Chapitre I : Clair Obscur

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          Ses doigts s'entremêlèrent aux mèches soyeuses de sa chevelure, se complaisant du chatouillement discret de ces fibres contre sa peau. À l'instar des vagues taquinant les pieds des baigneurs s'en approchant de trop près, elles caressaient ses phalanges en un millier de frissons. Il les avait observé des heures durant, surprenant la nuit les envelopper d'un voile sombre avant que le matin ne dévoilât leur couleur chocolat. Sa lumière leur donnait des reflets roux et Yoongi se plaisait à observer les rayons timides du matin déposer des grains d'or entre ses doigts. Ses paupières clignaient à peine, ses yeux friands de capturer chaque seconde de cette beauté éphémère – conscients qu'il suffisait d'un geste pour les voir s'envoler. Son estomac se noua légèrement sous la brûlure délicate du soleil sur son échine. Maintenant, l'orbe de feu commençait à se lever dans le ciel, cet instant volé n'était plus dissimulé par le manteau de la nuit, alors il devait l'écourter. La fatigue qui l'avait jusque là épargné sembla s'abattre soudainement sur lui, alertée par l'arrivée de l'astre du jour. Ses paupières lui paraissaient tellement lourdes qu'il ne désirait plus que les clore un moment, laisser ses membres engourdis baigner dans un sommeil profond trop souvent négligé ces derniers temps. Pourtant, le voilà les yeux grands ouverts, subjugué par ce corps endormi tout près du sien. Son pouce s'attarda un instant sur sa joue, retraçant le contour fin de son visage. Elle avait l'air si fragile à l'instant, si belle et insouciante. Ses lèvres n'affichaient peut-être aucun sourire, mais la quiétude de ses traits traduisait un bonheur que l'homme n'avait jamais su lui offrir. Et le bonheur lui allait si bien au teint qu'il regrettait ne pouvoir l'en maquiller de manière permanente. Ses mains quittèrent finalement son visage tandis qu'elles se joignirent sous sa joue en un oreiller fictif. Un soupir lui échappa. Sa beauté lui semblait si irréel que le veilleur se croyait en plein rêve. Comme il aurait voulu que celui-ci fût sans fin...

Ne pouvant résister à la tentation de la sentir contre lui, ses lèvres se rapprochèrent lentement des siennes alors que les voiles surmontant les miroirs de son âme se scellaient enfin un moment. Le jeune homme hésita à quelques millimètres de distance, sachant son acte malhonnête. Profiter de son impuissance actuelle aurait été déloyal. Mais tel un cleptomane sous le couvert de la lune, l'homme ne sut s'empêcher de lui voler un baiser. Son cœur implosa au doux contact de sa bouche retrouvée. Un courant électrique parcourra l'entièreté de son corps, alimentant son organe cardiaque qui frôla la surchauffe. Son esprit se vida complètement, la moindre de ces noires pensées aspirée entre ces lèvres chaleureuses. Yoongi se sentait bien là, tout de suite. L'espace d'une seconde, ce dernier put se vanter d'avoir tromper le temps. Il savoura ainsi l'éternité avant de permettre à l'horloge de reprendre sa course en s'éloignant. Son regard s'attarda sur elle une dernière fois avant qu'il ne se redressât complètement. Le sol froid contre la plante de ses pieds lui fit recroqueviller les orteils tandis que l'arrière de sa main frottait d'un geste las ses yeux fatigués. Un bâillement lui échappa qu'il ne prit pas même la peine de dissimuler. Prêt à quitter la pièce, Yoongi n'eut l'occasion d'accomplir sa volonté puisque des bras vinrent encercler sa taille, le faisant sursauter. Le veilleur devait vraiment être éreinté pour n'avoir perçut le froissement des draps signifiant le réveil de sa femme. La honte lui serra la gorge, était-elle déjà éveillée lorsqu'il l'avait embrassé ?

« Où est-ce que tu vas comme ça un sam'di matin... Tu veux pas rester un peu plus longtemps au lit avec moi ?... »

La voix encore endormie de Yunhee lui arracha un frisson, tout comme les nombreux baisers qu'elle déposa ensuite le long de son omoplate. La chaleur de son étreinte le fit doucement succomber, jusqu'à l'en étouffer. Le jeune homme s'en dégagea d'un mouvement un peu trop brusque pour finalement se mettre sur pieds, son dos endolori par la mauvaise nuit qu'il venait de passer lui criant gare. Le muscle le maintenant en vie battait trop fort, regrettant déjà ce qu'il s'apprêtait à faire.

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