Chapitre 20 - Mademoiselle Tatiana

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    «  Si le ciel que nous contemplons
Devait dégringoler et tomber
Ou si les montagnes devaient s'écrouler dans la mer
Je ne pleurerai pas, je ne pleurerai pas
Non, je ne verserai pas une larme
Tant que tu restesTu restes contre moi » 

  «Stand By Me»  par Ben E. King


« Błogosławiona jest ta, która nie może objawić swojej kobiecości, aby uzyskać pokój* », pensa Symcha qui remontait ses bas collants transparents, attentive à ne pas les filer. C'est vrai que les temps devenaient difficiles. Elle avait pensé à fuir mais Mademoiselle Tatiana avait insisté. Elle avait besoin des filles au cabaret. Symcha n'était pas la plus belle mais bien la plus gentille. Son cœur si grand charmait les plus craintifs. Ses longs cheveux châtains et sa peau porcelaine ne la rendait pas si exotique. Mais ses yeux noirs, les mêmes que sa grand-mère, toujours si souriants, suffisait pour obtenir quelques pourboires.

— Bientôt à toi ! la prévint une fille en passant derrière elle tandis que Symcha terminait son maquillage.

— Je suis prête !

Ajustant les plumes de son diadème, elle se pressa vers la scène. La chanson d'Anna se terminait, bientôt ça serait son tour. Mademoiselle Tatiana lui demandait de se déshabiller sur la chanson « It's so quiet » de Betty Hutton.

— Un grand classique ! lui répondait Mademoiselle Tatiana quand Symcha bégayait le nom en yaourt.

Symcha ne l'avait jamais entendue avant de débarquer dans ce cabaret. Elle était arrivée avec sa mère quand elle était enfant. Elles fuyaient le régime communiste à cette époque. Puis sa mère était tombée gravement malade, laissant Symcha orpheline quelques jours après sa majorité. La prostitution était son dernier choix pour ne pas finir à la rue. Heureusement, Madame Tatiana l'avait accueillie et elle n'obligeait pas les filles à coucher avec ses clients si elles acceptaient de faire les strip-teases et le playback tous les soirs. C'est sûr que du coup, elle gagnait moins que la plupart des filles du quartier... Mais au moins elle pouvait partager la chambre d'Anna et mangeait à sa faim.

— Allez, bouge tes fesses ! l'encouragea Anna qui quittait la scène dans le noir.

Symcha la laissa passer en se collant contre un tape poussiéreux qui servait de rideau. Les quelques applaudissements peu enjoués lui firent comprendre qu'aujourd'hui, la brigade qui avait l'habitude de passer à la fin du service serait absente.

Depuis peu, les policiers qui s'occupaient de l'immigration portaient des brassards avec un drapeau Silvanien sur le biceps. Les nonantes pourcents des filles du Quartier Rose sont étrangères. C'est de notoriété publique. Ils le savent. Mais la chair est faible. En outre, ils sont de bons clients du quartier. Tout comme leurs nouvelles recrues qu'ils « baptisent » en ces lieux.

Symcha grimpa les deux petites marches branlantes qui la menaient à la scène illuminée par des spots rouge, assortis à sa tenue d'infirmière avant de se poster bien droite, en attente du lancement de la musique.

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Pressant le pas, Diane reconnu soulagée, ce qui était appelé « Les Portes de Sainte Claire ». Anciennement l'entrée du fort entourant la capitale, il s'agissait aujourd'hui d'un immense boulevard de magasins luxueux. Frigorifiée, elle s'autorisa à s'asseoir une minute sur le seuil d'une enseigne spécialisée dans les sacs en cuirs plus chers qu'une voiture citadine. L'intérieur illuminé lui permit de faire l'inventaire de ses blessures visibles. Elle s'était écroulée de fatigue dans un ravin à quelques kilomètres de là. Ses paumes étaient égratignées. Son épaule la faisait souffrir et elle n'avait pas osé ôter son gilet pour vérifier si c'était infecté ou pas. Le vieux pull trempé la refroidissait au possible mais elle était à quelques bornes de l'agence. Pas moyen de s'arrêter si près du but.

La peur de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant