LE TESTAMENT DE NONA 2

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ll y a 6 mois en juin 1986


Nona

Cela a commencé par des douleurs au ventre, je me mets à gonfler. Le médecin parle de dérangement intestinal et prescrit des potions contre les gaz. Sans succès ! Je perds l'appétit et du poids. Je ne suis déjà pas grosse du départ, je deviens squelettique. Sauf mon abdomen qui reste proéminent comme une femme enceinte.

Mon teint vire au gris, je dors mal, mes os me font souffrir. Ma petite fille s'inquiète, fait venir plusieurs fois le docteur. Celui-ci m'ausculte attentivement comme d'habitude. Il augmente les antalgiques pour mes "rhumatismes" et me demande une prise de sang.

Je fais de l'anémie et une "hépatite" qu'il attribue à un calcul dans la vésicule biliaire. J'ai presque 82 ans, je suis trop vieille pour subir une opération. Il écrit une nouvelle ordonnance de piqûres antibiotiques et de vitamines. L'efficacité est très transitoire. Bianca s'obstine et profite d'un weekend pour appeler le service de garde et elle me fait hospitaliser.

J' y reste deux semaines. Je bénéficie d'analyses et d'examens radiologiques en tout genre. Le dernier cri : le scanner ! Il est sans appel ; mon foie est truffé de tumeurs, des métastases probablement. On ne sait pas trop d'où çà vient. Ils évoquent l'intestin, l'ovaire ou bien le rein ? De toute façon, il y en a partout, j'ai des vilaines petites cellules qui pullulent dans le péritoine, les deux poumons. J'en ai plein les os également... Je suis foutue !!!

Le spécialiste pense que Bianca, étant infirmière, est capable de tout encaisser. Il lui décrit la situation d'une manière très abrupte. Il ne me reste que quelques semaines, voir quelques mois. C'est certain : "Je ne verrai pas Noel." Elle parlemente, le supplie de pratiquer d'autres examens. N'y a-t-il pas un traitement, même expérimental ? Elle veut m'emmener à Paris. Malgré que le centre Oscar Lambret de Lille soit aussi renommé que Gustave Roussy ou Curie.

Mon état est incurable ; la chirurgie est inutile, il faudrait m'enlever la moitié de mes organes. Je suis trop vieille pour encaisser une chimiothérapie qui serait inefficace. Pas une once d'espoir ! Le professeur conseille à ma petite fille de me ramener chez moi et de me remettre aux bons soins du médecin de famille. Il saura traiter la douleur. En attendant que la mort vienne me délivrer. Ce qui ne devrait pas être très long.

De retour dans ma chambre, Bianca cache sa peine et tente de me rassurer. Comme si je ne savais pas à quelle sauce j'allais être mangée. Je fais semblant d'y croire pour qu'elle ne s'effondre pas. Je sais que la porte passée et refermée sur elle, les larmes et les sanglots vont la submerger. Il va lui falloir rentrer chez elle et tout annoncer à son amant.

Il est plus gentil avec elle depuis mon hospitalisation, il s'enquiert tous les jours de ma santé. Il ne lui fait pas de reproches sur ses négligences dans le ménage, les repas et le paiement des factures. Il se charge désormais de ces dernières et a augmenté les heures de la femme de ménage. Il a même embauché une jeune fille pour garder Rose après l'école et le mercredi.

Il vient me visiter le dimanche avec Bianca et la petite, les bras chargés de fleurs, de chocolats et de magazines. Ils dévorent les chocolats tous les trois - moi çà m'écœure - tout en me faisant la conversation. Il prend la peine de gâter également les infirmières et les aide soins pour qu'elles me choient. Elles font leur maximum. La nuit quand la douleur me tient éveillée, elles viennent me tenir compagnie, me raconter leurs petites misères en attendant que le cachet donné fasse effet.

Je les vois débouler tous les deux - Rose est à l'école - le lendemain du verdict, pourtant un jour de semaine. Je somnole à moitié, j'ai à peine touché à mon plateau et la fille de salle est venue me le débarrasser. En général, Bianca arrive vers quinze heures après avoir déposé sa fille à l'école, elle a trente minutes de trajet jusqu'à l'hôpital de Lille. Là, il est à peine quatorze heures. Vianney tient sa femme par l'épaule.

BIANCA LA VIE AMEREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant