Gare

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Tous me regardent, intrigués mais ils continuent leur chemin à travers ce couloir gris. Certains repassent et jugent ma présence.
"Pourquoi est-elle accoutrée comme cela?"
"Pourquoi ne se cache-t'elle pas?"
Il est vrai que ma tenue est quelque peu spéciale mais que voulez vous? Je ne m'y attendais pas, c'est arrivé sans que je m'en aperçoive.
Assise sur le sol à baisser la tête, à regarder sur quoi je suis posée  depuis maintenant plus de deux heures. 
Je n'ai pas bougé, tout me paraît calme mais c'est tellement bruyant, tellement triste.
Je ne comprends pas comment j'ai pu en arriver là.
Je l'ai juste aider et me voilà ici, deux jours après. Que s'est - il passé? Où sont mes vêtements? Sur ce sol gelé j'assume ne rien savoir. Que dois - je faire d'autre? Pleurer? Quel en sera le changement?

Je ne bouge pas, je tente de me remémorer. Plusieurs personnes s'arrêtent pour me demander ce que je fais là. Je ne lève pas le regard et murmure un "je ne sais pas" puis reprends mes balancements. Non je ne suis pas folle je suis simplement perdue.
Après quatre heures d'attente une femme s'assoit à mes côtés. Je le reconnais elle m'observe depuis une heure. Elle se positionne comme moi puis attend. Elle passe trente minutes à attendre. Elle se balance au même rythme que moi.
"Il faudra penser à se calmer"
Juste une phrase qui me détend. Sa voix est douce, chaleureuse. Elle ne veut rien, juste m'aider. Je la vois poser son épais manteau sur moi. Puis elle se lève et part. Elle était gentille. Les autres me passent devant, très peu s'arrêtent. Ils me regardent misérablement mais continuent leur route. Une heure passe, deux heures. Une personne se place devant le peu de lumière m'éclairant.
"Je savais que tu ne bougerais pas"
La même voix, douce, chaleureuse.
Je ne veux pas lever mes yeux alors elle s'accroupit face à moi, son mince corps m'intrigue. Je monte finalement le regard et tombe sur un corps svelte des cheveux bruns coupés court, un sourire angélique des yeux en amande mais un visage creusé très fin dont tous les os ressortent. Des cernes que l'on confond avec les bleus. Elle dépose à mes pieds un sac de vêtement. Elle les retire un par un et me les tend doucement pour ne pas me brusquer. Je la regarde étirer un sourire qui se veut bienveillant mais qui est empli d'une énorme tristesse.
Elle s'avance et m'habille. Elle me tend ensuite un sandwich
"Désolé je ne sais pas ce que tu aimes alors j'ai mis du jambon"
J'approche ma main du pain que je prends rapidement et le dévore entièrement.
"Qui es-tu?" Lui demandais - je
"Une fille qui préférerait être à ta place"
"Qui veut être assise sur le sol, transparente pour les autres et sans souvenirs?"
"Moi."
Qui aimes ça? Pourquoi aime-t-elle ça?
"Je veux être transparente pour les autres pour éviter les coups, qu'on m'oublie même une journée, juste vivre sans avoir peur de la douleur, être dans ton état c'est simplement une erreur, une chose qui n'est pas de ta faute"
"Ce n'est sûrement pas de la tienne non plus"
"Si. Je devrais changer, être comme ils veulent que je sois, une fille normale, modèle mais non, j'ai préféré m'engager dans un réseau de prostitution... au fond rien est mauvais, juste tu baises et tu as de l'argent, c'est simple, nous avons un plutôt beau corps pourquoi devoir le cacher? Pourquoi ne pas jouer avec? Les gens pensent que nous ne nous respectons pas mais je pense le contraire, nous connaissons notre valeur, mais les idéologies sont tellement pudiques que quand nous sortons de ce lot nous sommes des putes sans valeur. Cela ne m'étonnerait pas que tu penses la même chose et à vrai dire je m'en fiche un peu. "
"Tu fais ce que tu veux tant que tu ne me forces pas à venir avec toi."
"Ne t'inquiète pas je ne t'ai pas donné des vêtements pour ensuite t'emmener."
Un léger sourire dans sa direction et un silence s'installe entre nous
"Tu m'excuseras mais j'ai un client à aller voir."

Puis elle part simplement... je suis à la place des sdf, on ne fait pas attention à eux, j'étais comme ces hommes qui marchent devant moi. Alors je me relève et avance vers la première gendarmerie que je vois.

Il faut que je vive.

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