Chapitre 14 - Love Actually

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 « On me traite de féministe chaque fois que mon comportement ne permet pas de me confondre avec un paillasson.» 

Rebecca West 

              Vêtue d'un pull en laine kaki sans forme et d'un jean légèrement trop large car il appartenait à la sœur de Safae qui avait décidément été plus gâtée qu'elle point de vue fessier, Diane marchait d'un pas rapide dans une rue pavée de la Capitale. Elle avait tressé ses cheveux et emprunté des lunettes à la mode mais sans correction à l'adolescente de la maison. C'était son déguisement de fortune pour la journée. À ses côtés, Omar marchait rapidement, un polo un peu abîmé et un béret en feutre devaient le rendre plus Silvanien que Marocain. Au début, elle avait joué le jeu de la petite amie un peu perdue qui avait besoin d'être secourue. Mais le Prince s'était muré dans un silence sans fin. Sa petite comédie était terminée à présent. Elle avait avoué à leurs hôtes qu'elle devait protéger le Prince et le ramener discrètement en lieu sûr.

- Je ne sais pas si ça va marcher, chuchotait-il, légèrement essoufflé. Je n'ai rencontré ce monsieur qu'une seule fois. Il ne doit pas se souvenir de moi.

              Diane comprenait que les gens normaux éprouvaient le besoin de faire la conversation pour se rassurer. Mais ce n'était en aucun cas une habitude pour elle. Elle se contenta donc de lui lancer un « on verra » qui signifiait « Tais-toi. »

- Enfin, je sais qu'on a simplement besoin d'un téléphone et de recharge pour votre arme mais... Je n'ai pas l'habitude de traîner avec des...

- S'il vous plait, n'en ajoutez plus. Vous parlez trop, Omar.

             Légèrement vexé par les paroles de cette femme qui venait de nulle part, l'homme mûr grogna avant d'avancer plus rapidement. Diane n'avait pas le temps d'être civilisée. L'Agence n'avait pas répondu à ses messages codés et elle devait mettre le Prince en sécurité.

             Au bout d'une bonne demi-heure de marche, l'homme s'immobilisa devant une fenêtre au volet baissé presque jusqu'en bas.

- Voilà, c'est ici d'après mon cousin.

- Vous n'êtes pas obligé d'entrer avec moi, insista Diane. Je ne vous sens pas à l'aise.

               En effet, le pauvre Omar dégoulinait de sueur dans le froid du mois de janvier et jetait des coups d'œil par-dessus son épaule.

- Oh, non. Je... à vrai dire, je pense être plus en sécurité dans un repère de contrebande plutôt que dehors.

- Comme vous voulez.

                Elle se tourna vers la vitre et frappa. Au bout d'une poignée de secondes, le battant grinça et une voix s'éleva dans la pièce noire.

- C'est pour quoi ?

- Un échange, informa Diane avec son aplomb habituel.

              La fenêtre se referma.

- Ça n'a pas dû marcher, remarqua Omar. On devrait rentrer.

- Non, aboya Diane.

          Mais le son d'une porte qu'on ouvre et un cliquetis de clés résonna dans la ruelle qui jouxtait une annexe de garage sur leur gauche. Diane entraîna le peureux au coin de l'abri à voiture qui ne devait pas cacher uniquement ce genre de biens. L'ancienne porte en bois mité jouxtant le pignon de la bâtisse finit par émettre un bruit mécanique et s'ouvrit. L'agent lança un regard fier à son acolyte provisoire et le précéda vers l'allée. Mais à peine avaient-ils franchi le battant que le déclic de la sécurité que l'on ôtait à une arme glissa dans l'oreille de l'agent. D'instinct, elle leva les mains et insista pour que Omar fasse pareil.

La peur de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant