Je le cherchai partout des yeux, dans chaque recoin de la rue, devant chaque maison, mais je dû bien me rendre à l'évidence qu'il avait disparu. Il s'était envolé, volatilisé, sans laisser la moindre trace. Mais comment? En même pas une minute, comment avaient-ils fait pour remballer toutes leur affaires, et changer d'endroit?
Ça me rendit folle de rage. La seule fois où je commençais à éprouver un sentiment nouveau, la seule fois de ma vie où j'étais heureuse, il fallu que cette fois-là ne dure que quelques minutes et qu'elle se finisse précipitamment. J'en avait marre. Ma vie ne ressemblait à rien. Elle ne servait à rien d'être vécue si elle n'était faite que de désillusions et de déceptions. Je ne savais plus quoi faire. Et dans ces cas-là, ce qu'il y avait de mieux à faire était d'aller dormir, pour faire taire tous ces regrets.
J'éloignai mon visage de la vitre et tirai les rideaux. Je me retournai et regardai la vieille horloge. Neuf heures. Je n'avais pas faim, inutile donc de commencer à me préparer à manger maintenant. Et même s'il m'était impossible de m'endormir à neuf heures, tant pis, j'allai quand même aller me coucher.
J'allai à la salle de bain, me brosser les dents. Cette journée avait été épuisante, et cela se voyait sur mes traits de visage; je ressemblais véritablement à un zombie. Mes cernes étaient presque noires et me faisaient des yeux tombants, encore pire que d'habitude. Je n'avais pas le teint blafard, mais gris, tirant presque vers le vert. Affreux, vraiment affreux.
Je me regardai longuement dans le miroir, en soupirant toujours plus fort.
J'attrapai ma brosse à cheveux et me coiffai. Mais je la lâchai d'un coup, et me regardai de plus près dans le miroir. Je croyais rêver, mais non, ce que je voyais se refléter dans la glace était bel et bien réel: mes bras étaient devenus aussi fins que le diamètre d'une balle de ping-pong. C'était terrifiant. Je crus même par endroit apercevoir l'os. Dans les vestiaires j'étais absolument certaine qu'ils n'étaient pas aussi fins. Comment était-ce possible?!
Je continuai à me regarder dans le miroir, tremblante, ne réalisant pas ce qu'il m'arrivait. J'avais de la peine à respirer, et je frissonnais, pourtant il faisait presque trop chaud dans la salle de bain. Et, pendant un instant, je ne vis et n'entendis plus rien, le vide total. Alors je m'agrippai au lavabo avant de chuter lourdement au sol. J'avais sûrement perdu connaissance. Mais, par je ne sais quel miracle, je me relevai presque immédiatement, respirant bruyamment, comme si je venais de sortir de la tête hors de l'eau, après une plongée en apnée. Je commençai à tousser et même à cracher du sang. En une minute mes mains étaient recouverts de tâches rouges.
Que m'arrivait-il? Que se passait-il? Je devenais folle, totalement hors de contrôle. J'étais complétement essoufflée et je dus m'accrocher à mes genoux, pour ne pas retomber à nouveau. Je pense bien avoir frôler la mort de peu.
Alors, je relevai la tête lentement, déterminée à affronter la vue horrible de mon propre corps, qui se reflétait dans le miroir. Et encore un nouveau choc: mon cou était devenu squelettique, parcouru d'innombrables veines, prêtes à exploser tellement elles étaient gonflées. Je les voyais plus que mon cou en lui-même.
Mes yeux étaient noirs et ma peau était devenue presque transparente. Je me regardai sans même penser que c'était moi que je voyais. Mais quand je réalisai, après un moment, que c'était vraiment moi, là, je ne me contrôlai même pas et passai à l'acte.
J'attrapai le miroir et le jetai de toutes mes forces par terre. Il se brisa dans un bruit assourdissant et éclata en une centaine de morceau. Bien-sûr je ne fus de loin pas épargnée; les éclats me tranchèrent tout le corps, particulièrement les mains et les jambes. Je me serais crue dans un film d'horreur. Les plus gros bouts de verre étaient plantés dans ma chair, la plupart très profondément. Je n'eus d'autres choix que de les enlever, et je crois bien que c'est la pire douleur que je n'aie jamais ressentie.
Je tirai doucement et sentais les morceaux s'extraire lentement de ma peau. Ils étaient intégralement recouverts de sang. Cette sensation était absolument horrible, rien que d'expliquer me donne la chair de poule: une impression de brûlure vive, puis le sentiment que toute la peau part avec le morceau de verre, et enfin un vide dans la peau, masqué par tout le sang qui sort de la plaie. Vous ne pouvez même pas imaginer à quel point c'est atroce.
Mais dans mon malheur presque volontaire, j'eus une idée. Une révélation même...
VOUS LISEZ
Miroir, mon beau miroir
TerrorJe vous avertis déjà ; si vous affectionnez les papillons, les champs fleuris, les fins heureuses, les princesses roses et j'en passe, cette histoire ne vous conviendra pas. Elle vous transportera dans un univers sombre, macabre, déchirant, atroce...