IV - 1 - d. Les paroles rapportées

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Les personnages des histoires sont des êtres de papier. Ils n'existent que par ce que le narrateur dit d'eux (descriptions, actions) ou par les paroles qu'ils sont censés avoir prononcées. Selon la manière dont le narrateur rapporte les paroles de ses personnages, cela produit des effets de sens différents. Il existe 4 manières de rapporter les paroles d'un personnage :

- le style direct : les paroles sont rapportées sans aucune transformation, encadrées par des guillemets (la typographie moderne tend à les supprimer pour alléger, comme en anglais), introduites par des verbes de parole (dire, demander, répondre...), et souvent caractérisées par la présence de la première et de la deuxième personne ainsi que du système des temps de l'énonciation. Les paroles du personnage étant respectées, on y retrouve son vocabulaire, ses tournures de phrases plus ou moins correctes, ses émotions. Généralement, cette manière de rapporter les paroles directement, plus fidèlement, rend le texte plus vivant et produit un effet de réel.

Ex. : dans Pierrot, de Maupassant : « Il répondit : "Vous croyez que j'vas apporter mes cordes, mes manivelles, et monter tout ça, et m'en aller là-bas avec mon garçon et m'faire mordre encore par votre maudit quin, pour l'plaisir de vous le r'donner ? fallait pas l'jeter." ». Ici, les paroles du puisatier sont rapportées directement de manière à rendre le texte plus vivant, mais aussi pour donner un effet de réel grâce aux tournures locales, au patois du paysan. C'est aussi une manière pour le narrateur de marquer sa distance avec les paroles de ses personnages, et éventuellement son désaccord face à l'avarice normande.

- le style indirect : les paroles sont intégrées au récit. Elles sont introduites par un verbe de parole et sous la forme d'une subordonnée conjonctive (introduite par « que », « si », « comment »...). Les temps s'alignent sur ceux du récit, et les première et deuxième personnes disparaissent au profit de la troisième personne. Cette manière de rapporter les paroles indirectement confond les prises de paroles des personnages avec leurs actions, accélérant parfois le récit. Les particularités langagières du personnage se retrouvent donc neutralisées par le narrateur.

Ex. : transformation d'un passage de Pierrot, de Maupassant : « Le puisatier répondit qu'il n'allait pas apporter ses cordes, ses manivelles, monter l'ensemble et aller dans la marnière avec son garçon pour se faire mordre par son chien pour le plaisir de lui redonner. Il ajouta qu'elle n'aurait pas dû le jeter ». Au style indirect, les paroles sont alignées sur les actions et quelque peu neutralisées par le narrateur. La voix du personnage et celle du narrateur se confondent, leurs manières de parler également. C'est au lecteur de prendre de lui-même ses distances avec ce qui est dit pour juger les personnages.

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