14 | Enfin réunis

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Sous l'engin de quarante mètres de long, les trains d'atterrissage descendirent progressivement, basculant dans le vide tels de courageux soldats. Le pilote, concentré comme toujours dans ces moments de difficulté, réduisit la vitesse et tira doucement sur son manche afin de poser l'avion à l'horizontal. Les bâtiments de l'aéroport Nantais défilaient encore trop vite sur les côtés de la piste; ce n'était pas le moment de se rater. Immobile, les yeux fixés sur son tableau de commandes, il attendait patiemment que les roues minuscules de ce géant aérien soient au sol pour pouvoir couper complètement les moteurs. Il y eut un premier rebond, puis un deuxième. Des vibrations impressionnantes parcoururent le véhicule, et les passagers, scrutant l'extérieur par les hublots, n'eurent qu'une envie: s'arrêter complètement pour être certain de ne pas y laisser leur peau. C'était le dernier rebond, et les trains d'atterrissage restèrent au sol, croulant sous le poids énorme de l'avion de ligne.

– On est arrivé, fit doucement Sophie à sa voisine qui s'était tranquillement endormie contre la vitre.

Et elle lui tapota légèrement l'épaule pour la sortir de ses rêveries. "On est arrivé..."

Les hôtesses défilèrent dans l'allée centrale, souriantes et toutes fières. Elles annoncèrent que le trajet était terminé, qu'elles espéraient qu'ils avaient tous passé un bon voyage, et qu'ils se retrouveraient sûrement bientôt dans cette compagnie aérienne. Le baratin habituel, quoi.

Sophie récupéra sa lourde valise qu'elle avait dû, à cause de son retard à l'embarquement, hisser dans les placards au dessus d'elle. Faisant tout son possible pour ne blesser personne, elle ramena au sol son bagage avec un soupir d'épuisement. Tous s'affairaient autour de leurs manteaux et de leurs petits sacs, et il émanait de la cabine cette atmosphère fourmillante typique des fins de voyages. Sophie tourna la tête vers Lea qui s'extirpait laborieusement de son profond sommeil. Les yeux de cette dernière, endormis et perdus, errèrent dans le vague, et lorsqu'ils croisèrent ceux de son amie, elle se leva d'un bond.

– Chouette! On va s'amuser, dis !

Et Sophie dû se pousser pour laisser passer en trombe le boulet de canon qu'était devenue Lea. Vive et rapide comme l'éclair, des "pardon" jetés un peu partout, elle se faufila toute excitée vers la sortie de la cabine. Et de sa place, au fond, Sophie crut l'entendre demander aux hôtesse de mieux gérer les réseaux Wi-Fi en vol, que ça pénalisait pas mal de professionnels. Sophie sourit. "Quelle clown cette fille", pensa-t-elle en s'engageant elle aussi dans l'allée.

Dans le bâtiment moderne au carrelage vernis qu'était l'aéroport, il faisait plutôt bon. Beaucoup qui attendaient l'arrivée de leurs hôtes s'étaient installés sur les bancs argentés afin de patienter dans un air doux et chaud. Seulement dehors soufflait un air très frais et le ciel de Bretagne couvert de nuages semblait vouloir les menacer tous. Lea qui regardait les cieux de ses grands yeux admiratifs se dit qu'elles n'avaient plus que peu de temps pour se trouver un taxi; il allait tomber des cordes.

– Bienvenue à Nantes, s'exclama-t-elle dans le vent en direction de Sophie. Tu verras c'est joli.

En observant autour d'elle, Sophie espéra que Nantes serait plus belle que ce pauvre paysage gris; les aéroports n'étant en général pas des modèles de beauté et charme citadin. Devant les deux filles, des dizaines de voitures garées sur le parking remplissaient la vue. Stationnées entre les démarcations blanches sur le sol, il y en avait beaucoup trop. Trop en tout cas pour un monde où la Terre avait besoin d'être préservée.

– Faudra pas s'étonner quand on aura tous chopé un cancer des poumons, dit Sophie avec un air de dégoût.

– Oui ?

– On est d'accord, ça va beaucoup trop loin...

Lea lui fit signe de se taire d'un geste brusque de la main.

NIRVANA [ EN PAUSE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant