Il était dix-neuf heure, fin de journée pour elle, et Sophie referma la porte vitrée de la librairie. Elle en avait vu des clients aujourd'hui. Une mère de famille nerveuse, un vieil homme bavard qui s'était mis en tête de lui apprendre son métier, sans compter les suivants tous plus spéciaux les uns que les autres. Sophie aimait les livres, elle les adorait même, seulement passer ses journées entière à les conseiller aux habitants du quartier devenait parfois éreintant. Sans parler de ses collègues de travail qui ne lui correspondaient guère et qui transformaient ses instants de solitude en moments d'ennuis interminables. Courageusement, elle luttait tout de même pour garder la passion qu'elle avait depuis toute petite pour les rayons de bouquins aux odeurs de pages nouvellement imprimées. C'était une des seules choses qui lui restait de sa vie d'avant, de son enfance heureuse et naïve.
Thornhaugh street était plutôt déserte aujourd'hui. Et c'était comme si le vent avait profité de la place pour souffler violemment de son air froid sur le visage de Sophie. Les bâtiments de briques rouges se tenaient droits le long de la rue, les cabines téléphoniques flamboyantes perchées sur leurs trottoirs mornes semblaient sonner dans l'invisible, et c'est comme si chaque morceau du paysage voulait crier son appartenance à l'unique et légendaire capitale britannique, berceau de si nombreux contes de fée. Ses longs cheveux bruns volant derrière elle en une fanfare désordonnée, la jeune femme prit la direction de son appartement Londonien.
Sophie appréciait beaucoup ses trajets à pieds quotidiens. Elle disait souvent que c'était le moyen de se retrouver seule avec soi-même et de se laisser aller à toutes sortes de rêveries. Toutes sortes de réflexions qui ne venaient pas autrement. Marcher seule lui ouvrait les yeux sur le monde qui l'entourait, sur toutes ces choses étranges que personne ne remarquait et tous ces instants de vie éphémères qui se perdaient dans le temps. Et elle se sentait heureuse. Enfin c'était le cas auparavant, à l'époque où Vincent était encore là. Maintenant lui venait en tête des visions cauchemardesques de mort et de souffrance infinie, des images violentes tournantes et miroitantes sous ses yeux posés dans le vague. Le drame de l'hôpital, elle ne le savait que trop bien, rendait sa vie plus insupportable que jamais.
En traversant le passage piéton du boulevard de Russel Square, après avoir vérifié à droite et à gauche qu'aucune voiture n'allait joliment venir la renverser, elle s'aperçut de la présence d'une étrange personne marchant à quelque mètres d'elle, sautillant sur les marques blanches. Sophie esquissa une grimace de dégoût quand à la casquette rose que celle-ci arborait. Certains manquaient décidément de goûts, pensa-t-elle en accélérant le pas.
Malgré le vent fort et froid qui soufflait sur les rues de Londres, le ciel restait d'un bleu pâle et quelque nuages fins se laissaient flotter dans les hauteurs. Au loin, très loin au dessus des toits sombres, les milliers d'édredons blancs s'étalaient tout en haut des cieux avec grâce et douceur, et la mince couverture blanche qu'ils formaient tout là-haut laissait planer dans l'air des désirs de chaleurs inexistantes. Vêtue d'un long manteau sombre lui tombant jusqu'en haut des genoux, Sophie n'avait pas froid, mais ressentait cependant la fatigue de ses récentes insomnies. Comme beaucoup d'autres choses, dormir n'était pas chose aisée bien au contraire, le sommeil ne revenant de droit qu'à ceux qui ont les idées claires. Et en ces temps difficiles, elle fermait rarement l'œil de la nuit.
Soudain à un croisement, Sophie eu l'étrange certitude que quelqu'un suivait ses pas de près. Comme pour la plupart, ce genre d'impression lui arrivait régulièrement mais elle n'arrivait jamais à vraiment discerner si elle était en prise à un psychopathe sanguinaire ou à une simple paranoïa de passage. Alors, d'un mouvement vif de la tête, elle jeta un regard en arrière ; le genre de mouvement non assumé que l'on regrette amèrement lorsque l'on s'aperçoit que l'on est bel et bien seul sur le trottoir. Cependant, cette fois ci contre toute attente, quelqu'un était derrière elle, et Sophie comprit qu'aujourd'hui ce n'était pas sa tête qui lui jouait des tours.

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NIRVANA [ EN PAUSE ]
Science FictionDans un futur proche, deux amis ont mis au point un moyen de détruire à distance n'importe quel objet technologique. Une sorte de virus, de bombe à retardement pouvant s'installer dans les ordinateurs ou objets connectés afin de griller les circuits...