Haruka Aizawa (Partie 1) [MHA]

Chapitre 45.

       Accoudée au bord d'une fenêtre ouverte, elle soupira une énième fois. La tête posée entre ses mains, elle regardait le paysage de campagne qui s'étendait devant elle d'un air vague. Un immense pré rempli d'animaux à poils longs, n'attendant que d'être tondus dans les prochaines semaines et, au loin, une longue route où passaient quelques voitures rares. Elle soupira. Même la grande pièce bien meublée et décorée qui lui servait de chambre ne lui apportait qu'un grand sentiment de solitude.

Elle n'avait rien à faire, rien pour s'occuper.

Les cahiers et les manuels grands ouverts sur un large bureau témoignaient de nombreuses heures écoulées par les études mais, maintenant, ils ne l'intéressaient plus. Elle avait écumé tous les exercices possibles, rattrapé tout ce qu'elle pouvait rattraper et, à présent, elle était au point mort, sauf sur quelques notions de théorie héroïque qu'elle n'avait réussi à saisir. Mais, malheureusement, aucun héros n'était là pour l'aider à faire ses devoirs.

Son père passait ses journées au lycée, tout comme Hizashi et le reste du personnel de Yuei. Tenya était rentré chez lui pour reposer ses bras et, surtout, pour parler à son frère. Shoto et Izuku avait pu reprendre leur stage, n'étant pas grièvement blessés et s'étant remis rapidement. Quant aux autres, Fumikage, Ojiro, Ochaco, ils étaient tranquillement dans leurs agences respectives.

Aucun héros n'était là pour l'aider.

La jeune fille se laissa tomber sur la banquette installée au bord de sa fenêtre, mettant de côté le passionnant paysage de campagne et l'odeur d'herbe fraîche. Dès qu'ils avaient su que RedSkin ne pourrait la reprendre pour la fin du stage à cause de son pied blessé, ses grands-parents s'étaient jetés sur l'occasion pour la ramener à la maison, prétextant l'absence de Shota pour la surveiller. Depuis, ils étaient constamment sur son dos, aux petits soins avec elle. C'était compréhensible, ils avaient eu tellement peur pour leur petite-fille.

Malgré tout cela, elle se sentait quand même seule. Vide.

Le calme de la campagne et de ces prés à perte de vue empoignait son cœur dans un mélange d'ennui et d'errance.

Elle aimait cet endroit, il n'y avait aucun doute là-dessus. Elle aimait la maison familiale dans laquelle elle avait vécu cinq ans, ces années collège. Elle aimait la beauté du ciel vidé d'immeuble, la douceur de la nature qui l'entourait...

Mais cet endroit était trop calme.

La jeune fille attrapa son téléphone portable en espérant un peu de nouvelles, de mouvement, mais tout le monde semblait occupé, même Hitoshi. Malgré son changement de classe, les deux adolescents restaient en contact et s'échangeaient parfois quelques messages amicaux.

Un nouveau soupira s'échappa de ses lèvres.

Tout était vraiment trop calme.

L'agitation de ces derniers mois l'avait profondément bousculé. Les déceptions et les joies, les amitiés et les entraînements, le Championnat, la peur et le réconfort, le stress et le travail, le Tueur de héros...

Tout cela l'avait changé au point où elle s'était sentie submergée par tout ce qu'elle ressentait.

Mais, dans un endroit aussi calme, aussi protégé que la maison de ses grands-parents, dans un endroit où elle n'avait été qu'une petite fille chouchoutée et solitaire, il lui manquait quelque chose.

Il lui manquait quelque chose qui la faisait sentir vivante.

Il lui manquait sa dose d'adrénaline.

Il lui manquait de l'héroïsme.

Elle se sentait inutile, coincée dans cette campagne trop calme, et tout lui semblait encore plus inutile autour d'elle. Elle ne pouvait apprendre sans Yuei, elle ne pouvait s'entraîner sans son père. Elle ne pouvait rien faire, bloquée là, dans le cocon de ses grands-parents.

L'ennui remplissait ses journées dans ce havre de paix et de douceur, de plus, l'invalidité de son pied ne faisait que décroître sa liste de potentielles occupations. Il n'y avait rien à faire et la mélancolie prenait doucement son esprit.

« Tu as eu un comportement digne des plus grands héros. »

Les gentilles paroles de Fumikage l'aidaient à ne pas se morfondre plus qu'elle ne le faisait déjà. Ces paroles à lui mais aussi celles de RedSkin.

« T'as agi comme une héroïne. »

Recevoir de tels mots d'un héros professionnel underground comme elle l'aspirait, ce n'était pas rien pour la jeune fille et cela avait même le pouvoir de lui faire oublier les dures remarques de son père.

Son père.

Elle se promettait, qu'un jour, il sera fier d'elle.

Fier de l'héroïne qu'elle serait devenue.

Fier qu'elle lui fasse honneur.

Erasershield.

Elle voulait leur faire honneur à tous les deux.

« Haruka ? »

L'adolescente somnolente se redressa sur sa banquette, sortie de ses pensées.

« Haruka, c'est l'heure !

-J'arrive ! »

D'un geste rapide, elle attrapa son unique béquille et clopina à travers sa chambre, saisissant au passage une veste et un sac qu'elle peina à mettre sur son dos. Avec difficulté, elle ouvrit la porte de la grande pièce et s'attaqua à la longue descente des escaliers en bois ancien.

Portée par le courant d'air de la fenêtre encore ouverte, la lourde porte claque derrière la jeune fille dans un bruit sec. Le choc fit trembler les cadres accrochés aux murs de la chambre.

Ces cadres affichaient diverses photos de famille, de vacances, de joie et de bonheur. Parmi les dizaines de paysages en tout genre, on pouvait y voir fréquemment un couple de personnes plutôt âgées, fixant joyeusement l'objectif et tantôt saluant le spectateur. Quelques rares photos, soit une ou deux, représentaient un homme aux longs cheveux bruns et au regard fatigué tenant toujours à son bras une femme, souriante. Ses cheveux châtains flottaient au vent, lui cachant parfois son visage rond et jovial, ses yeux noisette et pétillants regardaient avec amusement l'objectif, le couvrant d'un regard rassurant et maternel.

Imprimée sur le papier, accrochée au mur, derrière une fragile vitre de verre, elle semblait figée dans le temps, cette femme au grand sourire, cette femme heureuse.

Yume.