Chapitre 2 - Assemblée

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   « –   Alors ? Prête pour voir valser le ministre ? »

     C'était Cyprien qui venait de glisser ce chuchotis moqueur dans mon oreille, alors recouverte de mes cheveux ébène. D'un geste de main, je l'éloignai, et j'esquissai une grimace.

   « –   Ça suffit, vous deux ! clama tante Anne, le visage fermé et dur comme la pierre. Tenez-vous tranquille, et arrivés là-bas, tenez-vous droits. »

   Cyprien hocha la tête. Je rechignai, et l'imitai enfin. Oncle Antoine était déjà au volant de sa grosse voiture noire, qui occupait une bonne partie du jardin devant l'imposante maison. Tante Anne nous fit signe de nous y engouffrer. J'ouvris la porte, et Cyprien ne mit pas longtemps à réagir. Des petites gouttes d'eau vinrent s'écraser contre ma main. La porte avait vibré et fait s'envoler les gouttes de pluie. Je secouai ma main mouillée, et entra à mon tour dans la voiture vrombissante.

   Notre trajet d'une petite heure vers la région parisienne débuta alors, dans un silence troublant. Je m'empressai de m'enfuir dans un monde où je contrôlais les sentiments et émotions : la musique.

    Elle m'avait toujours accompagné. Dès que j'ai pu me procurer un téléphone, – que Cyprien avait volé dans un tiroir de la chambre de ses parents... – j'ai découvert la meilleure chose qui puisse me soulager. Mon remède contre mes problèmes et mes lourds songes. Les notes qui s'accordaient à mes pensées, à mes doutes, à mes idéaux... Ceux que j'aimerais hurler à ceux qui m'hébergeaient tant bien que mal, et qui posaient des limites à tous ce que je voudrais entreprendre... Tout cela, je les confiais aux différentes notes qu'étaient les êtres peuplant le monde de la musique.

   Après une petite heure de route, et avoir rêvassé dans les différentes nuances de son, nous arrivâmes enfin à destination. Mais j'aurais tout de même préféré rester dans le fin fond de mon siège, bien au chaud près des chauffages de la voiture. Maintenant, je devais descendre pour me rendre à cette fichue réunion...

   « –   Cache ta joie, cousine, me chuchota Cyprien en bousculant mon épaule.

   –   La ferme. » répliquai-je d'un ton sec.

   Mais à peine avais-je relevé la tête que je vis une imposante demeure, encore plus que celle de mon oncle et de ma tante.

   Une pierre blanche la constituait. Elle devait être bien entretenue, vu la blancheur presque aveuglante dans le petit brouillard. Deux poteaux de cette roche ornaient l'entrée du bâtiment. Deux majors d'homme étaient d'ailleurs plantés devant comme des statues, à se contempler l'un l'autre, comme son propre reflet dans un miroir. Je ne discernais pas la lueur dans leurs yeux, mais leur air sérieux me fit comprendre qu'ils étaient concentrés, m'en oubliant d'avancer. Je suivais à petit pas mon cousin, tante Anne et oncle Antoine, qui ajustait une nouvelle fois consécutive son nœud papillon assorti à sa veste noir. Cyprien faisait semblant de se tenir fièrement droit, ce qui me fit sourire. D'ailleurs, j'avais dû encore me changer avant de partir : le tee-shirt que j'avais mis n'avait pas plus à Mademoiselle et Monsieur ! Tante Anne m'avait donc forcé à mettre une chemise de soie blanche. Je trouvais que cela me faisait une silhouette coincée. Alors j'avais insisté pour ajouter des bretelles décorées de motifs discrets, et changer mon pantalon pour du gris plus soft. Elle avait rechigné, mais avait fini par accepter. Je me sentais un peu mieux, mais compressée.

   « –  Bienvenue à la demeure De Grochet, messieurs dames.»

   Je dus retenir un fou rire. Grochet... Vraiment ? Je cachais mes soupirs amusés dans mon écharpe de laine, tant bien que mal soutenue par Cyprien, qui tentait de ne pas flancher.

La plume & l'Oiseau [sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant