Chapitre 2 - Votre Altesse Royale

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« La répression se flatte bien sûr de respecter les Droits de l'homme en poursuivant ceux qui l'accusent de couvrir leur mise à mal, et cette action répressive encourage les gens qui sont de bonne foi dans la mauvaise foi à persister dans un entêtement qui les conforte. Et comme ces gens-là sont la majorité, la vérité reste sans avenir, parce qu'elle s'est trouvée privée de son rôle qui était de rénover le lien social » (Bernard Noël, Quelques guerres, 2000, p. 72)  



               L'automne était tombé sur Alverre. La pluie battait les fenêtres, comme pour faire taire les agriculteurs qui s'étaient plaints de la sécheresse dans le pays le mois dernier. Hortense courrait sous les bourrasques déversant des litres d'eau, son classeur posé sur la tête. La bibliothèque lui semblait extrêmement loin. Quand enfin elle fut au sec, ses cheveux roux étaient emmêlés et totalement trempés. Son écharpe dégoulinait sur son perfecto de cuir et elle frissonna. Elle se dirigea vers le tourniquet de l'entrée, sa carte en main, avant de se figer. Des policiers fouillaient les étudiants, en ligne devant le mur du fond. Ils étaient une dizaine, sacs ouverts, carte d'identité à la main, l'air ahuri.

- C'est dégueulasse, lâcha tout bas un type à coté de la rousse.

- Que font-ils ? s'enquit-elle.

- Ils fouillent les mecs. Leur nouveau décret leur permet de le faire. Et apparemment, ces mecs sont en flagrant délit de sale gueule.

- C'est-à-dire ?

- Ils n'ont arrêté que les blacks et les mecs bronzés. Dans une bibliothèque. Si ce n'est pas à cause de leur couleur de peau, je ne comprends pas.

                 Hortense observa la scène, impuissante. En effet, ces jeunes n'avaient rien de particulier. Ils subissaient les ordres des policiers sans vraiment comprendre ce qu'on leur reprochait. Le classeur et le code civil d'un étudiant basané tomba au sol. Il se pencha pour le ramasser mais l'agent face à lui donna un coup de pied dans le matériel pour l'éloigner. Il lui ordonna ensuite de se redresser et de cesser « ses simagrées ».

               C'est la première image raciste qui donna envie à Hortense de vomir. Parce que ce n'était que ça. Du racisme. De la brutalité policière basée sur des stéréotypes. En quoi des jeunes dans une bibliothèque étaient menaçant ? Les pauvres se débâtaient avec leurs pochettes d'ordinateur, leurs bouquins et leurs sacs tout en suivant les ordres des « gardiens de la paix ».

         Hortense pu atteindre le tourniquet mais elle ne pu détourner son attention des pauvres étudiants.

- Vous les fouillez pour quelle raison ? questionna le garçon qui avait parlé à Hortense.

            Un des policiers lui fit signe de passer son chemin, sans répondre.

- Ce jeune homme vous a posé une question, insista un professeur âgé d'une cinquantaine d'années qui venait de sortir par l'autre tourniquet.

- Monsieur, laissez la police faire son travail. Ou nous vous arrêtons pour trouble à l'ordre public.

- Vous êtes dans la faculté de droit, monsieur le policier. Vous pensez pouvoir abuser de votre pouvoir en lançant des paroles sans fondement ?

                 Le ton semblait monter entre les deux hommes. Hortense préféra rentrer dans la bibliothèque avant de voir la situation déraper. Plusieurs personnes avaient le visage tourné vers la scène mais personne ne semblait être capable de réagir.

La peur de l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant