11. Une nuit mouvementée

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Ils provenaient du rez-de-chaussée, et ne semblaient pas monter extrêmement vite. J'avais d'ailleurs l'impression qu'ils voulaient m'aider à accomplir ma bonne action, en gravissant lentement les marches de l'escalier, pour que j'aie le temps de monter jusqu'au troisième étage, et vous connaissez sûrement la suite...

Mais, pour je ne sais quelle raison, je ne montai pas les escaliers. Je voulais identifier ces deux personnes. A entendre les bruits, ils devaient être deux; un homme et une femme, dont on entendait les talons-aiguilles heurter bruyamment les marches. Après tout, ils ne pourraient pas se douter de ce que je pourrai aller faire à l'étage supérieur, je n'avais donc pas à m'inquiéter de leur présence, vu qu'ils ne me connaissent sûrement pas, comme le reste des habitants de l'immeuble...Mais d'un autre côté, voir une jeune fille monter à minuit et demi, avec un sac, ne serait-il pas un peu louche? Je ne savais pas quoi faire...

Mais j'allai rapidement le savoir.

Les deux personnes continuaient leur ascension et se rapprochaient de plus en plus de moi, qui étais toujours sur le pas de ma porte, prête à monter. La femme soufflait, peut-être à cause de ses chaussures qui lui faisaient mal aux pieds, après une soirée passée à les porter. Son mari, je pense, s'arrêta pour l'attendre, sûrement. Et là, il parla. Mon sang se glaça dans mes veines. Je ne su plus quoi faire pendant un court instant. L'homme qui venait de parler, n'était autre que mon père. Mon père accompagné de ma mère. Ils étaient à l'étage inférieur.

Vous allez me dire, que ça ne fait rien, mais s'ils me voyaient avec sac, rempli d'éclats de miroir, sur le pas de ma porte, à une heure si tardive, ils allaient se poser des questions. Ou plutôt me poser des questions. Et étant donné que je suis la plus mauvaise menteuse au monde, j'allais encore leur dire la vérité.

Non, non, je n'allais quand même pas céder à la panique maintenant. Je me jetai littéralement dans l'appartement, et calquai la porte derrière moi. Pas terrible la discrétion... Puis je courus comme une athlète sur la pointe des pieds jusqu'à la porte de ma chambre, d'ailleurs je peux vous dire que courir sur la pointe des pieds est une très mauvaise idée, car à peine arrivée à ma porte, je me tordis la cheville et me ramassai le battant en pleine figure. Je souffrais le martyr, mais tentai néanmoins de rentrer dans ma chambre.

Arrivée à l'intérieur, je refermai la porte, mais comme le malheur m'accablait, je me pris le coin de la porte dans le pied. C'en était trop, je m'effondrai lamentablement sur le sol de ma chambre, tel un mollusque, et comme si cela ne suffisait pas, je tombais sur mon bras, qui fis un effroyable craquement. J'étais dans une sorte de semi-conscience, qui me permettait de réfléchir, sans pouvoir bouger.

Je souffrais tellement que je crus que ma dernière heure était arrivée. Ne rigolez pas, je suis très sérieuse. La douleur m'accablait, me clouant au sol, comme une ventouse accrochée à un mur. Je suffoquais, j'avais les larmes aux yeux, tout mon corps me lançait. Horrible.

Mais ceci ne signifiait qu'une seule chose: quelqu'un me voulait du mal. Je devais tuer cette personne le plus vite possible avant que mon état ne s'aggrave. Mais je commençai à être gagnée par la fatigue. Je restai donc sur le sol de ma chambre complétement sonnée, et n'entendis même pas mes parents entrer.

Bilan de cette journée: j'avais atteint mon premier but, mais échoué mon second. Cependant je n'en avais de loin pas fini. Mais le plus important dans cette journée, était évidemment la rencontre de cet étrange inconnu...

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Elle était là, la mère de Camille. Elle se trouvait juste devant moi, mais le corps de sa fille morte lui cachait le ventre, car elle le tenait à bout de bras. Camille était toujours ensanglantée, trouée, déchirée de partout, et son cou n'était désormais plus qu'un espace vide, ou on aurait facilement pu y glisser une main. C'est d'ailleurs ce que sa mère faisait; elle y mettait sa main, la retirait, la replongeait à nouveau dans ce trou. Elle faisait des allers et retours à intervalles constants, comme si elle allait réussir à tirer quelque chose de cette action. Mais il ne se passait évidemment rien. Et elle le comprenait, le désespoir se lisait clairement sur son visage.

Ses yeux, tombants, me regardaient, tout en étant affreusement vides. Sa bouche béante semblait crier quelque chose, mais aucun son n'en sortait, ce qui ne semblait pas la déranger, sûrement trop occupée à passer sa main dans ce qui fut la gorge de sa fille. Soudain, elle s'arrêta net, se figeant littéralement sur place. Son regard devint de plus en plus intense, me scrutant attentivement.

Et là, il y eut comme un choc. Elle attrapa Camille et lui cacha les yeux. Puis, elle lui chuchota des mots, avec une telle haine, que je crus qu'elle allait briser en deux le cadavre de la fillette. Mais non, elle lui chuchotait toujours ces mots imperceptibles pour moi, qui ne me trouvais qu'à trois mètres d'elle. Mais ses chuchotements devinrent de plus en plus rapides, et de plus en plus forts, se transformant en cris, puis en hurlement. Et je pus enfin entendre ce qu'elle lui disait "Monstre, monstre, monstre".

Avant que j'aie pus réagir à ses provocations, elle empoigna Camille par la tête, et la lança au sol. La petite fille se brisa en centaines de morceaux, qui tranchèrent sa mère de partout. Mais celle-ci ne protesta pas. Elle me regardait toujours avec cette même haine, mais je n'eus même pas le temps de comprendre ce qu'elle fit, qu'elle s'était élancée dans ma direction, m'agrippant les épaules, me secouant de toute sa force.

Et enfin, je me réveillai, réussissant à m'évader de cet horrible cauchemar. Mais quelqu'un était bel et bien en train de me secouer dans tous les sens, je ne rêvais pas.

-Chloé! Réveille-toi!

-Maman?! Qu'est-ce que tu fais? bafouillais-je, encore somnolente.

Ma mère était au-dessus de moi -qui étais toujours au sol, en passant- prête à me lancer au plafond pour me réveiller.

-Quoi? Il se passe quoi, au juste?

Elle me fixait, faisant son plus beau sourire, celui qu'elle fait quand elle à une idée de génie ou une proposition géniale. Cela ne lui arrivait que très rarement, mais ce sourire était reconnaissable entre tous.

-Viens Chloé, nous avons une surprise!

Miroir, mon beau miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant