Chapitre IV.

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   Le cauchemar. Mon meilleur ami qui me dominait, ses cheveux humides plaqués sur son front, ses yeux noirs plantés presque sauvagement dans les miens, ses doigts fins qui serraient mes poignets afin que je ne puisse pas me débattre. Le plus horrible dans tout ça n'était même pas la mauvaise blague de mon dongsaeng mais plutôt l'effet qu'elle me produisait.
   Il eut un rictus puis un rire moqueur qui résonna dans mes oreilles. J'aurais dû rire moi aussi mais je n'en avais aucune envie. Au contraire, je ressentais un sentiment de vide, comme un gouffre qui m'engloutissait. Étais-je déçu que ce ne soit qu'une blague ? Je ne comprenais pas moi-même.
   ⎯ Nam ?
   Je sortis de mes pensées, m'apercevant que je n'avais pas bougé d'un poil, que mon regard était toujours littéralement suspendu au sien et, à la vue de son expression troublée, j'en conclus que la mienne devait l'être tout autant.
   À ma plus grande surprise, sa main caressa ma joue avec tendresse et il se mit à sourire. D'ordinaire, nous nous taquinions sans cesse, passant par des surnoms presque blessants aux coups, quant à eux toujours très amicaux. Jamais l'un de nous n'avait tenté la moindre approche autrement que par l'amusement.
   ⎯ Eh... Je plaisantais, détend-toi...
   C'était indéniable : il était gêné. Est-ce normal de le trouver mignon dans ce genre de situation ?
   Il précisait pour la première fois depuis le début d'une longue relation qu'il plaisantait. Je me sentais vraiment tout chose à cet instant.
   ⎯ J'ai été trop loin... ?
   Oui Kookie. Bien trop loin.
   ⎯ Je t'ai... Fais marcher !
   Son expression tendre et inquiète changea du tout au tout.
   ⎯ Abruti ! J'ai cru que j'avais fais une connerie !
   Tu en as fais une. Il y a bien longtemps.
   ⎯ Ferme-la, j'ai mal au crâne.
   Il se retira et fouilla dans la poche de son manteau à la recherche de je ne sais quoi. Une fois qu'il eut trouvé, il sortit l'objet et l'éleva fièrement.
   ⎯ J'ai tout ce qu'il faut, Paracétamol, Capotes, un vrai pharmacien !
   Je riais de bon cœur bien que ma tête me fasse réellement souffrir. Il partit un instant et revint avec deux verres d'eau. Nous prîmes chacun notre médicament avant de s'étaler sur le lit comme deux patachons. Après tout, ce mot nous décrivait bien. Deux hommes qui travaillaient peu, s'amusaient et buvaient, rentraient tard le soir et dormaient autant qu'ils le souhaitaient. Tout JungKook et moi. À l'exception de notre travail, nous avions vraiment des vies similaires.
   Là, tranquillement allongé sur le lit à ses côtés, j'avais envie de lui poser cette question qui me brûlait les lèvres.
   ⎯ Kook. Pourquoi tu te prostitues ?
   Je connaissais ce silence et je le craignais. Voilà pourquoi jusqu'à présent je n'avais pas osé lui demander.
   ⎯ J'dois gagner ma vie.
   Je savais qu'il mentait. Je savais toujours lorsqu'il mentait. Je le connaissais trop bien, lui et ses mensonges.
   ⎯ C'est simplement pour l'argent ?
   ⎯ C'est bien suffisant.
   ⎯ Tu ne fais pas ça par plaisir ?
   Sa gorge se noua, ça lui arrive lorsqu'il est tendu. Mes questions l'embarrassaient mais j'étais devenu bien trop curieux.
   Au fond, j'avais envie de lui dire qu'il n'avait pas à faire ça. Que de l'argent, je pouvais lui en donner, moi. Mais je savais qu'il se braquerait, qu'il se vexerait. J'étais le seul qui acceptait sa "profession", qui ne lui en parlait pas, qui ne cherchait pas à s'immiscer dans sa vie privée ou savoir comment tout cela se passait. Il devait m'en être reconnaissant alors je ne cherchais pas de réponses... Jusqu'à maintenant.
   ⎯ Le plaisir dépend de la personne qui te le procure.
   Cette phrase, courte et claire, je m'en souviendrai toujours. Elle me travaillait. J'y repensais souvent après notre conversation et c'est à la suite d'une autre cuite en compagnie de Junjun que je me souviens avoir explosé de rire avant d'hurler dans le bar où nous étions :
   ⎯ Jamais j'procurerai le moindre plaisir, ma bite à moi, elle est trop p'tite !
   R.i.p dossier secret. Merci fidèle gueule de bois. En y repensant, je voudrais m'enterrer, croulant sous la honte.

P'tite Bíte.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant