Chapitre 1 - Changement de gouvernement

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"Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais" Oscar Wilde

            La plus grande salle de fête du campus était gérée par le cercle de médecine ce jour-là. La bière et les cocktails coulaient à flot dans les verres réutilisables estampillés du logo de l'université d'Alverre, le plus grand campus de toute la Silvagne. 

           La salle était humide mais surchauffée par les corps transpirants des danseurs du soir. Au milieu d'un groupe d'étudiants qui discutaient, bière à la main, une jeune fille aux cheveux roux rigolait chaleureusement avec sa meilleure amie rencontrée deux ans plus tôt en cours de droit romain, un lundi matin.

           Le sourire aux lèvres, elles inventaient une chorégraphie tout à fait innocente, leur verre se renversant un peu plus à chaque mouvement. Mais ce n'était pas grave. Ici, pas de superficiel, les étudiants revêtaient des pulls à capuche pour leur longue marche entre les soirées et leurs colocations. Les bottes en caoutchouc étaient utiles pour ignorer les bières qui se renversaient pendant les danses endiablées par exemple. Pas de chichis. Les filles qui voulaient plaire ou se plaire se maquillaient plus que pour les cours. Si elles décidaient de jouer les séductrices, un short et des bas collants faisaient l'affaire. 

              Mais la rousse, prénommée Hortense, n'était pas de ces filles-là. Elle était là pour s'amuser avec ses colocs et sa meilleure amie et ne portait que jean troué, débardeur, pull de faculté et bottes en plastique noires à pois blancs. 

             Sa meilleure amie, Yasmine, brunette à la peau bronzée, dans la même optique, arborait la même dégaine, son couvre-chef estudiantin en plus. Alors qu'elle chantait horriblement faux sa chanson préférée dans les oreilles de son coloc, il lui baissa la capuche sur les yeux.

            Heureuse d'être entourée et l'alcool dans ses veines aidant, elle éclata de rire, profitant visiblement de sa soirée.

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            Dans une autre ville, à plusieurs kilomètres de la capitale, une jeune femme écoutait la même chanson mais dans d'autres circonstances. La transpiration le long de ses tempes émanait de l'effort pendant que, tenue à la barre de fer uniquement par les jambes, elle relevait le torse en soufflant. Ses cheveux blonds étaient tenus par un élastique qui avait souffert de plusieurs mois de loyaux services. Ses muscles développés par des années et des années d'entraînement se tendaient à chaque exercice. Malgré la douleur qu'elle sentait monter dans ses abdominaux, elle continua, comptant machinalement le nombre de montées déjà terminées.

              Avec ses écouteurs dans la grande salle de fitness vide située dans le bâtiment C de la base militaire top secrète utilisée par l'Agence Fédérale de la Défense et d'Espionnage de Silvagne, la jeune femme vidait ses souvenirs douloureux en se plongeant dans le sport. Et à la vue de son corps parfaitement sculpté, gainé et entraîné, on pouvait rapidement comprendre que le sport était souvent utilisé comme échappatoire.

              L'A.F.D.E.S l'avait recrutée très jeune dans une maison de protection de la jeunesse. Aucun parent connu. Un comportement volcanique dès son plus jeune âge. Adepte des stratégies pour s'enfuir des maisons même verrouillées... Le caractère parfait de la future espionne parfaite. 

              À douze ans, elle entrait dans la classe des futurs agents triés sur le volet dans les volontaires pour la défense militaire. Les autres, tous âgés de minimum dix-huit ans et essentiellement masculins, ne lui adressèrent presque pas la parole pendant les 3 ans d'études acharnées. Et lors de sa première mission, elle avait brillé malgré ses quinze ans, attirant la jalousie de ses collègues. C'était un cercle vicieux. Plus elle était solitaire plus elle s'entraînait et plus elle s'entraînait plus elle était meilleure que les autres. Et moins elle avait d'amis. 

La peur de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant