aucun humour ? Ah si ! Il rigole... Mais qu'à ses propres blagues blessantes. De mon côté ce n'est pas parfait non plus je le reconnais. Comment survivre si je continue à répondre et contester ? D'un autre côté je ne peux tout simplement pas oublier mon caractère. Non je vaux bien mieux que ça. Citoyenne, Esclave, Marchande, Guerrière, je suis et je reste Genisis.
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La Valkyrie du Désossé
Ficción históricaGenisis n'est pas une simple esclave. Elle appartient à Ivar Lothbrok. Elle est le cadeau des Dieux. Sa relation avec le Désossé n'est pas qu'entraide et taquineries, elle est toxique... sulfureuse... et malsaine. Genisis serait-elle un cadeau empo...