Chapitre 13 : Libérée ✔

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Le lendemain

Hier soir, j'ai encore été la proie d'un de ces étranges rêves. J'étais sur un drakkar. Le vent embrassait la voile avec tellement de fougue que le navire semblait voler au-dessus des vagues. Debout sur la partie avant du bateau, je... Je fixais l'horizon tandis que derrière flottait ma chevelure. J'avais la terre en vue, des pierres, du sable jaune, et puis... Je ne me souviens pas de la suite. Contrairement aux autres, ce rêve était paisible, je m'y sentais... Bien, heureuse. Mais voilà la réalité qui frappe à la porte de mon esprit, m'ordonnant de me concentrer sur ce Ivar qui me détaille avec un léger sourire. Fatiguée, son insistance ne me gêne même pas, je me sens lessivée, comme si toute mon énergie s'étaient évaporée.

-Tu as rigolé dans ton sommeil, m'informe Ivar.

-Un rêve agréable, justifié-je dans un bâillement. Je me sentais... heureuse.

-Et bien tu vas le redevenir. J'ai une annonce à te faire part.

-Vas-y, soufflé-je d'une voix nonchalante en frottant mes paupières qui ont du mal à tenir écartée.

-Je te libére.

-... Pardon ?

-Moi, Ivar Lothbrok, fils de Ragnar et prince du Danemark te libére de ton rang d'esclave et fait de toi une femme libre.

Mes yeux clignotent. L'information peine à circuler de mes oreilles à ma tête. Libérée... Le Désossé serait prêt à renoncer à moi, son petit animal de compagnie qui le suit partout et qu'il peut briser comme bon lui semble. C'est presque trop beau ! Ivar est sadique, d'ordinaire j'aurais pensé à une blague pour me donner de faux espoirs et me démoraliser tout en me rappelant ma condition éternelle d'esclave mais là, il est sérieux, je le voix dans ses yeux.

-Pourquoi ? est la seule chose que je réponds.

-Tu en as besoin, me sourit Ivar. Tu n'es pas heureuse en tant qu'esclave.

Il se soucit donc de mon bonheur ? C'est... difficile à croire. Une femme libre, plus libre qu'en Espagne car je n'ai à me plier à rien. Plus à Ivar. Que font les femmes libres à Kattegat ? Elles sont mariées ou bouclier. Si je devenais une Skjaldmö pour Lagherta... cela trahirait Ivar. Alors je peux peut-être vivre avec Floki et lui demander de m'enseigner son art. Non plus en faite, construire des drakkars ne me serait pas agréable. Peut-être que... Peut-être que ma voie n'est pas ici.

-Comment comptes-tu profiter de ta liberté ? me demande soudainement Ivar.

-Je quitte Kattegat, je réponds d'une manière encore plus brusque.

Les mots sont expulsés avant que je ne puisse réellement y réfléchir. Néanmoins, cette pensée résonne agréablement dans mon esprit. Quitter Kattegat...
L'idée me plaît contrairement à Ivar. Celui-ci se décompose littéralement devant moi pour une raison qui m'échappe.

-Mais pour aller où ? Chez toi ?

-Non, pour aller partout et nulle part. Juste prendre un navire et ne plus jamais revenir.

Dans mes yeux doivent scintiller mille étoiles. Ceci m'enchante tellement ! Mon rêve récent me revient. Moi, voguant sur une mer azur, les cheveux au vent, un sourire sur les lèvres. Voilà sûrement mon don, je vois l'avenir. Je vois ma destinée ! Partir est mon destin tout comme devenir une grande guerrière. Je suis si impatiente que je souris sans même le vouloir.

-Genisis ! Je viens de te libérer et tu ne songes qu'à me fuir ! rugit Ivar comme s'il était outragé.

-Ne hausse pas le ton Ivar, calmé en me levant. Je t'en remercie.

-Je ne veux pas que tu partes Genisis, marmonne Ivar qui a l'air tristement blessé.

Prenant son visage en coupe, je plonge mes yeux dans les siens plus luisants que jamais. Une grande respiration et j'amplifie mon sourire.

-Si tu veux vraiment que je sois heureuse, laisse-moi m'en aller.

Ce matin-là, je quittai Ivar pour me rendre au port. Avant midi j'avais mon navire et ma destination : Vestfold, une ville gouvernée par un mystérieux Harald Belle Chevelure.

Les Ragnarssons m'avaient fait l'honneur de se déplacer pour mon départ, tous sauf Ivar. J'avais omis volontairement de prévenir Floki et Helga car je sais qu'ils m'auraient retenu. Je salue solennellement Ubbe puis passe à Hvitserk qui ne se retient pas de m'enlacer.

-T'es méchante de nous abandonner ainsi, me lance-t-il avec une pichenette sur le front.

-Promets-nous de ne pas corrompre ton talent et de continuer les entraînements, me demande Ubbe.

-Je ne cesserai pas de me perfectionner à l'épée. J'espère rejoindre une armée.

-Évite alors d'offrir tes bons services à n'importe qui, je n'aimerai pas être ton ennemi.

Je souris sincèrement à Hvitserk qui, d'une manière subtile, me dit qu'il m'aime assez pour ne pas vouloir me tuer. Je m'étais attachée aux deux aînés d'Aslaug. Ubbe la force tranquille et Hvitserk le rayon de soleil. Par contre, j'ai toujours du mal avec Sigurd Oeil de Serpent.

-Bon débarras ! clame-t-il avec dédain.

Un sourire couvre mes lèvres alors que je lui assène mon poingt dans son nez. Sigurd se tord sur lui-même avant de se relever, le regard horrifié et les mains sur le nez.

-Je suis une femme libre Sigurd, libre de te donner ce que tu mérites, déclaré-je avant de rapprocher mon visage du sien. Ça ne me dérangerait pas d'être ton ennemi.

Sur ces mots, je m'en vais au drakkar qui se remplit de Vikings. Mes pensées iront à Floki qui m'aura toujours aidé et à Helga, la femme à la sempiternelle bonté. Loin de mes aprioris les moeurs vikings ne sont pas plus bestiales ou cruelles que celles des Espagnoles. Je devrais penser à Ivar, c'est grâce à lui que je suis actuellement là. Mais que dis-je ?! C'est à cause de lui si j'en suis là. Achetée comme de la vulgaire marchandise. Insultée comme une moins que rien. Battue comme une bête. Étranglée pour une pure broutille. C'est sa faute ! Je parie que ma vie d'esclave aurait pu être paisible, voir plaisante si je n'étais pas tombée sur Ivar.

Les mauvais souvenirs que j'ai refoulé refont surfaces et avec eux convergent les bons. Parfois Ivar me faisait penser à un enfant, surtout quand il discutait avec Floki ou qu'il me parlait des dieux avec émerveillement. Il a pu être drôle à certains moments, toujours le bon mot incisif à l'égard de Sigurd. Je ne le comprendrais jamais. Toujours à passer du doux garçon au Viking prêt à massacrer son ennemi. C'est triste qu'il soit ainsi car il est très intelligent. Si Ivar n'a personne pour l'aider et l'accompagner il finira par tomber. Cela me rend mélancolique, et d'une manière absente je mets à marcher jusqu'à l'avant du bateau.

La Valkyrie du DésosséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant