La confrontation

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C'est le grand jour, aujourd'hui je vais parler à mon père. Je suis terrifié, je ne suis vraiment pas prêt à le revoir. Mais le capitaine dit que, dans ce genre de cas, ça peut aider à faire avancer l'enquête que l'agresseur et sa victime se confrontent. Parce que c'est tout ce que je suis en fin de compte, une victime.

Hier, avec Sarah, nous avons un peu parlé de ça et, bien évidemment, elle me contredisait. Selon elle, je devrais plus me voir comme un survivant. Un survivant de cette vie horrible que j'ai eu, un survivant de ce que mon père m'a fait. Elle a aussi ajouté que seul une personne forte pourrait supporter tout cela, mais elle voulait sûrement me remonter le moral. Je ne sais pas comment elle pourrait voir autre chose qu'un être faible en me regardant. Après tout, si j'étais vraiment la personne qu'elle pense que je suis, pourquoi ne pourrais-je pas supporter cette vie ? Pourquoi voudrais-je l'oublier, ou encore pire, l'arrêter ? Parce que c'est ce que j'ai prévu de faire quand tout sera terminé avec mon père, l'arrêter. Pourquoi continuerais-je à vivre ? À quoi cela servirait-il ?

Bien sûr, je n'ai pas parlé de mes projets à Sarah. Je ne suis pas sûr que le secret professionnel soit valable dans ce genre de cas, et je ne veux pas risquer que qui que soit l'apprenne. Je ne veux pas faire souffrir ceux que j'aime, que ce soit mes amis, ma mère ou même Joanne, aucuns d'eux ne le mérite. S'ils doivent être tristes plus tard, autant qu'ils soient heureux pour le moment, même si pour cela ils ne doivent rien savoir.

Joanne s'arrête enfin devant le commissariat.

Ça va bien se passer.

Je ne cesse de me répéter en boucle cette phrase, mais je n'y crois pas vraiment. Depuis jeudi, j'ai essayé d'imaginer plusieurs fois ce qui pourrait arriver aujourd'hui, mais à chaque fois, ce n'était pas très rassurant.

Ça va bien se passer.

Je suis sûrement un peu trop inquiet. Si je reste calme, il n'y a aucunes raisons que ça se passe mal. Je prends une grande respiration et me le répète encore une fois.

Ça va bien se passer.

Nous entrons à l'intérieur du bâtiment et nous attendons dans la salle d'attente. Selon un brigadier, le capitaine à dû partir en mission d'urgence, mais il ne devrait pas tarder. Les minutes passent et, même si Joanne essaye à plusieurs reprises de lancer la conversation, sûrement pour m'empêcher de trop réfléchir, je n'ai pas très envie de parler. Alors, nous restons dans un silence acceptable pour un commissariat. Jusqu'à ce que, environ une demi-heure plus tard, nous voyons une équipe d'officiers, accompagnée du capitaine Thomson, franchir les portes avec plusieurs personnes menottées. Puis, après s'être rapidement changé, il s'approche de nous. Il a l'air fatigué et est blessé au visage, ça n'a pas dû être une mission facile.

– Bonjour Michaël, comment tu te sens ? Tu es prêt ?

– Oui, je crois.

– Très bien. Dans ce cas-là, je vais essayer de t'expliquer un peu comment la confrontation va se dérouler. Dans quelques minutes, quand ton père sera amené dans une salle d'interrogatoire, nous allons tous les deux le rejoindre. Tu ne risqueras rien puisqu'il sera attaché. Puis je vais vous poser quelques questions mais, peu importe ses réactions, tu ne devras en aucuns cas t'adresser à lui, c'est bien compris ?

Je hoche la tête. Ça risque d'être difficile, mais je vais devoir me contrôler.

– D'accord. Je ne pense pas que tu aies autre chose à savoir pour le moment, alors on se retrouve dans quelques minutes. Et surtout ne t'inquiète pas, même s'il continue à nier, avec ton témoignage et celui de ta mère, il n'a pratiquement aucunes chances.

Il repart aussi vite qu'il est arrivé. Je n'arrive pas à croire que mon père ne reconnaisse toujours pas ce qu'il a fait. Je suis sûr que je n'aurais jamais eu besoin de faire cette confrontation s'il avait avoué. Quand cessera-t-il enfin de me faire souffrir ?

Broken [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant