ROSA RENCONTRE VIANNEY

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Image de Rosa jeune

Résumé : Bianca a dit oui à Vianney. Elle a demandé sa dispo à l'hôpital. Elle s'apprête à sauter le pas... 

Rosa 1985

Çà fait plus d'un mois que je suis clouée à l'hôpital. C'est long ! Le personnel est aux petits soins pour moi, mais je ne suis pas chez moi. Je ne suis même pas sûre d'y retourner, enfin chez Bianca ! Elle ne va pas pouvoir me garder, avec la petite en plus. Je devrais repartir chez Thérèse. Celle ci fait de la résistance en refusant de me voir malgré mon état de santé.

Ma fille règle ses comptes avec moi, un contentieux vieux de 50 ans. Elle est née d'un été dans les champs de blé, au cours de la moisson. Je me louais dans les fermes souvent pour la saison. Lui faisait de même. Il était beau, jeune, musclé. Nos sens étaient échauffés par le soleil, le travail, la promiscuité. Cela a été intense et bref. Il avait promis de m'attendre à Paris. Je ne l'ai jamais revu.Je n'ai gardé que son prénom.

J'ai caché ma grossesse en ville où l'anonymat est plus facile. J'ai inventé un père mort d'un accident. Bien sur, je n'étais pas mariée. A cette époque, il y avait moins de papiers et on ne déclinait pas son identité à tout bout de champ. Je me faisais appeler madame et çà suffisait pour me donner une respectabilité.

 La vie était rude pour une femme et sa petite fille. Nous n'avons pas toujours mangé à notre faim et nous avons vécu dans des soupentes infâmes ou des appentis avec juste de la paille. Je me faisais embaucher partout où on voulait de moi. Avec la grande crise, le travail ne courait pas les rues. J'ai exercé tous les métiers, ouvrière, bonniche, blanchisseuse... fille de ferme.

C'est encore à la campagne que je parvenais à me placer le plus facilement. J'étais dure à la tache et Thérèse a commencé à me donner un coup de main dès ses dix ans. C'est comme çà que nous avons échoué dans le nord, d'abord à la campagne puis en ville. Les mines, les corons, les usines textiles. Il y avait de l'ouvrage et de quoi se loger. Chichement !! 

Thérèse était assez grande pour ramener un salaire, elle aussi. C'étaient les lendemains de la guerre, la pénurie était générale et seules, la débrouille et l'entraide, nous permettaient de manger à notre faim. Notre voisine était veuve et vivait avec son fils André qui était entré à la poste au guichet. Elle lui tenait son ménage et ils attendaient un logement plus grand.

Nous avons sympathisé. J'avais beau surveiller étroitement ma fille, ses hormones lui brûlaient le cerveau et l'entrejambe. Elle allait me ramener un polichinelle ou s'échapper pour se mettre à la colle avec un polak, voir pire. Je lui filais des beignes régulièrement pour la garder dans le droit chemin. Çà lui rendait la tête plus dure qu'autre chose. Il fallait agir vite.

C'est une idée qui nous ait venue, autour d'un café - un ersatz de café -, nous les deux mères. Unir nos enfants de gré ou de force. André avait un bon boulot et la sécurité de l'emploi. il était gros, laid et ennuyeux. Peu importe, ce n'est pas le physique qui vous donne de quoi manger. Surtout André était calme, docile avec sa mère et n'était pas coureur. Il ferait un bon mari !

De son coté, Thérèse était jeune, ni belle ni moche, mais courageuse et travailleuse. Elle avait les hanches et les bras pour porter et élever des enfants. ils allaient nous faire de nombreux petits. Et assurer nos vieux jours à toutes les deux.

André s'est plié avec joie aux injonctions de sa mère. Pour lui, le contrat n'était pas désagréable. Il était trop timoré et trop vilain pour trouver aussi bien tout seul. Thérèse s'est rebiffée, elle s'était entichée d'un ouvrier polonais et refusait de faire une fin avec André. Elle n'avait que seize ans.

BIANCA LA VIE AMEREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant