En dessous (H.S.)

23-L'être humain est décidement masochiste...

Harry
–

J'ai toujours été une tête forte. Je retiens cela de mon père. Je surmonte toujours tout, la tête haute et sans trop d'embûches. En vainqueur. C'est d'ailleurs ce que l'on m'a enseigné. Être positif, voir le bon côté des choses, rien n'arrive pour rien... Mon optimisme m'a toujours récompensé. Les résultats scolaires au top, une bonne réputation dans mon métier, un avenir prometteur, des amis et le succès auprès des femmes. Même quand je frôle l'échec, je réussis à en tirer le positif et je repars. Le positif... Je chérie ce mode de vie depuis toujours, mais pour la première fois, il ne me vient pas en aide.

Abygaïl part aujourd'hui... À l'aventure. Ouais l'aventure d'un monde inconnu, me laissant seul devant le sentiment d'abandon. L'inconnu... Pour elle ou pour moi.

Le positivisme, ici maintenant, je l'emmerde.

Ça fait bientôt un mois que je n'ai pas vu Aby. Nous avons échangé plusieurs SMS et c'est tout. À trois reprises. Trois putains de fois, j'ai pris ma voiture et j'ai roulé jusque chez elle. Je suis resté longtemps devant son immeuble sans jamais me décider à monter. De l'orgueil... Peut-être. De la peur. Fort probable.

Il y a quelques jours, j'ai reçu son appel. Elle m'a demandé si l'on pouvait se voir. Et j'ai refusé. J'ai trouvé une excuse merdique pour éviter d'affronter. Il faut comprendre que je tente toujours de me remettre de notre dernière journée ensemble. Hey, je suis amoureux, je n'ai pas développé une soudaine passion pour le masochisme. La voir m'obligerait à revivre tout ce que nous avons partagé. Donc, je préfère agir comme si tout était normal. Beaucoup plus facile de se mettre la tête dans le sable. Parce que soyons honnête, c'est un peu de cette façon qu'elle agit.

Elle a tout bonnement compris que j'étais occupé. Elle n'a pas pris la peine de venir me voir et elle n'a pas insisté pour j'en fasse tout autant. Elle a juste déjà disparu. Elle n'a même pas encore quitté New York qu'elle est déjà partie.

Jusqu'à ce matin... Un appel, me suppliant de l'accompagner à l'aéroport. Et j'ai accepté. Soumis, c'est ça l'amour après tout... la soumission.

***

C'est bruyant. Quelques amis et collègues de travail sont réunis pour son départ. Tout le monde rigole et brillent d'excitation pour elle.

Ils sont tous inconscients. Ou pas amoureux.

Pour ma part, je préfère rester à l'écart du groupe. Après tout, je suis là pour la voir une dernière fois avant son départ et non pas pour festoyer. Je ne suis pas sûr de la revoir. Elle a laissé sous-tendre qu'elle reviendrait vers moi à son retour, mais ça, c'était il y a un mois et le sujet n'est pas revenu sur la table

J'ai plutôt l'impression qu'elle suit les traces qu'elle s'est elle-même dessinée et qu'en quelque sorte, elle nous fait ses adieux. Un au revoir à tout ce qu'elle était avec comme retour une nouvelle personne prête à débuter avec du nouveau.

Au moment où la tournée d'adieux et d'accolades débute, je ressens un bref instant de l'admiration. De la fierté. Cette magnifique jeune femme, fonceuse, intelligente, sensible... Mon cœur veut exploser d'amour.

Lorsque enfin, elle s'approche de moi, elle affiche un joli sourire.

— Mon Dieu, que tu vas me manquer, me lance-t-elle.

Elle passe ses bras autour de mon cou et je laisse les miens pendouiller, ne sachant plus de quelle façon, je dois m'y prendre face à la douleur qui patauge dans mon cœur submergé de larmes.

Abygaïl se laisse fondre dans mes bras, mais se recule automatiquement après quelques secondes. Moi pas. À l'instant, où j'ai senti son corps s'éloigner du mien, dans un élan de désespoir, ou du dernier espoir, j'ai resserré mes bras autour d'elle. De plus en plus fort.

Ma résistance s'évapore.

Elle enfouit son visage dans mon épaule pour se camoufler. De quoi ? Sa peur.... Je ne parle pas ici de sa peur de l'aventure, mais plutôt de la peur que je devine qu'elle hésite. Assurément, elle n'était pas préparée à éprouver ce genre de sentiment. Mais elle est décidée, c'est ce qu'elle veut et j'ai beaucoup trop sous-estimé ses ambitions.

Ses putain de rêves.

Je ne peux blâmer ses rêves, mais j'ai laissé ma tête croire que je valais plus à ses yeux.

Quand Aby m'a clairement expliqué qu'elle partait, pour une durée indéterminée, la première chose qui m'a frappé, c'est l'intensité de mes attentes envers elle et ses sentiments.

Lorsque finalement elle s'éloigne, je réussis à essuyer discrètement une minuscule larme qui s'est glissée de mon œil.

— On se revoit bientôt Harry.

Je préfère ne rien répondre et détourne les yeux. Hors de question que je m'autorise à laisser voir ma vulnérabilité à nouveau.

— Tu es en colère contre moi ?
— Je ne suis pas en colère Aby, j'ai peur et tu-tu vas me manquer, bégayai-je.

C'est plutôt cela en fait. J'ai cette peur. Peur d'affronter le chagrin. De quelle façon on gère une peine d'amour. Personne ne m'a jamais appris.

— Je suis désolée Harry, même si je crois que je n'ai pas à l'être.

C'est trop chaotique dans ma tête. Je pince mes lèvres pour retenir l'émotion. Je m'enfonce et je ne veux pas le faire devant elle. Et même pas du tout.

— Peu importe, répondis-je.

Elle s'apprête à dire quelque chose, quand le dernier appel pour son vole retentit dans les haut-parleurs de l'aéroport.

Pour le reste de la vie, je n'attendrai plus rien d'une femme. L'amour, c'est mortel et j'ai bien l'intention de vivre encore longtemps. Adiós l'amour.

Accompagné d'une amie, elle s'avance vers la porte d'embarquement. Je dois me soutenir en m'accrochant au dossier du siège, mes jambes ramollissent.

Elle disparaît de ma vie aussi rapidement qu'elle a fait son apparition.

Abygaïl me lance un dernier regard accompagné d'un signe de la main et je lui réponds en soulevant simplement le menton. J'étouffe le cri de rage qui menace de surgir et me force à sourire une dernière fois, avant de me retourner et partir.

J'ai laissé mon coeur aimer une seule putain de fois et regarder dans quel état je me retrouve.

Harry Styles est à nouveau sur le marché et je vous préviens, ça risque d'être affreux.

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