Broken [En Réécriture]

Jamais tranquille

Après avoir fini de déjeuner, John et Jennie sont partis au lycée. Je voulais aussi y aller, mais ma mère a préféré que je reste à la maison pour me reposer. Et ce n'est peut-être pas si mal. Je me sens encore si fatigué à cause de ces derniers jours, et je ne pense pas être prêt à me confronter aux autres élèves de ma classe. Désormais, je ne suis plus seulement le gars qui a essayé de se suicider, la presse a fait de moi « le pauvre gamin kidnappé par son père pédophile ». Le pire étant que, pour les habitants de cette stupide petite ville, je serai sûrement toujours cette personne à partir de maintenant.

Mais ce n'est si grave que ça en a l'air, dans deux ans je serai majeur et je pourrai enfin partir d'ici. Je m'imagine déjà dans un magnifique appartement avec vue sur la mer à Nice, ou dans n'importe quelle autre ville du sud, assis tranquillement sur mon canapé à regarder la télé avec John, puis à cuisiner avec lui, et finalement à dormir dans ses bras. Cela semble tellement beau, comme un rêve sans fin. Mon amour pour lui me redonne l'envie et la force nécessaire pour me battre contre ce monde si horrible, il est ma lumière dans les ténèbres, et à ses côtés, rien n'est plus impossible. Je me sens un peu stupide de ressentir tout cela au début d'une relation, mais après tout, comme un célèbre chanteur l'a dit, l'amour fait ce qu'il veut.

Après quelque temps à réfléchir dans ma chambre, ma mère m'a sorti de mes pensées pour que l'on fasse quelque chose ensemble. Et, même si j'en ai sincèrement envie, et que ça doit être très important pour elle en ce moment, j'ai refusé. Après la courte nuit que je viens de passer, et malgré le café que j'ai bu ce matin, je ressens encore le besoin de dormir quelques heures de plus. D'ailleurs, c'est ce qui a fini par se produire quelques minutes après qu'elle a quitté ma chambre. Mais, malheureusement, sans John mon sommeil n'est plus aussi paisible.

*

Je suis de retour dans cette horrible cabane dans la forêt. Mon père est en train d'avoir un orgasme, alors que je m'efforce d'ignorer la douleur. Puis il se retire violemment de moi, ce qui permet au sang de s'écouler le long de mes cuisses. Pendant que je tente de me dissocier pour rejoindre en vain mon monde, il part dans la salle de bain pour se nettoyer, avant de revenir avec des vêtements chauds sur lui. Sans se soucier de moi, il sort alors de la cabane en me laissant seul ici, attaché et sale sur le lit. Il pense juste à me dire qu'il doit aller chercher quelque chose dans la voiture, avant de se mettre à rire. Ce qui ne me rassure pas du tout.

Quelques minutes plus tard, je le vois revenir, accompagné. Je reconnais aussitôt la personne qui est avec lui, c'est John ! Du sang coule d'une blessure à sa tête, et il ne semble vraiment pas bien. Je suis très inquiet pour lui, mais j'ai surtout peur de ce que mon père va lui faire. Et, malheureusement, j'ai rapidement ma réponse quand il lui demande de se déshabiller, tout en le menaçant avec une arme. Il ne peut pas faire ça ! Pas à John ! Je dois l'en empêcher ! Mais les nœuds qui me retiennent immobiles sont bien trop serrés pour que je puisse les détacher. Désespéré, je tente quand même de tirer dessus, tout en suppliant mon père de ne rien faire. Mais il se contente juste de rigoler, avant de se jeter sur mon ami. Puis il commence.

J'entends John crier et vois la souffrance sur son visage, ce qui me pousse à détourner le regard. Je m'en veux d'être aussi lâche, mais je ne peux pas regarder mon père le faire souffrir tout en sachant que je ne peux rien faire pour l'en empêcher, c'est trop douloureux. Quelques instants plus tard, je l'entends pleurer, ce qui me brise le cœur et fait aussi couler des larmes le long de mes joues. Je me force alors à relever la tête vers lui, je ne veux pas qu'il ait à traverser cela tout seul. Mais ce que je vois est beaucoup trop horrible. Mon père accélère et, comme pour moi, le sang finit par couler le long des jambes de l'homme que j'aime. Il me regarde et souris, je sais qu'il fait exprès de lui faire mal pour que je souffre, ce qui est insupportable ! Je m'énerve et commence à crier comme je ne l'avais jamais fait auparavant, tout en tirant de toutes mes forces sur les cordes qui finissent par céder. Puis je cours vers John le plus rapidement possible, mais c'est trop tard, mon père l'a déjà tué.

*

Je me réveille en criant, les larmes aux yeux, dans ma chambre. Ma mère a dû m'entendre pendant mon sommeil, parce qu'elle est déjà assise sur mon lit et me prends dans ses bras pour me réconforter. Mais c'est la deuxième fois que je vois mon père s'en prendre à John dans mes rêves, et ça devient vraiment difficile à supporter. D'autant plus, que j'ai vraiment peur qu'il lui fasse vraiment du mal dans la réalité. Pourquoi n'est-il pas mort ? Même s'il va en prison, dans quinze ou vingt ans il sera sûrement sorti, peut-être même moins s'il a une bonne conduite. Et quand cela arrivera, il pourra s'en prendre encore à moi, ou à mes proches. Il ne me laissera jamais tranquille, et que ce soit mes amis ou même ma future famille avec mes futures enfants, aucuns d'eux ne sera en sécurité. Je cesse de pleurer et me pétrifie quand je réalise tout ça, jusqu'à ne plus respirer du tout.

– Michaël ?

La voix de ma mère semble lointaine, mais je peux sentir son inquiétude. J'ai l'impression que je vais réellement mourir cette fois-ci, c'est comme si j'avais une crise d'angoisse, mais multiplié par cent. L'air ne se contente plus de rejoindre difficilement mes poumons, c'est comme si quelque chose dans ma gorge l'empêchait complètement de rentrer. Je suis terrifié, je veux vivre maintenant, je veux pouvoir avoir une incroyable vie avec John. Mais rien de tout cela ne sera possible à cause de mon père, je ne pourrai jamais arrêter de penser à ce qu'il se passera quand il sera libéré.

– Mon cœur, tu dois respirer, s'il te plaît ! Tout va bien se passer, mais pour cela tu dois te calmer et prendre une grande inspiration.

J'essaye, mais rien à faire, c'est bloqué ! Ma vision s'assombrit petit à petit, ce qui n'arrange rien. J'essaye de parler pour prévenir ma mère, mais je n'y arrive pas non plus.

Mes yeux commencent à se fermer.

– Non ! Michaël, reste avec moi, s'il te plaît. Tu dois juste respirer, je sais que tu peux le faire. S'il te plaît !

Ma mère panique aussi, les larmes aux yeux. Je me concentre et utilise mes forces restantes pour lui parler.

– Je... t'aime...

Tout devient noir, et je me sens partir. J'ai peur, mais tout cela n'est peut-être pas si mal. Je vais enfin avoir le droit d'être en paix sans avoir à me soucier que mon père fasse du mal à quelqu'un, puisque, quoiqu'il arrive, il finira en prison. De plus, si je ne suis plus en vie, il ne pensera jamais à blesser les personnes que j'aime, et John sera en sécurité. Mourir est finalement la meilleure chose qui puisse arriver.