Le Relk : Sous les Légendes (part.1)

Jour 5 : Partie 1 : Présentations

   Plus on avance dans les terres du Relk, plus le soleil est étouffant et l'air sec. Mon sac pèse de plus en plus lourd, mes jambes aussi, je commence à me demander si le Relk ne cherche pas à avoir ma peau.

Debout à l'aube, notre groupe est parti de l'hôtel de bonne heure pour entreprendre une longue marche harassante jusqu'aux abords de la ville de Cryl. Nous nous trouvons désormais à l'entrée d'une forêt, qui ne me rassure que trop peu. À mes côtés, Lou la surveille du coin de l'œil pendant que la mono nous donne quelques instructions.

- La forêt que nous allons traverser s'appelle le Bois-Dormant.

- C'est une blague ? lâche Aly en gloussant.

- Pas du tout. Et pour la traverser, je vous ai réservé une petite surprise.

Je me retourne pour échanger un regard avec les gars, et vois Shan hausser les sourcils.

Sans attendre, nous nous mettons en route vers la fameuse surprise, qui se situe à une bonne heure de marche dans la forêt.

Scrutant le moindre mouvement, je prends la suite du groupe et m'engage sous les arbres denses du Bois-Dormant. Qui diable a donné le nom à cette forêt ? Souriant à ce surnom ridicule, je croise le regard de Hazel, qui m'envoie un baiser volant en rigolant depuis l'autre bout de la file que nous formons entre les arbres. Devant le retour des images de mon sommeil, je baisse la tête, le rouge aux joues, et entreprends de regarder où je mets les pieds. Des racines fourbes mouvantes tentent de nous faire des croches-pieds, des fougères et toutes sortes de plantes grimpantes nous font barrage  en s'accrochant à nos jambes et nos cheveux, mais nous sommes bien déterminés à avancer. J'échange un regard moqueur avec Amaël en voyant au loin Keziah tomber, entraînant Lindsay dans sa chute.

Ainsi, après une bonne heure de marche, nous arrivons dans une espèce de petite clairière aménagée. Dans l'ambiance d'être en pleine jungle (je l'assure, ce bois ressemble traits pour traits à une jungle), nous ne remarquons pas les bestioles qui se tiennent devant nous. Ce n'est que lorsque l'une d'elle se décide à faire une sorte de hennissement proche d'un hurlement félin aigüe, que nous posons les yeux dessus. Eileen, fière d'elle, s'approche des responsables du lieu tandis que Marco nous réunit.

- Ces bêtes, là, ce sont des Chamoils, affirme-t-il.

Je les observe d'un œil consterné.

Ces créatures sont magnifiques. De couleurs extrêmement variées, elles se tiennent sur quatre pattes, et ont une certaine ressemblance avec les chevaux que nous connaissons. Seulement, leur tête est beaucoup plus grosse et contient deux immenses cornes qui s'entortillent autour de leur cou, comme des immenses anneaux. Leur peau, sans poils, semble douce et reflète une brillance surnaturelle. Leurs yeux sont d'un gris translucide, et une pupille noire laisse filtrer quelques fibres de couleur à l'intérieur. Leur queue, immensément longue, parcourt lentement l'air en laissant sur son passage des trainées de poussière d'or.

Captivé par leur beauté, je n'entends pas les conseils de Marco à l'égard de ces bêtes.

- Il a dit quoi? je demande à Shan.

- On va monter ces bestioles pour traverser la forêt.

Dès lors, je n'ai plus qu'une idée en tête : les chevaucher.

Alors que le groupe se réunit autour des monos et des responsables du lieu (deux femmes Lâmes au corps de cerf), Hazel s'approche de moi.

- Tu penses survivre à ça ? me demande-t-elle, espiègle.

- Et toi alors ? je riposte, un sourire en coin. Tu n'aura pas peur ?

Étonné de ma propre stupidité, je l'observe, priant pour qu'elle ne le prenne pas mal. Elle hausse juste les épaules.

Quel con.

- Léo?

Je me tourne vers Marco.

- Viens montrer aux autres comment on fait, me lance-t-il en indiquant les Chamoils au loin.

Je déglutis avant de m'extirper du groupe. Il sait très bien que je n'ai rien capté à ce qu'il a expliqué tout à l'heure, et il compte bien me le faire payer.

Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Alors je m'approche d'une des créature.

Un regard en arrière me laisse voir le sourire satisfait de Keziah, ce qui me pousse à aller interpeller l'animal plus loin.

Plus je m'approche, plus sa beauté m'éblouie. Il a des couleurs vertes et bleues, et les anneaux autour de son cou sont ambrés.

A mon approche, la créature lève la tête et plante ses yeux dans les miens. A ce contact, je m'immobilise.

Léoden...

Son étrange voix se répercute dans ma tête. Avec mon regard, j'essaie de transmettre un sentiment de tranquillité à la créature, qui s'approche alors de moi sans hésitation. Comme un con, c'est moi qui prend peur quand elle vient frotter sa tête contre mon torse pour flairer mon odeur et s'en imprégner.

Léo, Léo, Léo...

Cette voix me dérange sincèrement, alors je tente de m'adresser à la créature.

Bonjour, tu as un nom ?

Alors elle prend peur à son tour et s'écarte d'un geste brutal, comme si on l'avait attaqué. Étonné d'avoir réussi à communiquer avec elle, je m'accroupis instinctivement, les deux mains à plat au sol, sans la quitter des yeux.

As-tu peur de moi ? je lui demande.

Ses yeux reflètent une intelligence étonnante. Elle n'ose plus bouger.

Personne entendre Chamoils, personne parler Chamoils, me fait-elle entendre.

Alors la créature se soulève et, d'un bond fulgurant, fonce droit sur moi. Je l'évite de justesse, et lorsque je me retourne, elle a les deux pattes avant repliées au sol dans une posture de salut.

- Très bien, lance l'une des Lâme. Viens par ici, jeune homme.

Je retourne auprès du groupe, suivi de loin par mon Chamoil, que j'entends encore répéter mon prénom de temps à autre. Elle ne semble pouvoir parler que par mots intermittent.

Tu as un nom ? j'ose lui demander à nouveau.

Je ressens comme une... frustration émanant de la créature.

Chamoil ! crie-t-elle presque.

J'émets un rire, qui me vaut un regard d'interrogation de la part de la mono.

Je veux dire, un nom, comme moi c'est Léo. Les Chamoils n'ont pas de nom ?

Nous Chamoils.

Cette discussion ne rime à rien.

Tu en veux un, de nom ?

Je lui jette un coup d'oeil au loin. Elle me fixe intensément, visiblement en proie à un débat intérieur.

Cha, dit la créature au bout d'un long moment, et je souris.

Enchanté, Cha.