Chapitre 15 : La vengeance du caporal

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Reiner et Bertholdt, les deux survivants de la Titan Family, se tenaient adossés au mur dans leur position habituelle. À les voir, on aurait juré qu'il ne s'était jamais rien passé et que leur gang était encore au complet. Mais leurs regards n'étaient pas aussi sereins que ne le laissait entrevoir leur position décontractée.

Livaï et sa bande entrèrent à leur tour dans la cour après le petit-déjeuner et toute la cour se tût. Les regards des deux leaders solitaires s'étaient tournés vers Livaï sans pour autant que leur tête ne bouge. Livaï, tout en affectant dans sa manière de marcher un air décontracté, fusillait du regard les deux violeurs. Il allait les faire payer, peu importe la sanction prévue par Erwin. Il devait juste réussir à tuer les deux avant d'être arrêté pour que ça vaille le coup...

Eren tentait d'oublier tout ça en compagnie d'Armin et de Mikasa. Il voulait juste enlever toutes ces images de sa tête et faire comme si de rien n'était. L'évènement traumatisant resterait toujours là, mais il pouvait au moins se mentir à lui-même et continuer à vivre de son côté.

Les conversations reprirent peu à peu mais personne dans la cour n'oubliait complètement la tension électrique entre les plus grands caïds de la prison. Les principaux intéressés ne se quittèrent pas des yeux jusqu'au soir, au moment de rentrer dans leur cellule. C'était comme ça depuis deux semaines. Chacun s'attendait à voir les trois hommes se jeter les uns sur les autres et s'égorger mutuellement dans un bain de sang bouillonnant. Mais chaque soir, les détenus rentraient dans leur cellule avec la conviction que ce serait pour le lendemain.

Livaï avait déjà arrêté son plan d'action. Il avait passé ces deux dernières semaines à fabriquer un couteau à partir d'un gobelet de métal et d'une planche de son lit. Il avait réussi à briser un bout du gobelet et à aiguiser contre le mur de pierre de sa cellule la lame de fortune. Il s'était écorché de nombreuses fois dans l'opération. Mais il ne sentait pas la douleur, son esprit était trop occupé à réclamer vengeance. Il avait ensuite coupé à l'aide de la lame improvisée le manche de son couteau dans la planche de son lit. Un non connaisseur pourrait se dire qu'un manche est superflu, mais le militaire entraîné savait que sans manche sa lame risquerait de glisser sur la peau de ses ennemis en ne les blessant que légèrement, et ça il en était hors de question. Il devait les tuer du premier coup. Il n'aurait pas d'autre chance une fois que les gardiens l'auraient intercepté.

Ce jour-là, le couteau était prêt. Livaï avait testé sa solidité le matin-même et s'était estimé satisfait. Ce serait pour aujourd'hui. Il se dirigea sûr de lui vers la cour en tenant sa lame contre l'arrière de son avant-bras pour la dissimuler à ses ennemis jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour eux. Il ralentit le pas en apercevant Reiner et Bertholdt. Il ne devait pas changer son attitude ou ils s'en rendraient compte et ses chances seraient compromises. Il était seul aujourd'hui. Il avait distancé ses amis en sortant du réfectoire. Il se dirigeait d'un pas lent mais régulier vers les deux lascars.

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Eren était à son spot habituel avec Mikasa et Armin. Il vit le caporal se diriger de son pas habituel vers son banc. Mais quelque chose clochait : au lieu d'aller en ligne droite comme d'habitude, sa trajectoire décrivait un petit arc de cercle, le faisant se rapprocher dangereusement de ses ennemis. Le jeune détenu plissa les yeux, attentif au moindre mouvement de son amant.

Il va quand même pas... ?

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Ils étaient là : ses proies. Le caporal contint un sourire carnassier. Quand il fut à 5 mètres de ses futures victimes, il changea brusquement de direction en un sprint meurtrier. Une fois à moins d'un mètre il sortit sa lame et bondit sur le plus proche des deux hommes, Bertholdt. Avec la rapidité de l'éclair, sa lame taillée grossièrement s'enfonça dans la jugulaire du grand brun. La peau du cou ne lui opposa pas plus de résistance que du beurre. Sa victime s'écroula dans un râle silencieux.

Loin de s'arrêter là, Livaï se fit un devoir de tourner le couteau dans la plaie pour s'assurer d'avoir complètement tranché l'artère. Quand il retira le couteau de fortune, le sang en provenance du coeur de sa proie se mit à pulser violemment hors de son corps, passant par la déchirure béante créée par la lame irrégulière. Tout ça s'était passé trop rapidement pour que quiconque dans la prison n'ait eu le temps de comprendre, encore moins d'esquisser le moindre mouvement pour l'arrêter, y compris Reiner qui se trouvait pourtant à moins d'un mètre des deux belligérants.

Lorsque Livaï se releva enfin, couvert du sang d'un Bertholdt convulsé de spasmes, son regard se porta immédiatement sur Reiner. L'éclat dans ses yeux indiquait qu'il était loin d'en avoir fini. Il ne s'arrêterait qu'une fois ses deux ennemis morts à ses pieds. Reiner, désarmé et désormais seul, esquissa un prudent mouvement de recul en tendant ses mains paumes vers l'avant en signe de paix.

"Oi, calme-toi..."

"C'est toi que je vais calmer... et définitivement."

Un rapide coup d'oeil autour de lui permit au caporal de comprendre qu'il lui restait moins de cinq secondes pour agir. Les gardiens s'étaient déjà mis en mouvement, matraque en main, prêts à s'en servir dès qu'ils seraient sur lui.

Sans plus attendre, il saisit Reiner par le bras pour l'attirer vers lui et planta sa lame sur le côté de son cou, avant d'ouvrir sur la gauche jusqu'à l'autre côté. Il relâcha un Reiner hoquetant, étouffant dans son propre sang, la gorge grande ouverte. Ce ne fut qu'à ce moment, lorsqu'il regarda les deux hommes en pleine agonie, qu'il consentit enfin à lâcher son couteau. Avant même que les gardiens n'aient pu l'atteindre, il se mit à genoux, mains sur la tête, totalement prêt à coopérer.

Les gardiens, peu habitués à ce genre de comportement, s'arrêtèrent et baissèrent les armes. Ils s'approchèrent prudemment, prêts à se défendre si un nouveau mouvement de folie prenait le prisonnier. Mike lança :

"Pousse le couteau loin de toi !"

Sans rien répondre, le caporal obtempéra. Voyant qu'il ne représentait plus une menace, Mike fit signe à ses subordonnés de menotter l'assassin. Livaï se laissa faire, le regard totalement rivé au sol. Sa mission accomplie, il avait perdu toute étincelle de folie et d'agressivité.

Ce fût un tout autre homme qu'ils emmenèrent, sous le regard médusé d'Eren, qui n'avait pas bougé d'un pouce. Il avait observé toute la scène, tremblant et immobile, incapable de réagir. Peut-être était-ce parce qu'au fond, il voulait que Livaï aille jusqu'au bout. Il était habité par deux sentiments contradictoires à cet instant : le soulagement d'être vengé, d'arrêter de vivre dans la peur, et l'angoisse que la menace d'Erwin ne se réalise. Les mots du directeur de la prison prirent bientôt le dessus et résonnèrent dans sa tête comme un écho entêtant : "Peine de mort."

Riren - CaïdOù les histoires vivent. Découvrez maintenant