F - Fable

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Les Tourments de l'homme au parapluie


Mycroft Holmes à la fenêtre penché
Tenait en ses mains un parapluie.
Son jeune frère, par la chicane alléché,
S'approcha de lui sans un bruit.

« Mycroft,
La lueur qu'envoie ton regard assurément
N'a rien à envier aux statues antiques,
Et je ne dis point cela pour leurs traits charmants
Mais bien, mon frère, pour leurs airs pathétiques.
Peut-on savoir ce qui te trouble de la sorte?
Non, ne parle point, j'ai déjà mon idée :
Il s'agit d'un inspecteur qui n'a point la langue morte
Et à la face duquel tu jetas l'heure passé
Une remontrance aussi sèche qu'injustifié
Qui lui arracha, à mon surprenant regret, quelques larmes cachées. »

À ces mots, Mycroft pris la mouche, et répondit vertement :
« Il n'y a rien que tu dises qui me touche,
Je te l'en vais démontrer à présent.
L'inspecteur Lestrade, par une curieuse fantaisie
S'était, il semblerait, à ma personne attachée.
Aimer n'est pas un avantage, je l'ai assez asséné.
Et si la fourberie est parfois mon chantier,
Il m'a semblé, à cette occasion, qu'une preuve d'honnêteté
Me débarrasserait plus efficacement de ces pénibles assauts.
Ainsi je n'ai fait qu'obéir à la plus parfaite des raisons. »

Sherlock, en l'entendant, s'écria : « Que tu es sot !
Ne vois-tu point Mycroft, qu'à propos de la passion
Nous nous sommes tout deux fourvoyés, et bien plus que de raison ?
Je conçois ton esprit, j'ai entendu ton conseil,
Et pourtant bien mal m'eut pris d'ignorer la chanson
Que murmura mon cœur, lorsqu'il entama son réveil,
Et m'apprit que parmi les hommes,
J'étais moi aussi humain,
Et qu'il n'était plus grande force en somme
Que la faiblesse d'aimer son prochain.
Entends mes rires, scrute mon esprit
Constate qu'à Baker Street, j'ai enfin une maison !
Cela ne tient qu'à un seul ami,
Oserai-je le dire, mon bonheur ne tient qu'à un seul nom.
Fi des démons, Mycroft, écoute enfin ton cœur,
Et avoue que si tu éloignes de toi les gens
C'est bien que tu as peur. »

À cette tirade, Mycroft voulu se montrer intransigeant,
Balayer d'une phrase son insupportable cadet,
Et avec lui tous ses tourments.
Pourtant de sa bouche ne sortit pas le moindre sonnet,
Pas la moindre phrase, pas le moindre chant.

Si Mycroft était muet, c'était la faute de son cœur :
Cet organe si inconvenant s'était mis en tête
De le noyer d'amertume, jusqu'à ce qu'il en meurt.

Il quitta son frère, et partit aussitôt en quête
D'un endroit où s'oublier, d'un lieu sec et glacé
Ou il pourrait par le silence
Étouffer les cris qu'il ne pouvait lancer
Et qui lacéraient de leur triste persévérance
L'intérieur de son être, de son âme, de sa chair,
De ce visage humain sous le masque tant craint.

Une silhouette soudain secoua ses pensées amères.
Un homme au regard incertain,
Immobile au milieu des passants.

Mycroft eut put garder silence
Et passer sans perdre de temps,
Mais il voulut tenter sa chance,
Et enfin oser offrir de son temps.

Grand bien lui en prit,
Puisqu'il trouva, à son profond étonnement
Que le bonheur n'a qu'un prix :
Celui de l'isolement.

La morale de cette histoire,
Mes très chers enfants,
Et qu'aimer vous fera haïr des moires
Et portera les pires tourments,
Mais qu'il n'y a meilleurs antidote
Contre le mal le plus persistant
Qu'incarne la solitude
Et la peur de se laisser aller à être heureux
Finalement.

ABCD... Mystrade (OS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant