25. Mes talents de menteuse

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Mon réveil me tira difficilement de mon sommeil. Je baillai longuement avant d'aller me préparer et de m'habiller. Dès que je fus prête, j'inspirai un bon coup et me dirigeai vers la cuisine, prête à affronter une nouvelle fois les regards désapprobateurs et les accablantes remarques de mes parents. Mais ce matin-là, aussi étrange que cela puisse paraître, mes parents semblèrent décontractés, bien plus sereins que la veille.

-Salut Chloé, bien dormi? me demanda ma mère, pleine d'entrain, en me servant un bol de céréales.

-Oui, plutôt bien, lui répondis-je, troublée par leur curieuse attitude.

Mais mon enthousiasme disparu vite, lorsque mon père entama la discussion, que j'aurais absolument tout fait pour éviter;

-Bon, je ne vais pas tourner autour du pot plus longtemps. Chloé, il n'y a aucun doute, nous avons décelé tes empreintes digitales sur le crime qui avait été commis dans l'immeuble il y a quelques jours. Je ne vais plus pouvoir nier l'évidence plus longtemps, toutes les pistes mènent à toi, alors par pitié, dis-moi que ce n'est pas toi la coupable.

Sa franchise et son regard vide me surprirent, mais je savais que c'était maintenant ou jamais que je devais faire preuve de mes talents de menteuse;

-Quoi?! Depuis tout ce temps vous me soupçonnez d'être une criminelle?! Mais comment pouvez-vous penser cela de votre propre fille? Je ne voulais pas vous en parler, mais je crois que je n'ai plus vraiment le choix. Bon, oui, vous n'avez pas rêvé, ce sont bien mes empreintes qui se trouvaient sur la scène du crime. Parce que pendant cette nuit-là, je n'arrivais pas à trouver le sommeil, sûrement parce que je m'inquiétais à cause de votre absence, enfin bon, passons. Alors j'ai entendu un cri aigu venant de l'étage supérieur, et j'ai tout de suite su que quelque chose de grave arrivait à la petite Camille, cette fillette que j'appréciais sans vraiment avoir pris le temps de connaître. Donc sans vraiment réfléchir, je suis montée voir qu'est-ce qu'il lui arrivait. J'aurais peut-être pas dû, je sais, mais c'est plus fort que moi. Et alors que j'étais en train de monter les marches, j'ai vu un homme, d'une trentaine d'année environ, descendre les escaliers, avec les mains dans les poches, mais auquel je ne fis pas vraiment attention.

Voilà, j'arrivais enfin à le mettre sur une mauvaise piste, et cela semblait marcher, à en croire la mine illuminée de mon père. Sans plus attendre, je poursuivis;

-Je vis que la porte de l'appartement était ouverte, alors je suis entrée et là, j'ai cru que j'allais m'évanouir; Camille était en train de se noyer dans son propre sang, et n'arrivait même plus à parler tellement elle en crachait. Alors j'ai voulu l'aider à stopper l'hémorragie en appuyant sur son cou, en lui tenant les mains pour la soutenir. Mais elle fut bientôt blanche comme un linge et ne respira plus. Elle est morte dans mes bras, j'en suis encore traumatisée. Mais à cause de mes mains ensanglantées, j'ai semé mes empreintes partout et je les ai pas effacées parce que pour moi c'était impossible que je sois suspectée. Voilà, c'est tout. Et à cause de ce stupide psychologue vous pensez que je suis une criminelle, alors que j'ai juste été traumatisée par ce soir-là, et je ne pense plus qu'à la tête pâle de cette fillette et à tout ce sang qui lui sortait de partout.

Ma mère commença à pleurer et tous les deux, ils vinrent me prendre dans leur bras.

-Ma chérie! Nous sommes de véritables monstres! Nous t'avons soupçonné comme ça, sans penser à te demandais ton avis! Pardonne-nous, pardonne-nous, lâcha ma mère entre deux sanglots.

-Vous ne pouviez pas savoir... lui répondis-je d'un air abattu, me retenant d'exploser de rire, tellement ils étaient crédules.

-Mais quelque chose m'échappe... Comment se fait-il qu'il n'y avait aucune trace de cet homme dans l'appartement? fit mon père, songeur.

-Mais il portait des gants papa! C'est pour ça qu'il se cachait les mains, pour pas que je vois tout le sang qu'il avait dessus!

-Oui, bien-sûr, je suis bête! Bon, rappelles-toi, il ressemblait à quoi, cet homme?

Je ne m'attendais pas à cette question, alors je tentai de décrire un "monsieur tout-le-monde" facile à trouver n'importe où;

-Il devait faire entre 1m75 et 1m80, avait les cheveux noirs, coupés assez courts, un nez droit, un grand sourire, mais sinon je sais plus trop...

Cette exlication sembla suffire à mon père, qui se leva d'un bond, en s'exclamant;

-Plus une minute à perdre, je vais aller prévenir l'équipe et toi, Anne, tu viens avec moi, il faudra être convaincants, dit-il en attrapant ma mère par la main, sans même lui demander son avis, ce qui ne sembla pourtant pas la déranger.

À peine eurent-ils fermé la porte, que je commençai à rire toute seule, tellement fière de moi. J'étais débarrassée une fois pour toute de ce crime, plus rien ne pourrait désormais m'arrêter. J'allai pouvoir tuer encore et encore, sans avoir besoin de me soucier des conséquences. Je ricanai sournoisement. Mais l'horloge me ramena rapidement à la réalité, je devais y aller. Je pris mon sac d'école et y fourrai quelques morceaux de verre, sait-on jamais, cela pourrait me servir. Car maintenant, toutes les journées les plus banales pourraient devenir un véritable et magnifique carnage, grâce à mon perfectionnisme dans la matière. Oui, j'allai pouvoir tuer sans relâche, quel bonheur.

Je me dépêchai d'arriver au collège, j'étais en retard, et j'avais horreur de cela. Mais arrivée dans la cour, je fus surprise de voir toute ma classe agglutinée autour de notre prof de gym, Mme. Riménez, en train de s'afférer à donner des explications.

-Ah te voilà Chloé, je me demandais où tu étais passée! Bon, tout le monde est là, on va pouvoir y aller! Mettez-vous en colonne, que je puisse vous compte! Dix-huit, dix-neuf, vingt, vingt-et-un! Parfait, aller, dépêchez-vous tout le monde, on y va!

-Mais on va où? lui demandai-je alors, totalement perdue.

-Tu as oublié? Mais vous avez la grande course d'orientation aujourd'hui! Vous allez voir, vous allez vous amuser comme des fous!

Je soupirai, dépitée. J'avais complétement oublié cette affreuse course, totalement sans intérêt. Mais tout le monde avait l'air surexcité, peut-être y avait-il une récompense cette année? Sans me poser plus de questions, je suivis le groupe, sachant que cette journée allait être un véritable calvaire, auquel je n'allais pas pouvoir échapper.

Miroir, mon beau miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant