Les Observateurs : L'initiation

La colère d'une Observatrice

La colère d'une Observatrice

Je m’aperçus à peine que je pleurais. Heureuse de retrouver l’homme que j’aimais, j’allais jusqu’à lui confier le poignard que je serrais toujours dans une de mes mains. Celui que je prenais pour Ian me rendit mon regard quoique ce n’était pas de l’affection qui brillait dans le sien mais de la convoitise.

Je ne m’en rendis pas compte et sanglotait : tu es vivant…je suis désolée pour ce que j’ai fait, c’était absolument…

- Merveilleux ! compléta l’homme en esquissant un sourire.

Je le regardais avec horreur.

- Non…ce…ce n’est pas ce que je voulais dire…bégayais-je.

- Oh mais si ma chère, nous en sommes tous témoins ! s’éleva une voix. Je me retournais brusquement, faisant face à une quarantaine d’Observateurs armés jusqu’aux dents. Mon regard fit la navette entre la femme qui venait de parler, une jolie brune qui tenait le bras à un homme au regard pénétrant, et entre celui que je prenais encore pour Ian. 

C’est alors que je remarquais la fine cicatrice qui barrait son front…

- Radvik…murmurais-je avec horreur en m’éloignant le plus possible de lui et des autres, mais cela me rapprocha de Debye qui, immobile, dévisageait un homme musclé qui avait un serpent tatoué sur le bras.

- Ma fille ! prononça Radvik d’un ton froid en ouvrant les bras.

Comme s’il espérait que j’allais faire de même ! Une fois m’avait suffi ! pensais-je en me reprochant d’avoir été si crédule. Je sentais la colère qui pulsait à mes oreilles, menaçant de tout ravager encore une fois. Je tentais de me contrôler, tout à l’heure, je ne savais même plus qui était un ami ou un ennemi…

- Tu n’es pas mon père démon ! crachais-je en retroussant les lèvres.

- Je devrais l’être ! gronda le chef de tous les Observateurs en faisant un pas en avant. Si Saeva ne m’avait pas trahi avec ce…aucun mot ne semblait convenir pour décrire sa fureur.

- Elle s’est sacrifiée pour me protéger…chuchotais-je, m’efforçant de contenir mes larmes.

- Malvel l’a tué ! corrigea Radvik, et il l’a remplacé… Tu la détestes n’est-ce-pas ? demanda-t-il en se mettant à dévisager Debye.

Ce brusque changement de conversation m’étonna.

- Et puis ? questionnais-je, méfiante. Sous mon regard effaré, le premier des Observateurs me tendit le poignard que je lui avais confié.

- Vas-y ! m’encouragea-t-il.

Je me tournais vers les inconnus qui me regardaient en souriant, attendant impatiemment ma réaction, puis braquais mon regard sur Debye. L’Observatrice n’en menait pas large, très surprise que son patron m’ordonne presque de la supprimer. En réalité, elle était en train de penser que Radvik avait découvert qu’elle avait laissé Ian s’échapper et cela la terrifiait.

Je sais bien que je n’aurai pas dû hésiter. Je n’étais pas une meurtrière et ne voulais le devenir à aucun prix ! Néanmoins, ma main se leva malgré moi en direction du poignard. Ce serait si facile, Debye ne m’ennuierait plus jamais…tout rentrerait dans l’ordre ! pensais-je, la main tremblante.

Radvik hocha imperceptiblement la tête et ma main se figea à deux centimètres de l’arme.

Je me souvins de la ferme…de mon père : Malvel…et ma mère ? Que faisait-elle dans tout ça ? Etait-elle seulement au courant de la guerre qui se jouait ? Et Ian…je priais pour qu’il ne lui soit rien arrivé. Comme s’il parvenait à lire dans mes pensées, Radvik vociféra : cette femme a reçu l’ordre de tuer Ian ! Venge-le !

Je ne me contrôlais plus, la colère détruisant les barrages que j’avais érigés pour m’en protéger. La magie afflua, m’enveloppant tout entière. Des acclamations s’élevèrent et je su que mes yeux étaient en train de virer au violet, l’Esprit avait encore une fois pris possession de moi. Mais quelque chose d’étrange se produisit.

Au moment même où je m’emparais du poignard, sur le point de le lancer sur Debye, une chose m’en dissuada. Mon intuition peut-être…Je su soudain avec certitude que Ian était en vie, que Radvik mentait…je fis volte-face d’un mouvement vif et retournais l’arme destinée à Debye contre lui.

L’espace d’un instant, je fus certaine que j’allais atteindre ma cible, l’espace d’un instant, une lueur de surprise s’alluma dans le regard de Radvik et il parut déstabilisé. Mais il attrapa le poignard au vol, me retournant un regard courroucé. Son geste était si « surhumain » que j’en fus ébranlée. Il devait réellement être très puissant pour accomplir une chose pareille !

Comme pour le confirmer, il se débarrassa du poignard, le lançant à un de ses Observateurs, puis me fit face, menaçant.

- On peut discuter ? lançais-je en reculant.

Radvik ricana.

- Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi ! siffla-t-il. Emparez-vous d’elle !

Je fus encore plus étonnée de voir Debye s’interposer devant moi, dégainant une lame tranchante qu’elle avait trouvé je ne sais où, sur laquelle une masse noire de ténèbres était en train d’apparaître. Mais les ennemis étaient trop nombreux, les autres Confréries avancèrent d’un même mouvement, se mettant en position d’attaque, faisant appel à leur magie. Je vis un homme poser la main sur le bras de la femme brune qui avait pris la parole tout à l’heure et s’avancer les mains dans les poches, comme si rien ne pouvait le toucher.

Je remarquais le serpent qui s’enroulait autour de son bras et vis Debye se contracter.

- Varan ! le salua-t-elle froidement.

- Quel plaisir de te revoir Debye ! Il prononça son nom avec un tel dégoût que j’en frissonnais.

- Ce plaisir n’est pas partagé ! siffla l’Observatrice en surveillant sa progression. Mais il garda ses distances, prudent.

- Vous n’avez aucune chance…assura-t-il calmement.

Je me souvins des paroles de l’Esprit « nous doutons que tu trouves un moyen de convaincre les Observateurs de se retourner contre Radvik, nombre d’entre eux lui restent fidèles… ». Je savais bien que c’était du suicide…mais je me devais d’essayer ! Cela me permettrait peut-être au moins de gagner du temps songeais-je avec espoir.