Chapitre 2.

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       « Ah, tu es déjà là toi. »

Faisant mine de ne pas relever la totale indifférence de l'homme à son égard, par habitude certainement, la jeune fille répondit :

« Mon train est arrivé à seize heures, je suis arrivée ici à dix-sept heures et demie, je crois. »

Il acquiesça, sans commentaire.

Mais, alors qu'il défaisait ses chaussures pour se diriger dans le coin cuisine, elle se sentit comme prise par une piqûre d'adrénaline. Sûrement portée par cet étrange bonheur de le voir, malgré le manque total d'intérêt de ce dernier, l'adolescente continua de lui parler avec entrain :

« Tu étais où ? En ville ? Tu rentres tard, dis donc. C'est parce que tu as croisé un vilain ? C'était quoi son alter ? Ou alors tu as fait des courses ? Tu... »

Sans émotion, tout en sortant une casserole d'un placard, l'homme la coupa :

« J'étais à Yuei. »

Les yeux de la jeune fille s'illuminèrent.

L'Académie de Yuei, soit le lycée dans lequel elle allait faire ses études, soit le meilleur lycée pour devenir un héros ou une héroïne. Connue et idolâtrée dans tout le pays, cette école organisait un immense examen d'entrée chaque année où se précipitaient des centaines et des centaines d'adolescents remplis d'espoir et de rêves. Les chances de réussir cet examen étaient si infimes que ceux qui y étaient acceptés étaient considérés comme une élite.

Et l'homme aux cheveux bruns était le professeur de cette élite.

« Tu as fait à quoi, à Yuei ? lui demanda la jeune fille avec des étoiles dans le regard. »

Toujours aussi impassible et ennuyé, il laissa tomber des pâtes dans la casserole avant de répondre :

« La répartition des classes. »

Tout en s'activant à la tâche, c'est-à-dire en sortant les couverts et les assiettes dépareillées, elle continua son interrogatoire.

« Trop bien ! Ça a été trop difficile ? Allez, laisse-moi deviner... Cette année, tu as encore des secondes et c'est la classe A !

-Oui.

-En espérant que tu ne les exclue pas tous, cette fois-ci. »

La jeune fille pouffa, comme s'il s'agissait d'une blague. Il ne réagit pas, continuant de surveiller l'eau qui bouillait devant lui.

En fait, elle faisait référence à un évènement qui s'était déroulé l'année précédente. Jugeant qu'ils étaient tous incompétents, le grand brun avait trouvé bon de renvoyer tous ses élèves de secondes, sans se soucier de la violence de son acte. Après tout, ils n'avaient pas été les premiers adolescents expulsés de Yuei sous son joug, il y était habitué. Et sa réputation de tyran grandissante ne le touchait pas plus que ça.

Il servit les pâtes pendant qu'elle versait l'eau dans les verres à l'image de dessins animés, puis ils s'assirent face à face, autour de la petite table de cuisine. En se saisissant de ses couverts, elle continua :

« C'est quoi les alters de tes élèves ? Tu en as combien en recommandation ? Il y a combien de fille dans ta classe ? Je suis sûre que tu ne m'as pas mise dans ta classe ! Je suis en seconde B, du coup. Avec Sekijiro, c'est ça ? Tu connais les alters des secondes B ?...

-Tu ne devrais pas tirer de conclusions trop hâtives. »

L'homme engloutissait ses pâtes, les yeux rivés sur son assiette. La jeune fille émit un léger rire surpris, ignorant encore et toujours l'impassibilité qui était assise en face d'elle.

« Non, je suis en seconde A alors ! »

Après cette remise de son étonnement, elle esquissa un petit sourire au coin.

« Bon, au moins, j'aurais le meilleur professeur de Yuei en prof' principal.

-Tu ne devrais pas tirer de conclusions trop hâtives, je t'ai dit, répéta-t-il sans émotion, Tu n'as toujours pas reçu de lettre d'admission de l'établissement. »

Cet homme pouvait être tellement maussade parfois.

Réprimandant un soupir peiné, l'adolescente s'efforçait de garder son sourire. Bien que sa voix eût perdu un peu de son entrain, elle ne se décida pas à clore la conversation :

« Avec ma lettre de recommandation et mes résultats, je ne vois pas pourquoi Yuei me refuserait. Surtout que vous me connaissez... Et tu le dis toi-même : bonnes notes et bonne lettre riment avec acceptation à Yuei !

-C'est vrai.

-Alors, je devrais...

-Tu ne devrais pas tirer de conclusions trop hâtives. »

Elle marqua une pause, pensive. « Positiver ».

« ... C'est... C'est ta première leçon de professeur héroïque ! Je prends note ! »

Lentement, toujours aussi blasé, le grand brun releva les yeux sur la jeune fille, assise en face de lui, qui finissait son plat, un sourire aux lèvres.

Décidément, elle ne pouvait s'empêcher d'être comme ça avec lui, à chaque fois qu'ils se retrouvaient. D'être aussi joyeuse, exubérante, pipelette, trop pipelette. Se comporter ainsi, quelques jours de vacances, c'était plutôt facile, mais, pendant des mois, cela serait une autre paire de manches pour l'adolescente. Et, qu'espérait-elle en agissant ainsi ?

Il s'amusait déjà à imaginer le jour où elle n'arriverait plus à être autant enjouée, fatiguée par ses efforts sans but. Enfin, il n'aura plus à supporter ses interrogatoires sans fin.

Le repars fini et la table débarrassée, l'homme vint s'étaler sur le canapé et alluma la télévision. La jeune fille partit enfiler son pyjama puis le rejoignit devant le petit écran, aux côtés du chat gris roulé en boule. Entre temps, il s'était enfoui dans un étrange sac de couchage jaunâtre et avait sélectionné une chaîne d'informations en continu.

Les titres défilaient, annonçant quelques braquages par-ci, des actualités sur les vacances scolaires par-là. Il y eu des interviews de super-héros contant leurs exploits, mais rien de bien passionnant... L'adolescente savait comme le reste de la soirée allait se dérouler : il allait rester planté devant la télévision sans rien faire jusqu'à minuit, où il se décidera enfin à bouger ses fesses pour aller dormir dans son lit.

Ne souhaitant pas suivre ce même programme, elle se leva de son assise et partit vers sa chambre. La main sur la poignée, elle dit, presque dans un murmure :

« Bonne nuit, papa. »

La jeune fille tourna la poignée, ouvrant la porte.

« Bonne nuit, Haruka. »



       Un fois seule dans le noir, la jeune fille déplia, avec quelques difficultés, son clic-clac qui se retrouva coincé entre le bureau et la commode. Elle s'allongea dessus, installa son oreiller et s'entoura de sa couverture. Après une bonne nuit envoyée par message à ses grands-parents, elle éteignit son smartphone et se dorlota sur son matelas.

Son sourire s'était effacé depuis quelques minutes déjà, laissant sur son visage rond, un expression pensive dénuée de joie. L'adolescente réfléchissait, à tout. A son Papi et sa Mamie si loin d'elle et, surtout, à cette grande asperge brune qui vivait à côté d'elle. Elle se focalisa sur le fait qu'elle était heureuse d'être ici, pour ses années d'études, pour être avec lui.

Peu de temps plus tard, la jeune fille finit par s'endormir dans sa petite chambre vide du onzième étage, avec pour seule berceuse, le grésillement de la télévision dans la pièce adjacente.

Haruka Aizawa (Partie 1) [MHA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant