Il y avait cette enfant, bien loin de tout ce bruit, qui se cachait, apeurée, triste et sans repère.
Elle vivait ce monde brutal, du haut de ses huit ans, au bord de la route, complètement seule et sans assez de conscience pour se rendre dans des lieux adaptés.
Elle n'avait pas ce recul, cette connaissance également, elle n'avait rien de ce qu'ont les adolescents entourés et les adultes actuels.
En attendant la prochaine minute, heure, le prochain jour et la prochaine année, elle vivait cachée.
Elle avait développé déjà à son âge, des sens et une intelligence que peu possédaient de par leur parcours normal.
Elle voyait tous ces gens courir pour rejoindre leur lieu de travail le matin et leur habitation le soir. Elle; ne courait qu'à de rares occasions; que lorsque sa vie en dépendait: lorsqu'elle était poursuivie car voleuse, car délicieuse aux yeux de certain(e)s, car vulnérable, car attractive, car porteuse d'argent insoupçonné mais également car enfant.
Chaque minute en vie était un miracle.
Elle en avait vu du monde. Il y avait des sdf, comme elle, des chiens errants car abandonnés, également comme elle, des dealers, des acheteurs, des prostitué(e)s qui avaient, pour certain(e)s, une vie aussi dérisoire et lamentable que la sienne. Il y avait également des violeurs(ses), des meurtriers(ères), des drogué(e)s, des violé(e)s. Le monde entier était passé devant ses yeux. Ces petits yeux, qui au fil des années n'étaient plus innocents.
Le monde entier n'y était pour rien, elle avait connu pire, une fois, lors de son anniversaire, six années sur terre, un homme, grand, moustachu, qui sentait la drogue à plein nez, les yeux presque clos et rouges, la langue pendue de plaisir. Cet homme qui, sans gêne, passait encore et encore sa main sur son pantalon l'avait interpellée alors qu'elle passait simplement pour rejoindre sa cachette car la nuit tombée.
Le fillette n'eut le temps de réagir.
Elle s'était assise, ne bougeait plus ou ne pouvait plus bouger. Son regard s'était perdu sur le dernier passage du tramway.
Fatiguée, la fillette alors âgée de huit ans, regarda le dernier passage du tramway, à la même place depuis deux ans. Elle pleura, encore et encore puis courut.
Personne ne sut donner un nom, personne ne vint, personne ne la vit, puisque défigurée.
Personne ne la connaissait et personne ne pourrait la connaître.