Contre les ordres

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Contre les ordres

Nous partîmes dans l'après-midi. Je savais où trouver Radvik, là où tout avait commencé...Mon père avait reçu un coup de fil de ma mère, comme je le pensais, l'Observateur était déjà là. Comme je le pensais, il offrait un échange : ma mère contre la vie de Malvel. Je trouvais étrange qu'il ne veuille pas me tuer aussi mais songeais qu'il se doutait que j'allais venir à lui et que je l'empêcherais de faire du mal à ma mère qui n'avait rien à voir dans toute cette histoire.

Mon père m'avoua qu'elle connaissait la vérité à son sujet mais que, bien qu'elle ait eu peine à le croire au début, elle avait fini par l'accepter et par commencer la lutte contre les Confréries. Il me confia également que Philippe, mon voisin dont j'étais tombée amoureuse avant de connaître Ian, avait mystérieusement disparu. Il était facile de deviner quel avait été son sort...

Troublée par cette nouvelle, je gardais la tête obstinément baissée en sortant avec mes nouveaux « alliés ». Je fus surprise de voir une grande voiture noire, presque une limousine, s'encadrer dans mon champ de vision.

- Mais où sommes-nous ? A qui appartient cette maison et...ça ? je désignais la voiture.

- C'est chez moi ici, enfin...c'était chez nos parents corrigea le frère de Debye.

Je me retournais vers la jeune femme qui n'avait pas dit un mot depuis que je l'avais soignée.

- J'ignorais que tu avais un frè...

- Nous vivions ici il y a longtemps me coupa-t-elle. Apparemment décidée à me raconter son histoire, elle tourna un regard triste vers moi : c'était le 26 mai 1914, la guerre n'avait pas encore commencée. J'avais 8 ans et mon frère n'en avait que 4...Je me souviens de nos voisins qui commençaient à se soupçonner entre eux, de leurs murmures inquiets, comme s'ils sentaient ce qui allait suivre. L'atmosphère elle-même avait changé à la maison. Je ne m'entendais plus avec ma mère, j'en avais assez des secrets qu'elle nous cachait et de ce...Radvik qu'elle invitait de plus en plus fréquemment...

Je réalisais soudain que la maison, même si elle avait bien changée, avait quelque chose de familier. Ce n'était pas étonnant si c'était celle de Debye, celle où elle avait tenté de nous piéger plus tôt, Ian et moi.

- Un jour, ils sont venus...continuait la femme, la guerre était à nos portes, les bombes pleuvaient, nous nous cachions dans la cave avec mon frère, quand deux hommes en noirs sont apparus de nulle part. Ils se sont dirigés vers nous comme s'ils pouvaient nous voir à travers la porte solide. Ils n'ont pas mis beaucoup de temps à entrer et nous ont dit que notre mère les envoyait, qu'ils prendraient soin de nous si nous consentions à les suivre. Mais j'avais reconnu l'homme qui venait souvent chez nous, l'homme qui ne m'inspirait que crainte et dégoût.

Seulement, mon frère avait peur et à son âge, était moins prudent que moi. Il tendit la main à Radvik et fut incapable de la lâcher. Les hommes menacèrent d'emmener mon frère si je ne les suivais pas moi aussi, ils me dirent qu'ils connaissaient mes pouvoirs, que tout le monde ici, surtout en temps de guerre, me considérerait comme un monstre. Ils menacèrent même de révéler à tous ce dont j'étais capable et même si je n'avais aucune idée de la façon dont ils s'y prendraient, je me doutais qu'ils parviendraient à leurs fins.

C'est comme ça que je me suis retrouvée avec mon frère à la Confrérie du Serpent, qui nous entraîna durement, nous battant lorsque nous montrions de la peur, nous interdisant de verser une seule larme. Notre cœur se couvrit de pierre et nous devinrent semblables à ceux qui nous avaient emmenés, ceux que nous avions suivis de notre plein gré...regretta Debye.

Je restais bouché bée, réfléchissant. Je n'avais pas imaginé qu'elle ait pu endurer un tel calvaire.

- Mais si en 1914 tu avais déjà 8 ans ça veut dire que...

Les Observateurs : L'initiationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant