Chapitre 3 - Extinction des feux

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     L'inconnue qui m'avait amené ici venait de claquer la porte décorée de sculptures dorées. Elle m'avait ordonné de m'asseoir sur un des fauteuils de la pièce sombre, où aucune lumière ne brillait. Le silence était presque tombé. On distinguait juste en bruit de fond la musique d'ambiance de la salle d'à côté. Néanmoins, je ne comprenais toujours pas qui était cette inconnue, ni pourquoi elle avait insisté pour m'évacuer de la réception. J'espérais en savoir plus, tout en restant silencieuse.

   « –   Qu'est-ce qu'il t'a pris ? » lança la douce voix de l'inconnue.

   Elle était face à une fenêtre aux volets fermés, d'où filtrait quelques rayons de l'extérieur. Elle se retourna sur ces mots.

   « –   Pourquoi as-tu fait ça, hein ? » insista-t-elle d'une voix plus dure.

   Elle était désormais penchée sur moi, et je pouvais plus ou moins la discerner à travers la faible lumière de la fenêtre. Elle avait des cheveux très courts, en mèches rebelles qui volaient à la cadence de ses mouvements de tête. Ils étaient châtain. Châtain clair. Elle possédait aussi des yeux vert-gris magnifique. J'avais l'impression qu'elle avait peur pour moi. Mais... Pourquoi ?!

   « –   Qui êtes-vous ? » lui demandai-je alors sans répondre à sa question.

   Elle retira ses deux mains blanches de l'accoudoir du vieux fauteuil, d'un air frustré. Elle semblait un peu perdue. Et le silence n'arrangeait rien. J'insistai, en durcissant le ton de ma voix :

   « –   Qui êtes-vous ?! »

   Elle baissa les yeux, puis inspira, comme si elle était confrontée à un juge. Puis, elle lâcha enfin sa réponse d'une voix dégagée.

   « –   Aliénor de Grochet, fille du propriétaire...

   –   Bah voilà, c'était pas si compliqué ! » répliquai-je, avec une note d'ironie.

   Elle me dévisagea, indécise. Puis, je captai seulement : savait-elle qui j'étais, moi ? Elle n'avait pas posé la question. C'était assez étrange...  

   « –   Si je peux me permettre, commençai-je en me relevant, savez-vous qui je suis, au juste ?

   –   Je sais en tout cas que de simples moqueries servent à te faire craquer devant le ministre ! s'exclama-t-elle d'un regard brillant.

   –   Elles n'étaient pas si simples ! répliquai-je sèchement. Allez donc vivre avec mon cousin et avec ses parents coincés de la vie !

   –   Bravo, et où est le respect dans tout cela ? »

   J'allais rétorquer, mais aucun son ne sortit de ma bouche. Notre regard s'était enflammé, comme nos mots. Nous étions désormais toutes les deux debout, face à face, les bras croisés, comme si nous boudions.
   J'étais tenace, alors je n'hésitai pas à insister.

    « –  Ça ne répond pas à ma question.

   –   Je sais le nécessaire, soupira Aliénor, l'exaspération transvasant ses mots.

   –   Du genre ?

   –   Mais tu l'es têtue, c'est pas possible ! fit-elle d'un mouvement de tête.

   –   Et fière de l'être. Ça vous dérange ?

   –   Bien plus tenace que ce que je pensais...

   –   Pardon ?

   –   T'occupe.

   –   Je ne suis plus une gamine, j'entends bien ce que j'entends. Et je vois surtout que vous refusez de dire comment je m'appelle. »

La plume & l'Oiseau [sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant