3 | L'anglaise aux yeux verts

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Sophie Raverdy retourna la veste de jean bleu afin d'y trouver l'étiquette du vêtement.

- 30 livres...

- Pour ça ? Rigola Alice en scrutant le tissu bleu délavé.

Sophie réfléchit quelque temps en observant le haut bleu sous différents angles.

- Tu ferais mieux de l'essayer, on a pas tout notre temps, ajouta Alice en tournant les talons. Elle fit tourbillonner sa chevelure blonde et son amie la suivit vaguement des yeux s'éloigner et disparaître au bout du rayon. Sophie décrocha la veste d'un geste rêveur ; peu importait quoi choisir, il lui fallait acheter quelque chose et se sortir les idées de la tête.

Sophie poussa un lent soupir tremblant et quitta l'allée multicolore.

L'humeur désespérément triste de cette magnifique brune de 25 ans ne trouvait malheureusement pas d'explication dans un régime diététique raté ou d'un chagrin d'amour futile, comme l'aurait voulu les clichés sur les jeunes femmes de son âge ; le jeune frère de Sophie avait été hospitalisé depuis peu, pour fragilité cardiaque. Depuis quelque temps, la famille avait remarqué les difficultés qu'avait Vincent à faire du sport, à récupérer après chaque effort, mais aucun, même pas lui, n'aurait put imaginer qu'il puisse y avoir dans ces problèmes, aux premiers abords insignifiants, une nécessité pressante d'une assistance médicale.Le départ de Vincent, encore seulement âgé de 16 ans pour un séjour dans les lits roulants aux draps blancs, avait été une nouvelle extrêmement difficile a accepter pour tous. Et pourtant,Sophie devait maintenant réaliser que son petit frère qui jouait jadis avec elle au rugby sur la pelouse de leur ancien jardin, était cloué dans une clinique, et que son faible cœur devait et devrait pour toujours supporter l'aide constante d'un pacemaker. Cette pensée horrible lui faisait faire des cauchemars.

Sophie arriva à la caisse, posa son achat sur la plateforme vitrée, et pendant que la vendeuse passait le code barre au scanner, elle jeta un bref coup d'œil à l'entrée du magasin par les portes vitrées. Non, visiblement, Barbara et Alice n'étaient pas encore sorties.

- Cinquante livres s'il vous plais, demanda la vendeuse.

Sophie sortit mécaniquement son portefeuille, et ce fut seulement quand la phrase arriva au cerveau qu'elle s'arrêta net :

- Attendez... Excusez moi madame mais je crois que vous vous trompez, l'étiquette indique trente, madame.

La vendeuse sourit froidement et sans même prendre la peine de regarder l'étiquette, s'approcha de l'écran de son ordinateur.

- 'tendez voir...

Sophie pianota doucement de ses doigts sur le bureau. Certaines de ses amies l'avaient déjà vécu, ce moment où la vendeuse vous apprend un nouveau prix juste avant de vous laisser quitter le magasin. Ce n'était pas comme si cela la dérangeait beaucoup mais enfin, ce n'était pourtant pas banal. Et puis cinquante livres pour une veste de jean ! Elle avait beau être chez Calvin Klein... Mais étrangement, elle était presque prête a payer le nouveau prix tellement son désir de quitter la boutique était au dessus de tout.

- Je suis désolé, cette veste est bien identifiée à cinquante livres. J'avoue que cela m'étonne quelque peu... Vous comptez tout de même poursuivre votre achat mademoiselle ?

Avant de répondre, pour éviter un moment de malaise colossale, Sophie vida frénétiquement son argent sur le bureau devant elle et vérifia qu'il ne lui manquait pas. Heureusement, le tas désordonné de monnaie en comptait juste assez, et elle répondit au questionnement de la vendeuse par un triste acquiescement de tête.

- Oui,oui je l'a prends vot' veste.

Elle n'était plus à ça près.

***

NIRVANA [ EN PAUSE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant