Chapitre 18 - Tempête

12 3 0
                                    

• ° •

   « Descendons, c'est peut-être grave... » m'intima ma docere, dans son air anxieux.

     Elle commença à dévaler les moelleux escaliers, d'un pas précipité. La suivre, c'était un vrai marathon ! Je prenais garde à ne pas louper une marche, au risque de chuter comme une vulgaire goutte de pluie.

   Dans la salle centrale du cabanon, il n'y avait plus personne. Mon ventre se noua. Que se passait-il ? On n'entendait même plus les mouches voler... Tout cela était beaucoup trop inquiétant, trop calme à mon goût.

   Alors, Lunaë disparut derrière le rideau d'eau de l'entrée. Je m'empressai de la suivre, beaucoup trop apeurée pour rester seule dans cette grande salle - même si j'aimais son ambiance féerique. Mais au final, j'aurais peut-être dû rester au chaud dans le cabanon de la section...

   En face de moi, une mer de gens immobiles, figés. Comme pétrifiés par le soleil. Sauf qu'ils ne regardaient pas le soleil. Non, non. Leurs prunelles n'étaient pas fixées sur la boule magique, mais en face, où était d'ailleurs apparu un trou béant. Et... oui, il y avait du mouvement...

   Mon dieu...

   Je sentis une rage noire, mêlée à un profond désarroi s'emparer de mon âme et de ma conscience. Ce n'est jamais bon, de ressentir de la colère et de la tristesse en même temps. Je le savais, mais je ne pouvais guère me contrôler : la simple vue de ces êtres me mettait hors de moi.

   « Vous...» marmonnai-je d'un souffle brisé de colère.

    Je posai avec une grande peine mon pied pour marcher. Mes membres étaient si tendus que je n'arrivais quasiment plus à les bouger. Ils étaient ancrés dans le sol, si je pouvais dire. Mon regard couleur glace brillait dans l'intensité d'un feu de forêt. L'océan d'âme se fendit sur mon passage. J'aurais pu me comparer à un robot, vu ma piteuse démarche. Mon regard ne lâchait pas les traîtres, qui se tenaient même fièrement devant moi.

   « Te revoilà, sale petite traîtresse. » me lança sournoisement l'homme d'une cinquantaine d'années, entouré de deux autres de ses partisans.

   Je fus plus qu'outrée de l'entendre me dire cela. Lui, il osait tenir ce propos, en me regardant droit dans les yeux ? Il n'allait pas passer entre les doigts de ma furie furieuse...

   « Tu oses me dire que je suis une traîtresse, alors que c'est vous, accompagné par ma tante Anne et mon oncle Antoine, qui avez orchestré le meurtre de mes parents ?! Et vous osez ?! » fulminai-je, d'un regard assassin.

   Les deux intéressés m'adressèrent un regard tout aussi meurtrier. J'ai cru mourir trois fois, vue la mitraillette qui résidait dans leurs yeux. Mais je ne faiblissais pas, au contraire : mon énergie ne faisait que croître, et l'envie de leur bondir dessus augmentait au fil des minutes. Maintenant, j'étais devant la foule, face à eux, qui me regardait d'un peu plus haut.

   Le trio qui devait diriger leur clan se tenait là, fièrement, en me défiant du regard. Au centre, cet homme si mystérieux, que je n'avais vue qu'une seul fois, mais qui avait eu le don de me faire froid dans le dos... Ses cheveux grisonnants soigneusement ordonnés, des yeux vert-bleu perçant et mauvais, un air constamment supérieur et autoritaire, qui me faisait d'ailleurs trembler les jambes : ça n'était autre que Philippe Noctis, le ministre de la Justice. Je déglutis de dégoût.

   À sa droite, la vieille femme aux cheveux blanchis par la vieillesse et aux lunettes de style vraiment mal choisies se tenaient dans une expression arrogante, les bras croisés. Ses rides dessinaient maladroitement son visage, et lui donnait une très mauvaise allure de méchante grand-mère. Tante Anne avait l'audace de me lorgner encore plus doucereusement qu'avant. Je ne savais pas pourquoi je disais encore « tante », puisque je ne la considérais plus comme une personne digne d'être membre de ma famille. Même principe pour la troisième personne, à la gauche du « ministre ».

La plume & l'Oiseau [sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant