R - Retraite

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Grégory sourit à Yassim – son petit protégé – qui se rengorgea, fier comme un paon, en guidant son coupable dans le fourgon.

-Vous avez vus, commissaire ! s'écria-t-il, toujours emporté par l'enthousiasme juvénile qui faisait sa renommée. Je l'ai arrêté tout seul, cette fois ! J'ai même pas eu besoin de vous !

-C'est bien, râla Gregory pour le taquiner. Dit tout de suite que je suis un vieux croulant...

Derrière, Anderson ricana. Mais vu qu'il n'avait pas évolué d'un grade en plus de quinze ans, personne ne fit même semblant de lui porter attention.

-Allez, les enfants, lança Greg à la ronde. La journée est terminée ! Je veux tous vos rapports demain sur mon bureau !

Ses agents protestèrent pour la forme, puis abdiquèrent dans la bonne humeur, et se retirèrent en se donnant des claques dans le dos, en félicitation du travail accomplit.

Greg refusa les invitations à boire un coup. Il avait autre part où aller...

Il s'étira, faisant douloureusement craquer ses articulations. Il le disait beaucoup pour rire, mais il faudrait bien qu'il finisse par l'admettre : les planques n'étaient vraiment plus de son âge. Alors qu'il dépassait Yassim, il se surprit soudain à penser, satisfait, qu'au moins, la relève était assurée.

La relève.

Une fois insinué dans son esprit, le mot refusa catégoriquement de le laisser tranquille. Il passait et repassait dans sa tête, déployant sans complexe toutes ses implications. Greg soupira, et héla un taxi. Il n'avait pas vraiment envie de marcher jusqu'au club Diogène.

Le majordome le fit entrer sans poser de question. Il était habitué, à présent, il n'avait plus besoin qu'on le guide dans ces couloirs silencieux comme la mort. En fait, il ne l'avouerait jamais à personne, mais il en était presque venu à aimer le club Diogène. Après tout, il était associé à une certaine personne cher à son cœur...

Il poussa la porte du bureau sans frapper. Il était pile à l'heure, Mycroft savait que c'était lui, il s'était arrangé pour ne pas avoir de rendez-vous.

Greg entra dans la pièce sans faire de bruit, et referma le battant dans son dos. Mycroft était penché sur un dossier qui lui faisait arborer un air concentré.

Le policier profita de l'instant pour le contempler à son aise.

Le temps avait été clément avec lui. Certes, sa posture si droite s'était légèrement voûté, et il avait pris – à son plus grand désespoir – un peu de poids, mais Gregory le trouvait toujours beau à mourir. Ses cheveux noirs étaient devenus aussi blancs que les siens. Sa peau s'était parsemé de rides, beaucoup d'anxiété, mais quelques une – et il prenait pour celles-là l'heureuse responsabilité – de sourires. Avec toutefois un pincement au cœur, il s'aperçut que la main qui tenait le dossier n'était plus aussi ferme qu'avant, et que les yeux du redoutable politicien, s'ils étaient toujours aussi perçants, s'étaient légèrement voilés.

Mycroft écrivit quelque chose dans une marge, et referma le dossier.

Enfin, il releva la tête. Gregory sourit. Il ne pouvait pas s'en empêcher.

Mycroft se releva en s'appuyant lourdement sur son parapluie, et s'approcha de lui. Greg le saisit par la taille, et posa sur ses lèvres un baiser aussi brûlant qu'au premier jour. Non, plus. Ils avaient laissé derrière eux les affres de l'incompréhension et de l'emportement, pour atteindre cet état secret où se trouvent les vieux amants qui se comprennent sans se parler, comme si, à force de rester côte à côte, leurs êtres s'étaient emmêlés.

Greg songea à Sherlock et John, en train de cultiver des abeilles quelque part, dans une petite maison du Sussex.

-Mycroft, souffla-t-il avec une infinie tendresse. Darling...

-Oui, Gregory, le coupa son mari avant qu'il ait pu finir sa phrase. Je pense qu'il est temps, moi aussi. Laissons le monde tourner sans nous. Partons, tous les deux, juste toi et moi, jusqu'à la fin... Partons à la retraite. Quelque part.

-Où tu voudras.

Un baiser clôtura cette phrase, scellant l'instant d'une vague de tendresse, de nostalgie... Et d'excitation.

Je finirai ma vie avec toi, songèrent-ils ensemble, sans avoir besoin de l'exprimer par la voix.

ABCD... Mystrade (OS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant