Chapitre 19 - La clé

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     J'avais mal. Mon organe vital battait tellement dans ma poitrine que je croyais qu'il voulait sortir. Pourtant, ma respiration était de rythme banal, si ce n'était que j'étais obligée d'inspirer et d'expirer par la bouche. Comme si mes sanglots, qui n'avaient cessé d'inonder mon visage, ne s'étaient pas arrêtés, et continuaient encore. Ces sanglots muets, qui, m'arrachaient les poumons à chaque inspiration. J'avais réussi à me calmer un peu, entre les bras de son compagnon : Romain. Néanmoins, la nouvelle blessure qui parcourait mon cœur ne cicatrisant pas. Les larmes ruisselaient toujours de cette fissure, que je ne parvenais guère à refermer. La seule qui en aurait le pouvoir venait d'être capturée par ces enfoirés...

   Si je pouvais, je les tuerais tous un par un. De mes propres mains. Tant pis pour les principes : quitte à perdre ma dignité pour assouvir ma soif de vengeance envers ces traîtres qui n'avaient pas lieu d'être.

  Ils avaient ruiné ma vie. Pourquoi ne pas ruiner la leur ?

   Je ne savais pas depuis combien de temps je me tenais là, le regard vide, hypnotisée dans mon reflet. Je me fixais. Parfois, une larme roulait, sans que je n'aie rien à lui demander. Comme si je ne m'aimais pas, et que je me faisais peur. J'avais toujours ma tresse, malgré qu'elle soit meurtre de tous les côtés. Mes cheveux jonchaient mon visage. J'avais l'air d'une folle, comme ça. Pas d'une adolescente de dix-sept ans.

   Parfois, j'entendais vaguement des voix.

   « Comment va-t-elle ?

   –   Elle est encore choquée. Dès qu'elle a lâché Romain, elle s'est réfugiée à cet endroit, où Alix lui avait dit d'aller si elle allait mal. Depuis, elle ne bouge pas, plantée devant ce miroir. »

   C'était souvent Cyprien qui posait la question. Il était inquiet. C'était une femme qui s'occupait de moi, comme une infirmière à mon chevet. Cela devait faire au moins deux jours que j'étais debout, immobile comme une statue de marbre. Je ne mangeais rien. Je ne buvais rien. Pourtant, Alix n'était que mon amie. Et son départ me fait l'effet d'une perte d'un membre de ma famille. Comme si c'était une tante, une cousine, une sœur, une mère... Je n'en savais rien.

   D'un coup, alors qu'une autre larme silencieuse dévalait de mes yeux, je sentis mes jambes fléchir. Et je me retrouvais vite étendue sur le sol, à bout de force. Je me relevais péniblement sur mes deux genoux, toujours face contre le miroir d'Alix. Je m'étais mise à trembler. Puis, je commençai à balayer la pièce rocheuse du regard.

   Sur ma droite, je remarquai une petite boîte, mise en évidence. Elle semblait m'appeler. Elle brillait de mille feux, même si il y avait peu de lumière qui parvenait à entrer dans cette chambre. Alors, je me mis à l'épier, comme si elle allait prendre vie. Je me mis à ramper vers elle. Je n'avais vraiment plus aucune force : c'était fou ! Pourtant, je parvins à me hisser jusqu'à cette fichue boîte.

   Je l'attrapais de son socle de pierre. Je me rattrapais sur les coudes avant de retrouver collé ma joue sur le sol frais. Je déposai ensuite délicatement la boîte sur la pierre poli par les pas. Sans perdre une minute de plus, j'ôtai son couvercle sombre en l'ouvrant.

   Oh... Quel magnifique objet...

   Une clé. Une vieille clé. Une clé qu'on trouverait pour ouvrir une vieille maison, ou un vieux portail tout rouillé. Je me rappelle en avoir vu une semblable, sur le trousseau de clés de mon oncle Antoine, étant plus jeune. J'avais toujours eu cette image, logée dans un coin de ma tête, soigneusement conservée. Cependant, je ne savais guère pourquoi. Celle-ci, qui se reposait dans cette boîte presque noire, avait son haut taillé en un cercle abimé par le temps et la rouille. Elle était sculptée dans un fer très solide, qui ne permettrait à personne de la tordre, et encore moins de la briser. Un fer couleur argent, plutôt bien conservé par rapport aux tâches d'usure et de rouille un peu partout sur l'objet.

La plume & l'Oiseau [sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant