3. Les souvenirs oubliés

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[je préviens au cas où : TW anxiété, angoisse]

Keith n'en pouvait plus.

Cela faisait dix bonnes minutes qu'il tremblait, assis au bord du lit, se retenant de pleurer. Sa respiration était hachée. Il espérait que l'humain ne le remarquerait pas. Jusqu'à présent, il était resté plutôt discret. Mais cette fois, c'en était trop. Toute la pression de la journée, tout le stress resurgissait brusquement, l'abattant, le noyant dans un déluge de sentiments qui l'emportaient, ne le laissant pas indemne. Il n'arrivait même pas à identifier tout ce qu'il ressentait : de la tristesse, de la colère, de la solitude, du désespoir, de la fatigue, de la peur, de la déception, de la rancoeur, un peu de tout couplé ensemble, un mélange brouillon et désordonné qui formait une énorme bulle prête à exploser à l'intérieur de lui. Et il avait l'impression que tout cela appuyait physiquement sur sa poitrine, comme si on lui avait posé dessus un haltère d'une tonne. Son anxiété était revenue, plus forte que jamais. Il haleta, tentant de se calmer, d'inspirer et d'expirer comme on le lui avait appris un jour, tenant sa poitrine agitée de soubresauts, essayant d'apaiser les battements affolés de son coeur. En vain : bientôt, des larmes vinrent à rouler le long de ses joues, et il plaqua une main sur sa bouche, retenant un sanglot. Il avait cet affreux sentiment qu'il ne parviendrait plus jamais à être heureux à nouveau. Que rien sur Terre ou au ciel ne serait plus capable de lui procurer de la joie. C'était une sensation tellement affreuse, comme si une main lui serrait le coeur de plus en plus fort et l'étouffait, une sensation qui, curieusement, ne lui était pas étrangère. Cette constatation était peut-être la pire de toutes, et il se recroquevilla, les mains sur le visage, ne pouvant plus retenir ses larmes à présent. Était-il si malchanceux qu'il avait déjà vécu ça avant sa mort ? Il ne parvenait même plus à se raisonner. Ses insécurités étaient comme une énorme vague qui le traversait de part en part, le laissant sonné et désespéré.

Hoquetant, tremblant, il roula sur lui-même et sa tête toucha le sol. C'était plus fort que lui : tout le film de sa journée repassait en boucle, comme une toupie infernale qui tournerait indéfiniment dans son cerveau. Il avait l'impression que son corps et son esprit hurlaient à l'unisson. Il ne savait pas comment s'en sortir. Il ne pouvait rien faire à par crier silencieusement toute la douleur qu'il ressentait.

La journée n'avait pas été si atroce, vue de l'extérieur. C'était juste un amas de choses, un amas de sentiments qui le dépassaient, qui l'avait conduit à cet état. Il n'en pouvait plus.

*

Keith ne se souvenait de rien en se réveillant. Il était allongé sur un sol dur, inconfortable, avec un mal de tête horrible, sans se rappeler ce qu'il faisait là. Il ne reconnaissait pas les murs autour de lui, il avait oublié jusqu'à son identité. La seule chose qui lui restait était son prénom. Il n'avait aucune idée de l'âge qu'il avait ou d'à quoi il ressemblait.

En se redressant, une horrible sensation de déjà-vu lui tordit l'estomac. Rapidement, il scanna les éléments autour de lui. Il avait l'impression de connaître quelque chose ici qui le rendait mal à l'aise. Pourtant, il était quasiment sûr de n'avoir jamais vu cette chambre.

La pièce était à demi plongée dans le noir, mais la lumière qui filtrait des volets était assez forte pour permettre de voir. À sa gauche se trouvait un lit recouvert d'une couette bleue en désordre, comme si la personne avait brusquement été tirée de son sommeil pour faire quelque chose d'urgent et qu'elle avait oublié de faire son lit. Sur le mur à côté étaient affichés des posters de la Nasa ou de Star Wars, ainsi que des étoiles phosphorescentes dont la lueur s'était ternie à force d'avoir brillé toute la nuit. Le sol était jonché de vêtements jetés en vrac. En face du lit, et donc en face de Keith, se trouvait un bureau, complètement désordonné. Les feuilles de papier et les classeurs posés dessus semblaient avoir été soulevés par une tempête avant d'être retombé un peu partout sur le set de table. Keith ne pouvait pas voir les détails, mais il lui semblait voir un paquet de gâteau éventré sur la chaise en plastique rouge.

Paradis 「𝒌𝒍𝒂𝒏𝒄𝒆」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant