Chapitre 22 - Nuit

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     Je détestais cet endroit, si lugubre... Il me donnait la chair de poule et de frissons à m'en déchirer les os. Si je pouvais sortir, m'échapper d'ici, je le ferai sans hésiter. Mes poignets étaient enchaînés avec le mur de roche frigorifiant, et les chaînes qui chantaient à chacun de mes mouvements me brisaient les oreilles. C'était l'enfer, dans cette prison glacée.

   Ma gorge me brûlait tant j'avais hurlé. Ma chevelure blonde était encore une peu retenue par la tresse de mon amie Astrid. Elle me manquait, tout comme Romain. Tous les deux. Mais pour deux raisons différentes. J'avais mal au cœur, comme j'avais mal à mes poignets attachés. Une fois que Noctis et ses troupes furent partis, avec moi sous leur coupe, je n'avais que de vagues souvenirs. Je croyais avoir été endormie ou assommée, afin que je n'analyse et n'apprenne pas le chemin vers leur repaire.

   Maintenant, j'étais retenue prisonnière dans cette cage de glace, au mur entremêlé de cristaux et de roches. Je ne pouvais guère bouger, qui plus était. Depuis ces quelques jours, que je ne m'étais pas pris la peine de compter, je n'avais pas été restaurée, et n'avais reçu que le minimum d'eau pour survivre. C'était une créature construite dans la glace, mince comme un poteau électrique qui m'apportait ces rares vivres. Il n'était pas très aimable, et je me réservais de riposter dès qu'il renversait un peu de mon précieux breuvage.

   La fraîcheur des lieux me congelait d'heures en heures. J'avais l'impression qu'à tout moment, j'allais me transformer en glaçon, ou encore en poulet congelé dans un congélateur, qui n'attendrait plus qu'on vienne le manger. Je frissonnai comme une feuille d'un arbre en automne. Plus les secondes défilaient, plus mes forces s'amenuisaient. Ma tête ne tenait quasiment plus toute seule, et tombait sur ma poitrine lorsqu'elle n'en pouvait plus.

   Soudain, les barreaux de glaces de ma cage grincèrent. Par curiosité, je pris la peine de lever mes yeux ambrés. C'était encore cette étrange créature détestable. Mais je ne comprenais pas ce qu'elle faisait là : j'avais déjà reçu ma ration d'eau potable, quelques heures auparavant. Alors, je l'interpellai, en réunissant mes dernières forces vocales qu'il me restait.

   « Qu'est-ce que tu fais là, toi ? T'es pas déjà venu m'apporter mon fabuleux repas tout à l'heure...? »

Comparé aux autres fois, la créature me fit le privilège d'ouïr le son de sa voix. Je me serais d'ailleurs bien passé de ce privilège, puisque la chose de glace maugréa des paroles que je ne parvenais guère à comprendre. Au lieu de cela, une grimace s'était dessinée sur mon visage constellé d'hématomes bleutés et violacés. Ses yeux mauves lançaient des éclairs, et je crus mourir trois fois. Au lieu de cela, la créature de glace vint me libérer les poignets de mes énormes chaînes. Je les laissais d'ailleurs retomber lourdement sur le sol, les forces me manquant. Mes bras étaient aussi mous que des spaghettis, et j'avais même du mal à les utiliser pour me relever.

Comme j'étais lente, l'homme glace fin comme un clou me poussa en avant, me collant contre les barreaux de glace. L'onde de choc me fit tourner la tête. Je m'agrippais donc aux barreaux, pour ne pas réduire à néant tous mes efforts pour me relever. Je sentis les larmes monter tant la douleur de mes muscles me taraudait. Mais je ne devais pas fléchir devant cet ennemis : je serais prise pour une faible. Alors, je pris sur moi, et forçais une dernière fois sur mes jambes tremblantes.

  Je lui fis face, avec un regard de pierre. Cependant, il s'empressa de me serrer mon bras, à m'en couper la circulation du sang. Et il me traîna derrière lui comme un vulgaire drap sale. Je tenais durement sa cadence.

La plume & l'Oiseau [sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant