2. "Ne l'approche plus jamais"

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Je montai lentement l'escalier en colimaçon. L'éclairage était toujours aussi faible. Pourquoi est-ce que personne ne faisait quelque chose pour régler le problème? Les gens de mon immeuble étaient vraiment tous stupides. Heureusement que je ne les voyais que très rarement.

C'est alors que j'entendis les pas d'une personne venant de l'étage supérieur. Elle descendait les marches très rapidement. Je ne pris pas la peine de relever les yeux. Mais ils se stoppèrent d'un coup, juste devant moi. Je me sentis donc obligée de regarder la personne à qui je faisais face. C'était la petite Camille du troisième, huit ans, je crois. Je ne l'avais vu qu'une fois, il y a bien de ça deux ans et je l'avais trouvée tellement mignonne avec ses petites joues roses et son adorable sourire.

Mais au moment où je regardai son visage, je crus réellement qu'elle allait faire une crise cardiaque. Elle avait pâli en une fraction de secondes, et ses membres commencèrent à trembler violemment. Elle ne bougeait plus, pétrifiée. Après une bonne dizaine de secondes, elle se recula de sorte à se plaquer contre le mur du palier. Je vis ses mains essayer de s'agripper à quelque chose sur la paroi, et elle empoigna la première chose qui lui passa sous la main, c'est-à-dire un parapluie.

"Tu m'approches, je te plante ça en plein ventre, sale monstre."

Pas la peine de vous rappeler que la gamine avait huit ans... Et pendant ce temps là, je ne bougeai pas, impassible, trop fatiguée pour rétorquer quoi que ce soit. Je continuai à la fixer de mes yeux bleus délavés.

On avait vraiment l'air ridicule à se scruter de cette façon, surtout que je me faisais presque dominer par une enfant. Mais par chance, une voix retentit à l'étage supérieur.

"Camille? Camille! Où es-tu Camille?"

La petite commença en sangloter;

-Je suis là Maman! Au secours! J'ai peur! À l'aide! Maman, viens me chercher! Vite!

La femme dévala les marches de l'escalier deux par deux, se laissant quasiment glisser sur la rampe de l'escalier. Pendant un instant, je crus qu'elle allait tomber, mais non, une seconde plus tard elle était là, devant nous. Je n'eus même pas le temps de réaliser qu'est-ce qu'il se passait, qu'elle attrapa la petite dans ses bras, la serrant de toute ses forces, pour la protéger. Dans la foulée, elle avait réussit à saisir le parapluie des mains de la fillette. Au début, je pensais qu'elle ne voulait pas que quelqu'un se blesse avec, mais au contraire, elle le pointait désormais vers moi, le maintenant fermement entre ses doigts crispés. Utiliser des parapluies comme armes d'attaque était donc de famille chez elles?

"N'approche plus jamais, tu m'entends? plus jamais, ma fille. Que ça soit pour descendre les escaliers ou même passer le hall d'entrée, tu t'éloignes d'elle, à une distance de sécurité, d'au moins trois mètres et ça ne sera pas à elle de t'éviter, compris?! Et si tu ne le fais pas, que ça soit volontaire ou non, je prendrai les mesures nécessaires pour vous faire déménager de cet immeuble, toi, et tes chers parents."

J'étais sous le choc, totalement médusée. Elle avait 35 ans et elle me parlait sur ce ton?! Était-elle devenue folle? Avait-elle perdu la raison? Toutes mes pensées s'embrouillaient dans ma tête. Je n'arrivais plus à réfléchir, ni même à penser. Je voyais juste cette abominable femme, devant moi, prête à me tuer avec un parapluie, moi innocente, pour pouvoir protéger sa petite fille pourrie-gâtée. La situation devenait totalement absurde.

Je repris assez rapidement mes esprits et observait l'adulte avec attention; malgré la très faible lumière je pouvais voir ses yeux rouges exorbités qui semblaient pouvoir me tuer en un seul regard. Tout son corps était devenu écarlate, particulièrement ses joues et son cou, et ses veines ressortaient de partout. Elle était immonde, encore plus que moi, et je peux vous dire que ce n'est pas facile de me battre en terme de laideur...

J'allais ouvrir la bouche pour me défendre, mais elle souleva la petite par le bras, reposa le parapluie à sa place et commença à descendre l'escalier. Elle descendit trois ou peut-être quatre marches (mes idées n'étaient pas encore assez claires à ce moment-là) et se retourna lentement, toujours avec sa fille sous le bras;

"Ma fille a toujours eu la phobie des monstres et des êtres effrayants, alors, c'est un ordre, ne l'approche plus jamais." 

Miroir, mon beau miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant