16. Blessantes révélations

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Le psychologue s'éloigna lentement de moi, puis sortit pour aller chercher mes parents et parler de la situation, de ma situation. Mes parents rentrèrent, apparemment anxieux du bilan que le docteur allait leur annoncer. La situation semblait plus grave que ce que je ne l'aurais imaginé, car le Dr. Rall me demanda de sortir de la pièce, pour aller attendre mes parents en salle d'attente.  

Je retins mes larmes, j'avais peur. Je n'étais pas un monstre, pas une assassine, pas une psychopathe! Je tuais, car cela était nécessaire, car le monde souffrait de ces êtres parasites qui nous empêchaient de vivre normalement, nous, les vrais humains! Je ne suis pas folle, je ne suis pas folle, je ne suis pas folle. Croyez-moi.

Mais ce discours qui ne cessait de me torturer, je ne pouvais pas le leur dire. Ils me prendraient véritablement pour une malade mentale. Et, de toute façon, mes parents ne me croiraient pas, ils allaient croire la raison; le Dr. Rall.

Je me dirigeai vers la salle d'attente. Il y avait beaucoup de gens, tous avec la tête penchée sur un magazine. Poliment, je leur adressai un timide "Bonjour". Ils relevèrent tous la tête et me regardèrent, horrifiés. Certaines personnes toussèrent dans leur poing, comme s'ils ne m'avaient pas entendu. Une mère cacha les yeux de son fils, et une autre attrapa un livre qu'elle tendit précipitamment à sa fille, pour qu'elle ne me remarque pas ma présence. Mais la mère n'avait pas été assez rapide; sa fille commença à pleurer, totalement terrifiée. Elle tenta tant bien que mal de la calmer, mais la fillette se débattit, hurlant à m'en percer les tympans.

Vous me direz que, de toute façon, j'en ai l'habitude maintenant, des gens terrifiés à ma vue ou des gamins en pleurs après m'avoir regardé, si ce n'est qu'un seul millième de secondes. Mais non. Dans ses pleurs, je voyais se refléter toute ma douleur, toute ma souffrance que j'ai accumulé au fil des ans, qui devient de plus en plus pesante, de plus en plus écrasante, tout simplement insupportable. Mon existence ne ressemble plus à rien. Quoi? Le suicide, me dites-vous? Mais le suicide n'est pas la solution, non, ceci ne serait qu'une issue lâche et sans intérêt, pour échapper à la réalité qui me crève les yeux. Voilà pourquoi je dois me battre, voilà pourquoi je ne peux pas me permettre d'abandonner indignement cette vie. Ou, pour faire plus simple; voilà pourquoi je dois tuer.

Les cris de l'enfant me firent sortir de mes profondes réflexions. Je n'en pouvais plus, et je n'avais pas la force de révolter, ni même le courage. Alors, je décidai de sortir, errer dans les couloirs blancs de ce bâtiment. Je m'imposai comme but de chercher les toilettes. Mais ces couloirs étaient tous identiques, impossible de s'y retrouver. Néanmoins, j'avais du temps à gaspiller de toute façon, alors autant me prendre pour une exploratrice.

Aucuns repères ne pouvaient m'indiquer ma position, et l'étage du bâtiment me semblait immense. Je longeai les murs éblouissants, croisant d'autres personnes, qui se collaient aux murs pour ne pas m'approcher. Même les médecins, mêmes les psychologues, tout le monde. J'explosai intérieurement, mais ne laissai rien paraître.

Alors que je continuais mon exploration, je m'arrêtai net et observai. N'étais-je pas déjà passée par là? Il me semblait bien avoir déjà vu cette lumière, qui ne ressemblait à aucune autre. Ou alors, il y en avait plusieurs de cette forme. Je m'étais sûrement perdue. Il me semblait être dans un véritable labyrinthe. Je ne savais pas par quel moyen rejoindre la salle d'attente, alors je décidai de continuer à marcher tout droit. J'allais bien finir par retomber quelque part...

C'est alors que j'entendis des pleurs. Une femme était en train de pleurer derrière la porte. Je m'en approchai et tendis l'oreille, curieuse. Un psychologue, sûrement, lui avait dit quelque chose de blessant ou qu'elle aurait pu mal prendre.

-Allez-y, Monsieur, dites-le nous, qu'on en finisse, fit-elle entre deux sanglots.

-Bon...

Ils étaient donc trois dans la pièce, à moins que cette femme soit schizophrène. Je ne savais pas pourquoi, mais j'éprouvais un étrange intérêt à cette conversation. Je voulais savoir qu'est-ce que le psychologue allait leur avouer.

-Ne réagissez pas trop violemment, en entendant ce que j'ai à vous dire, d'accord? Bien, elle est psychopathe. Peut-être ne le savez-vous pas, peut-être le savez-vous, mais les psychopathes ne peuvent pas se soigner, c'est un trouble mental incurable.

-Non, non, non! Ce n'est pas une psychopathe! C'est impossible! Vous m'entendez?! Impossible!

La femme émit un cri déchirant et pleura à nouveau, ce qui me fit mal au coeur.

-Les tests sont là pour le confirmer, Madame. Tout porte à croire que c'est une vraie psychopathe. Une meurtrière même. C'est dur à admettre, j'en suis conscient, mais c'est une assassine, une dégénérée mentale. Ces mots sont durs, mais c'est la vérité. Vous devrez essayer de continuer à vivre normalement, car si vous le lui dites, cela ne fera qu'empirer la situation. Bien-sûr, il se pourrait qu'elle ne reproduise plus rien d'ordre meurtrier, mais cela peut aussi arriver à tout moment, croyez-moi. Si c'est le cas, nous devrons prendre les mesures nécessaires pour qu'elle ne s'approche plus de personne. Nous la laissons en "liberté" pour le moment, mais prévenez-nous au moindre acte suspect, même si cela sera dur pour vous.

La femme sanglotait doucement maintenant, et l'autre personne se moucha, elle pleurait aussi. Je me sentis si mal d'avoir écouté cette conversation, ces deux personnes allaient tellement souffrir! Surtout "elle". Mais je fus contente de ne pas être à leur place, et je me dis que moi, je n'avais rien à craindre.

Je plaquai encore mon oreille, pour continuer à écouter. Mais la discussion semblait finie, car les chaises grincèrent sur le sol, signe qu'ils se levaient. J'entendis quelques paroles d'adieu. Et le psychologue ajouta "Soyez forts". La porte s'ouvrit alors, avant que je n'aie pu décoller mon oreille de la porte. Je me reculai brusquement, avant d'apercevoir ces deux personnes. Je me trouvais en face de mes parents.

Miroir, mon beau miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant